" Je pense à lui, celui qui m'habite sans répit,
je me demande où il est en ce moment précis,
ce qu'il fait, à quoi il songe, à qui il parle, qui il séduit.
Je voudrais qu'il soit là, immédiatement,
je n'ai jamais cessé de le vouloir. "
Tu sais ce que dit le Rom Baro quand il marie deux jeunes gens? « Quand le pain et le sel n'auront plus de goût pour vous, alors seulement vous n'aurez plus de goût l'un pour l'autre». Je crois que je ne me lasserais jamais du sel de ta vie, Louise.
Je songeai que je ne me lasserais jamais de ce visage, que c'était celui de l'homme pour lequel j'existais. J'avais été conçue pour lui. Je lui allais comme un gant, voilà. C'était aussi simple que ça
Tu es injuste. Je manque de tout. De toi dès que tu 'en vas, et tu pars tout le temps.
Pouvait-on aimer de cette façon, aussi fort, aussi soudainement, en dépit de toute raison, de toute prudence ? Était-ce bien moi, Louise la solitaire, l’arrogante, Louise la caustique, qui éprouvais une telle faim de cet homme, un tel besoin de sa présence qu’à peine quitté j’étais déjà en manque de lui ? Je résistai à l’envie de faire demi-tour pour remonter la côte en courant et le poursuivre à travers les ruelles obscures, le supplier de me garder, de m’emmener, ne plus jamais me laisser seule dans le noir…
Les roulottes étaient immobilisées en désordre, environnées de cages, de bassines renversées, de paniers, de linge qui séchait, de chiens étiques, d’enfants sales et presque nus. Cela aurait pu être la chambre jonchée des jouets cassés d’un fils de géant. Ils paraissaient établis là pour longtemps mais tout le monde savait qu’en moins d’une heure, si les gendarmes l’exigeaient, ils auraient disparu comme s’ils n’étaient jamais venus. Je songeai qu’il devait être harassant de vivre ainsi, dans l’angoisse continuelle d’être chassés, dispersés comme une nichée de souris, jamais bien accueillis.
Ma mémoire auditive n’a fait aucun progrès. Je suis toujours incapable de distinguer Chopin de Liszt ou de nommer un morceau avec précision. Les gens s’attendent toujours, bêtement, que je sois imbattable en ce domaine alors que moi, je retiens surtout ce que je lis – et je dévore tout ce qui me tombe sous les yeux, les prospectus mêlés au courrier, les pages de journaux sur lesquels j’épluche les légumes, les affichettes chez les commerçants – instinctivement, sans même y penser.
Dans le crépuscule, le mas ressemble à un navire de pierre dressé à la crête de vagues mauves. La solitude, brusquement, me tombe sur les épaules. Les chiens ont déjà rejoint la terrasse et attendent devant leur écuelle en compagnie des chats. Je dois aussi donner à manger aux poules et arroser les rosiers qui ont grillé tout le jour au soleil.
Pauvre garçon
Dessous le pont
Prendrait bien femme
N’a pas le rond…
Sors de sous le pont
Pauvre garçon
Cherche une femme
Les sous viendront.
« Les femmes se voulaient faciles, mais que de boutons à défaire avant d’arriver à ses fins ! ».