Rencontre littéraire avec Loubna Serraj autour de son roman « Pourvu quil soit de bonne humeur » à L'Institut Français de Casablance, 26/11/2020,
Je sens une frénésie en moi, une soif de liberté et, du haut de mes trente ans, je sais que l’étancher, c’est aussi étancher ma propre soif. Celle qui fait qu’aussi insignifiant soit mon rôle dans la chaîne de la Résistance, j’ai la satisfaction d’y participer.
Habitant la médina de Fès, que leur importe-t-il si l’Europe est à feu et à sang ou pas ? Hormis le fait que la France se soit érigée en colonisateur, ou « protecteur », comme le voulait le terme admis politiquement, de leur pays, pourquoi s’efforcent-ils d’écouter les informations françaises à heure fixe, tous les jours ?
Tout simplement parce que Maya et Marwan partagent ce besoin de savoir ce qui se passe au Maroc mais aussi ailleurs. Cet « ailleurs » qu’ils savent, qu’ils sentent, extrêmement imbriqué dans leur « ici ». Aujourd’hui, « ailleurs » prend le visage de l’Allemagne d’Adolf Hitler qui envahit la Pologne en ce mois de septembre 1939.
Je vis ces livres comme on pourrait vivre plusieurs vies ; d’autres vies qui ne sont pas la mienne.
Même quand les sentiments d'amour étaient là, il y avait toujours quelque chose en moi qui semblait inadapté ; trop indépendante, trop absente, trop libre, trop carriériste, trop directe, trop révoltée...
J'en ai conclu que ce "trop" me collait à la peau. Dès qu'on me parlait de vie à deux, de schéma conjugal, je trouvais une raison, convaincante ou pas, pour prendre la poudre d'escampette. Si j'acceptais, je devrais changer, me couper les ailes. Trop assoiffée de liberté, je liais vie à deux et enfermement, mariage et mort.
Cette femme m'a troublé, m'a perturbé, est entrée dans ma tête et s'est installée pour ne plus en ressortir. De toute façon, je n'ai jamais voulu qu'elle en sorte.
Le temps et la distance n'y font rien. Les vibrations sont toujours là à chaque fois que mon esprit rêvasse un peu et que je me laisse aller à ramener ce souvenir si doux et si enflammé en même temps.
Merci d'avoir existé, pour ce trouble qui n'aura certes pas duré dans le temps, mais dont les retentissements sont restés comme gravés dans ma mémoire et dans mon cœur.
Que dieu me pardonne, s'il peut me pardonner cette abomination, mais je suis plus transportée par un écrit lu, par une phrase de l'un de mes livres, par le souvenir de ce doux embrun marin que par mes propres enfants. Quelle mère irait dire cela ? Sûrement une mère qui n'en est pas vraiment une.
Cela doit être bien reposant de voir le monde coupé en deux, les individus bons, purs et justes d'un côté et ceux qui sont méchants, mauvais et égarés de l'autre... ou pas ! J'aime trop les nuances et les aspérités pour adhérer à ce raisonnement.
Cette alchimie nous a surpris autant l'un que l'autre. Moi, parce que je n'avais jamais connu rien de tel jusqu'ici. Lui, car i était troublé, et surement un peu flatté, de provoquer cette incandescence. (P.50)
Parfois, les gens ne sont pas aussi forts qu'ils le pensent ou qu'ils le veulent.