Lise Syven

Les lois de l'Ordre Magistral sont strictes en matière de protection de la population : l'usage de la magie est toléré tant qu'il ne porte pas atteinte aux droits de l'homme. Alors, droguer ses clients, c'est inadmissible.

La subliminalité est une magie qui s'adresse à l'esprit. Il s'agit de cacher un sortilège dans un support, un texte, une image, de la musique...

Papa m'a raconté que le futur n'est pas prédéterminé, il change avec ce qu'en font les gens. (…) Malheureusement, la vie est rarement aussi simple ; en faisant tout pour qu'une prédiction se réalise, une personne risque au contraire de l'empêcher de s'accomplir.

Je voudrais dire quelque chose dans le genre « avec le temps, tout s'efface », seulement je suis bien placée pour savoir que c'est un mensonge. La douleur a beau s'atténuer, la cicatrice reste. Il faut vivre avec.

Avec les mages, il n'y a rien de gratuit, c'est toujours un donné pour un rendu.

Qu'est-ce que ça mange, une vouivre ? À part les cambrioleurs et les bestioles du quartier ?

- (…) Ces magies sont redoutables entre les mains d'une personne douée.
- Comme n'importe quelle arme, lui fais-je remarquer.

Cela arrive souvent ; certaines personnes gardent leur calme dans la tempête et craquent quand tout est terminé.

Ne pas voir de solution ne signifie pas qu'il n'en existe pas (…). Dans tous les cas, baisser les bras n'a jamais aidé personne. Pour te tirer d'un mauvais pas, tu dois avancer dans une direction ou une autre, peu importe tant que les choses bougent et que de nouvelles possibilités se dessinent. Sans cela, la situation n'évoluera pas et tu resteras bloquée à ton point de départ.

Il n'avait aucune envie de marcher sur les cadavres de ses anciens compatriotes. Pourquoi avançait-il encore, dans ce cas ?
Il cracha sur les dalles.
La honte empourprait ses joues. Une part de lui hurlait à l'intérieur et en écho à son mal-être, le lion émit une longue plainte.

- Mais avec tout ce qui est arrivé ces derniers temps, l'homme chauve-souris, les incendies, maintenant l'attentat, on dirait que l'Ordre Magistral est impuissant !
- C'est exactement ce que ceux qui ont orchestré cet attentat espèrent te faire avaler, Elie. Ils manipulent le public, ils le divisent... L'incitation à la haine fonctionne remarquablement bien en période de crise et il faut se méfier des apparences.

- [...] Je me demande si les souvenirs que j’ai ne sont pas factices. Peut-être qu’ils jouaient la comédie.
Magalie repose son verre et pèse ses mots :
- Tu te trompes, Choupette. Ils étaient eux-mêmes avec vous, ils n’avaient pas besoin de devenir quelqu’un d’autre. Beaucoup de gens ont de multiples facettes. Moi, par exemple, je suis totalement différente au boulot et je parie que tu serais surprise si tu m’y côtoyais. Pourtant, tu me connais par cœur.
- Tu travailles en tant que secrétaire médicale. Ce n’est pas comparable à une double vie de mage Robin des bois.
Elle balaie ma remarque d’un revers de main :
- Ce n’est pas si différent. Tes parents étaient des gens bien, tu le sais, non ? Ils t’ont caché un autre aspect de leur personnalité mais ils te l’auraient révélé un jour ou l’autre. Ils étaient avant tout tes parents. Ils se sont occupés de toi depuis ton premier souffle, ils ont changé tes couches, vécu tes joies, tes peines, tes découvertes. Ils ont eu la larme à l’œil lorsque tu leur as récité ta première poésie, ils ont toujours pensé à ton anniversaire et ils t’ont emmenée aux urgences le jour où tu t’es cassé le bras. Je pourrais continuer pendant des heures et te rappeler ces preuves d’amour qu’ils n’ont cessé de te donner…
- Mais ce serait cruel, dis-je, un sanglot étranglé dans la gorge, parce qu’ils ne sont plus là et que tout ça, c’est fini.

Je ne sais pas si j'ai déjà entendu une histoire plus horrible. Quand je vois ce que les hommes sont capables d'infliger aux rhinocéros et aux éléphants pour leurs cornes, je n'ose imaginer jusqu'où iraient des mages avides de pouvoir...

(…) les types qui veulent rester amis, ils espèrent surtout retenter leur chance.

- C’est bon ! Je sors.
- Il t’en a fallu du…
La porte dévoile un autre Karl que celui que j’ai croisé ce matin. Il a, semble-t-il, décidé de s’occuper de sa crinière et opté pour une coupe asymétrique, presque à blanc du côté droit contre un bon gros centimètre à gauche, avec une touffe irrégulière sur le dessus. Il a la même coupe que l’une de mes poupées Barbie que j’ai transformée en punk quand j’avais six ans.
J’explose de rire.
- Maaaaag ! Karl s’est passé un coup de tondeuse, il faut que tu viennes voir le résultat !
- C’est si affreux que ça ? me demande-t-il.
Elle jaillit dans le couloir, en train d’attacher une boucle à son oreille.
- Je n’ai pas le temps pour les blagues… Oh, mon Dieu !
Le bijou lui tombe des mains. Elle se couvre la bouche.

- Tu n’as même pas eu le courage de m’envoyer un texto.
- Je ne pouvais pas te téléphoner. Ou me servir des SMS.
- Il y a des bureaux de poste partout dans le monde. On peut y déposer des enveloppes timbrées qui contiennent du papier, et, miraculeusement, ça permet de donner des nouvelles.

L'important lors d'une confrontation, c'est de dominer (…).

Le frangin dort de travers, un pied hors du lit, un bras appuyé contre le mur. Je plains la pauvre femme qui partagera ses nuits. Les clés n’ont pas bougé de la commode. Je les saisis avec précaution, sans pouvoir éviter un léger cliquetis. Karl se retourne bruyamment et je retiens ma respiration. Il grogne dans son sommeil, on dirait un ours !

- Tu n'as vraiment rien à faire d'autre que de propager des méchancetés pareilles ? Tu devrais consulter un psy !
- Oh, ça va, elle ne va pas en mourir.
- Ah oui? Facile à dire, tu n'es pas à sa place. Ma parole, tu n'as jamais entendu parler des problèmes de viol à la télé ? Tu es complètement dingue (…).

Ponctualité et régularité (…) sont synonymes de progrès.