La première série de Lise Robin est en ligne ! Bonne lecture ;)
Heureusement, dans le brouhaha de l’arrivée en masse de mes collègues, mon éclat de voix passe inaperçu. Les locaux se remplissent. Les flics s’installent, prenant la relève de l’équipe nuit, qui préfère travailler au réa-de-chaussée.
Comme à chaque fois que nos regards se croisent, il a cette étincelle que moi seule peut deviner parce qu’elle m’est destinée. Cette lueur qui se nourrie de la force de notre amour.
Ma mémoire était restée coincée dans le passé tandis que mes amies avaient évolué sans moi. C’était là, juste devant moi. Ce n’étaient plus des paroles, des suppositions. Pas de jargon médical, pas de filtres. Juste du concret. Une réalité. Deux ans avaient disparu. Comme évaporés. Et c’était juste devant mes yeux. Je le savais, je l’avais compris, mais avant ce choc, je n’imaginais pas ce que cela représentait vraiment. On n’est jamais préparé à faire un bond dans le temps comme ça.
Maman ne saura jamais ce que ça fait de se réveiller après deux mois dans le coma. Le réveil physique est lent ; pourtant, psychologiquement, c’est d’une grande violence. Quand l’esprit reprend vie avant le corps, que la conscience s’éveille comme lors d’une seconde naissance, c’est perturbant, presque effrayant. Mais le demi-sommeil permet de ne pas s’affoler. Puis les yeux s’ouvrent, on revient complètement à la réalité et l’on comprend que plus rien ne sera jamais comme avant. On ne sait plus où l’on se trouve, pourquoi l’on s’y trouve, comment on s’est retrouvé là. Nos quatre membres ne réagissent plus aux ordres du cerveau comme ils le devraient. Rien ne ressemble à tout ce dont on se souvient. Même nos proches ont changé. Rien ne va. Et l’on a beau hurler, supplier, espérer, le cauchemar est bien réel. On ne se réveillera pas une seconde fois. Alors, on se retrouve face à un choix : soit on devient fou, on souffre en entraînant tout le monde dans sa chute ; soit on encaisse, on avance, en souffrant seul. J’ai opté pour la dernière solution. Parce que mon amour pour ma mère doit être la seule chose constante qu’il reste de ma vie d’avant.
Je m’approche du prédateur. Je lui coule un regard plus brûlant que le sien, ose toucher son bras avant de me planquer brutalement à son corps.
-Tu joues avec le feu, grogne-t-il.
-Avec toi, je n’ai pas peur de me brûler.
Je le provoque. Car lorsque nous entrons en contact, tous bascule. Je ne suis plus la proie à dévorer. Sa proie. Je ne suis pas une victime. Il devient enfin ma cible, tout comme je suis la sienne.
- Qu'est-ce que tu fous ? me chuchote Nathan, quand je suis à sa hauteur. C'est pas le moment de tomber amoureuse du beau tueur à gages.
Évidemment que je le vois. Je ne vois que lui. Et même quand je ne le vois pas, je le ressens. Il me trouble, il m’obsède, il me hante.
Malgré la morosité ambiante en ce début de millénaire à cause des nouvelles, toujours plus alarmistes, en provenance des quatre coins de la planète, il arrive encore parfois qu'on se lève le matin avec un optimisme incroyable, alimenté par une euphorie totalement incongrue.
C’est horrible de sortir du coma et de réaliser qu’on a perdu tous nos repères, que tout autour de nous a changé, et que plus jamais rien ne sera comme avant. J’ai eu besoin de ma maman, plus qu’à n’importe quel moment de ma vie. Elle est mon ancre.
Le cerveau fonctionne d’une façon que l’on n’explique pas toujours. Même les plus grands médecins n’ont pas toutes les réponses. Mais n’oublie jamais qu’il y a une raison à tout, même si cela nous dépasse.