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Critiques de Louis-Karl Picard-Sioui (39)
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Kitchike

Le Québécois Louis-Karl Picard-Sioui, membre du clan du Loup du peuple Wendat, régale son lecteur français ! L'éditeur a fait le choix de ne pas encombrer le texte d'équivalents français, juste un lexique à la fin. Et c'est un vivifiant plaisir que de cheminer dans les « charmants méandres » de la prose vivifiante qui jaillit sous nos yeux. On s'y fait très vite, d'autant que l'auteur écrit de façon très savoureuse, avec une énergie communicative.



Chaque chapitre peut se lire indépendamment, comme une nouvelle, autant de chronique de la vie de la réserve fictive de Kitchike, dans le Sud Québec, autant de personnages hauts en couleur que j'ai adoré rencontrer. Autant de tonalités différentes aussi, qui alternent, avec même des touches de fantastique et d'absurde ( des trous noirs envahissent l'appartement du bien nommé Jean-Paul Paul Jean-Pierre ). Louis-Karl Picard-Sioui butine différents niveaux de langage et de styles et c'est très réussi.



Cela peut donner une sensation de récit désaccordé, vite dissipée par la récurrence des personnages dans les chapitres consacrées aux autres. Ce filon narratif consistant à croiser les personnages rencontrés permet de proposer au lecteur plusieurs points de vue sur eux, de compléter notre façon d'appréhender leur psychologie et leur comportement, notamment quand tous défilent au Gaz Bar sous le regard truculent de Mme Paul, logorrhéique serveuse, qui sait tout sur tout le monde dans ce Clochemerle amérindien.



Derrière cette galerie très incarnée et vivante, le texte laisse apparaître en filigrane une véritable radiographie de cette communauté amérindienne fictive mais qui, au final, sent le réel et glisse vers la satire douce-amère. A Kitchike, deux familles se chicanent pour le pouvoir, et tout cela explose joyeusement dans le dernier chapitre «  La Grande débarque » autour du chef véreux Jack Saint-Ours, dénonçant corruption et favoritisme généralisés. Un autre chapitre ( "Pendant ce temps dans la ville avoisinante" ) épingle brillamment le racisme ordinaire subi par les Autochtones, en l'occurence un petit garçon venu acheter de la viande hachée chez le notable M.Viande.



L'auteur parvient à trouver un équilibre pas si évident entre loufoquerie et satire grinçante grâce à la tendresse et la poésie qui infuse subtilement. Les deux chapitres qui m'ont le plus touchés sont La Cage avec sa douceur mélancolique sur le temps qui passe, et L'Homme qui fait danser les étoiles, irrésistible rencontre autour d'un concert de guitare racontée comme une légende indienne.



A noter, comme à chaque fois avec les éditions Dépaysage, avec sa collection Talismans spécialisée dans la publication d'auteurs autochtones francophones ( merveilleux Michel Jean ), le soin apporté à l'objet livre est remarquable : beau grain de papier, tendres illustrations de couverture ( par l'artiste Olivier Mazoué ).
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Amun

Michel Jean, écrivain et journaliste innu a rassemblé neuf autres auteurs amérindiens (de différentes premières nations) pour réaliser ce recueil de nouvelles, Amun. Chacun y est allé de sa propre idée, de sa propre inspiration, créant ainsi un résultat assez hétéroclite et combien approprié. Le lecteur a droit à des histoires d’une autre époque, d’autres plus récentes voire tout bonnement d’actualité, traitant de sujets variés.



Les premières nouvelles m’ont laissé une drôle d’impression. Je ne les ai pas détestées mais je ne peux pas dire non plus que je les ai aimées. Je dirai du moins qu’elles m’ont surpris, évitant les stéréotypes sur les Indiens.



C’est la quatrième qui m’a accroché. Le chamane lakota, de Virginia Mésémapéo Bordeleau. Charly est à la fois chamane et médecin, à cheval sur les deux mondes, récemment séparé et encore jeune. Lors d’un congrès, il rencontre Julia et se sent attiré par elle alors que la jeune femme ne cherchait qu’un guide spirituel. Je ne peux pas expliquer pourquoi mais elle m’a intéressé, l’histoire de cet homme, l’incarnation-même de son occupation mais fait de chair et d’os et ayant des besoins comme tout le monde. C’était très moderne.



La nouvelle suivante m’a également beaucoup plu. Neka, de Naomi Fontaine. La narratrice raconte l’histoire (ce qu’elle en sait) de sa mère et la nouvelle se transforme graduellement en un portrait, celui d’une femme courageuse dont elle est fière. C’était très touchant. Tous ces petits moments qui sont recréés sont aussi l’occasion pour la narratrice de revenir sur quelques moments de son enfance. Ainsi, ces deux parcours, criants de réalisme (et de vérité ?) permettent de mieux comprendre le vécu de beaucoup d’Amérindiens.



Ces deux nouvelles m’ont amené à vouloir relire les premières. Je les ai un peu mieux appréciées, elles ne sont pas devenues des coups de cœur mais je leur ai trouvé des qualités qui m’avaient échappées à la première lecture.



J’ai ensuite enchainé avec les dernières nouvelles. Je les ai trouvées correctes, sans plus. Il n’y eut pas de révélation cette fois-ci et c’était un peu décevant. Je termine donc ce recueil sur une impression mitigée.
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Amun

Amun est un recueil de nouvelles qui constituent autant de facettes et de portraits contemporains des indiens du Canada - avec pour chaque auteur, l'indication de son peuple d'appartenance. Entre mal-être, recherche de son identité autochtone, déception amoureuse, deuil difficile à faire, c'est une palette de sentiments universels qui y sont décrits avec toujours en fond une référence à l'indianité et les traumatismes liés à l'effacement forcé et la négation d'une culture et d'une histoire. Les dix nouvelles proposées évoquent entre autres l'adoption d'une amérindienne par des parents blancs, une jeune femme partagée entre deux cultures - écartelée entre deux sociétés, le départ pour la chasse de l'homme de la famille, sa femme évoquant son inquiétude, ou la survie d'une jeune femme en plein hiver qui déploie toute son ingéniosité pour s'en sortir...

Amun rassemble des récits intimistes et subtils pour évoquer l'appartenance, la filiation ou les souvenirs - par le récit des anciens, qui illustrent la variété des innus et inuits. Certaines nouvelles reprennent le parlé québécois, d'autres auteurs font preuve d'une grande poésie. Tous les textes illustrent l'universalité des sentiments, enrichie par le vécu et la voix des auteurs autochtones.

Un recueil qui permet d'en connaître un peu plus sur les écrivains des première Nations, tous reconnus et récompensés de prix littéraires ou de poésie, une opportunité pour découvrir chacun des auteurs et approfondir leur univers propre.

Je remercie Babelio et les Editions Dépaysage pour cette très belle découverte et j'ai apprécié également le livre en tant qu'objet, un format inhabituel et un papier de très grande qualité.
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Wapke

Le livre se présente comme un recueil de nouvelles d'anticipation autochtone. Je crois par contre que si vous êtes fan de littérature d'anticipation, cette lecture n'est pas pour vous. Parce qu'au final, beaucoup des nouvelles du recueil sont des variations sur la même trame : Le système actuel est tombé, que ce soit par une crise climatique ou économique. Et le protagoniste s'adapte à un mode de vie où manquent certains luxes, mais y retrouve un sens de la communauté qui manquait à la vie d'avant.



Beaucoup de ces nouvelles sont excellentes, mais gagneraient à ne pas se trouver coincées entre deux autres trop semblables.Par contre, si vous êtes plutôt fan de littérature générale/réaliste, cela peut certainement vous plaire. Parce qu'en dehors du worldbuilding, la forme, le style, l'exécution et la voix de chaque nouvelle est unique. Les palettes de personnages sont riches et originales.
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Kitchike

Écrire sur la réserve, raconter sans réserve.



« Des siècles durant, on a écrit sur eux. Sans eux. Figures caricaturales d’une histoire fabriquée par les vainqueurs, ils n’avaient que le droit de se taire ». Dans sa collection Talismans, Dépaysage recueille la parole, l’histoire et la vie des peuples autochtones, racontée par ceux qui en sont issus.



Loin des souvenirs familiaux d’un Michel Jean, Louis-Karl Picard-Sioui nous embarque avec Kitchike dans un patchwork littéraire jouissif, où le quotidien d’une réserve fictive du Québec va se trouver chamboulé par un fait divers revanchard. Une intrigue en forme de prétexte pour nous plonger dans l’incroyable galerie burlesque des habitants de la réserve, « fruit du plus ancien gang bang colonial que la terre a connu ».



Dirigée par le grand chef véreux Jack Saint-Ours, le cœur de Kitchike bat essentiellement autour de ses deux lieux phares : l’église (celle des catholiques ou celle des pentecôtistes) et le Gaz Bar station-service-café-bazar où dans la grande tradition de la transmission orale, l’histoire se forge, se raconte et bien souvent, se déforme. Pour le meilleur, le pire, mais surtout, le drôle et le burlesque !



De Jean-Paul Paul Jean-Pierre, l’homme aux multiples prénoms dont la maison est envahie de « trous noirs » se multipliant à toute vitesse, à Roméo Cœur Brisé et Albin Pinancien gardiens des âmes de la nation, en passant par Madame Paul qui joue les aboyeuses pour annoncer avec humour et insolence chaque nouvel entrant au Gaz Bar sans oublier la bande de pieds nickelés associés aux magouilles de Saint Ours, le microcosme de Kitchike est une bombinette en fusion, qu’une étincelle suffira à faire voler en éclat.



Le verbe est haut à Kitchike, car comme le dit Jakob le Vaurien, « faut pas m’en vouloir, l’ironie c’est tout ce qu’on a ici pour pimenter notre vie ». Mais ce ton burlesque et enlevé n’est que le pendant d’une vie quotidienne socialement et économiquement complexe, dans cette réserve où la double peine des passages français et anglais n’a bien souvent laissé que désespoir et corruption.



Heureusement, il reste l’histoire et la tradition indienne, riche en imaginaire et en spiritualité, qui se poursuit et permet à l’auteur de superbes chapitres où l’esprit s’envole, où la lumière apparaît, où la musique révèle sa force cosmique et où la poésie embellit et réécrit sous un angle différent un quotidien souvent trop sombre, marqué par le souvenir de Diane au destin autrefois tragique.



Un dernier mot sur la langue, pour partie conservée dans sa rédaction originelle, qui surprend au début mais à laquelle on s’habitue très vite et qui devient alors un élément indispensable du plaisir comique jubilatoire de cette grande comédie où Louis-Karl Picard-Sioui se lâche sans aucune réserve !



Cette chronique t’a donné envie ? Câlisse ! Ne sois pas un grand crisse de blanchon-de-marde et que tes bottines suivent tes babines ! Fais pas ton pêteur de coches : file asteur et dépense quelques piasses pour Kitchike. Sûr qu’tu vas l’caler c’te fin de semaine avec plaisir !
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Wapke

Une série de nouvelles d’anticipation écrites par des auteurs autochtones talentueux.



Wapke signifie « demain » en langue atikamekw et le livre est un peu une commande de récits de science-fiction faite auprès d’auteurs qui ne touchent habituellement pas ce genre de littérature. On a donc ici surtout des récits post-apocalyptiques un peu convenus, avec les problèmes des changements climatiques et la destruction de l’environnement causée par l’industrie d’une part et d’autre part un groupe autochtone résilient qui survit grâce aux savoirs traditionnels.



Je caricature un peu, mais pour des nouvelles « d’anticipation », je n’ai pas été éblouie par un foisonnement d’imaginaire. Il faut dire que le quatrième de couverture est explicite lorsqu’il qualifie le recueil « abordant des thèmes sociaux, politiques et environnementaux d’actualité ».



Au final, un recueil inégal, mais une première tentative du genre qui a le mérite de rassembler des auteurs de qualité dont on a intérêt à découvrir les autres œuvres.

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Amun

Tout d'abord je remercie Masse critique et les éditions Dépaysage pour l'envoi de ce livre.

Un grand bravo aux auteurs et autrices présents dans ce recueil, j'ai littéralement adoré ce bouquin.

J'aime beaucoup les récits sur les amérindiens, comprendre leurs traditions, leur rapport à la nature et aux autres, j'ai été servi tout au long de ma lecture qui n'aura duré que 3 jours tant j'ai été happé par ces histoires.

J'ai particulièrement aimé "Où es-tu ?" pour sa beauté du texte et du rapport homme/nature et "j'ai brûlé toutes les lettres de mon prénom" pour l'écriture et l'impression d'avoir une québécoise avec son accent qui me narrait son histoire.



Un moment de délicatesse, de poésie marqué par une réalité poignante de la condition de ces hommes et femmes appelés "Autochtones ou Premières Nations" qui montrent comment ils ont dû et doivent encore se fondre dans la tradition "blanche" colonisatrice tout en étant toujours bien différenciés et relégués malheureusement très souvent au second plan.
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Amun

Avant tout je tiens à remercier tout particulièrement Michel Jean et les éditions dépaysage pour l'envoi de ce recueil de nouvelles écrites par des auteurs et autrices canadiens d'origine innue, huronne-wendate, métisse et crie.

Comme vous le savez, la culture amérindienne est basée sur la transmission orale : cet ouvrage l'illustre parfaitement. En l'ouvrant vous entendrez 10 voix singulières. Certaines s'ouvriront à vous sur le ton de la confidence au travers d'un journal ou de lettres, d'autres auront la saveur d'un conte raconté au coin d'un feu hivernal, ou peut-être aurez-vous l'impression que votre copine québécoise vous déballe son coeur et ses tripes au téléphone (le rendu auditif à la lecture est assez exceptionnel dans certaines et l'éditeur a eu le bon goût de ne rien modifier dans l'édition française).

Une pluralité de tons, donc, qui donne à penser de manières différentes l'héritage des premières nations. Tradition et modernité, métissage, nomadisme ou vie citadine, adoption, crise identitaire et communauté, racisme, statut, de nombreux thèmes sont abordés dans un tissus d'histoires qui ne se rejoignent que par leur extrême sensibilité à l'autre, à soi, aux croyances et à la nature. Un instinct de la chair traduit en mots. Car ce que vous murmurent ou vous crient toutes ces voix c'est qu'elles existent de toutes leurs forces, qu'elles écoutent avec acuité et qu'elles observent le monde d'un oeil aiguisé, le ressentent pour mieux s'en faire l'écho.
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Amun

Recueil de nouvelles amérindiennes édité dans la collection talismans de dépaysage dont c’est me semble-t-il le premier ouvrage.

Une très très belle lecture qui complète entre autre ma découverte du peuple Huron-Wendate lors de mon séjour à Wendake cet été

10 auteur•e•s d’origine Innue, Huronne Wendate, Crie....

J’ai particulièrement aimé deux d’entre elles:

« Mitatamun » (regrets) de Maya Cousineau-Mollen qui évoque avec une grande pudeur l’ histoire d’une adoption (thème cher à mon cœur)

Et le récit très poétique de Michel Jean qui débute ainsi :« Où es tu ? Cela fait une semaine que tu t’es enfoncé dans la forêt. On dirait qu’elle t’a avalé »

Cet ouvrage est pour tous les amateurs de nouvelles, pour ceux qui sont à la recherche de lecture autochtone, pour les passionnés du Québec, pour les curieux, pour ne pas oublier que « sur la plage de sable clair se distingue toujours nettement la poignée de terre rouge »
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Éveil à Kitchike : La saignée des possibles

Il s'en passe des choses en marge du grand pow-wow de la réserve de Kitchike, des vertes et des pas mûres en fait ! Mais au-delà des divers incidents, magouilles, confrontations et élans de solidarité, l'auteur continue de tisser, après “Les chroniques de Kitchike”, un portrait de la vie tumultueuse de cette petite communauté. Pour ce faire. il s'attache à une dizaine de personnages, assez bien campés, confrontés à des enjeux de gouvernance, d'écologie et de violence sexuelle.



J'aime bien cette critique sociale qui dépasse l'approche manichéenne trop souvent rencontrée du méchant blanc contre le bon autochtone. Certains passages sont carrément hilarants, d'autres plus dramatiques mais l'intérêt reste constant. J'ai été un peu surpris et décontenancé devant l'ampleur et la longueur de l'espèce de voyage astral que se tape Pierre Wabush, mais cette incursion dans une fantasy délirante est bien exploitée par la suite pour nous amener à un dénouement satisfaisant. Une note spéciale aussi pour les images de femmes fortes et solidaires qui prennent les choses en mains. En somme j'ai apprécié mon incursion à Kitchike et espère que l'auteur n'a pas fini de nous y promener.
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Kitchike

J’attends dorénavant avec impatience chaque nouvelle parution de la collection Talismans des Editions Dépaysage et le moins que je puisse dire c’est que je n’ai pas été déçue par ce 5ème roman. Quel savoureux roman !



Un roman qui prend la forme d’une collections d’histoires liées les unes aux autres et qui nous amène dans une réserve autochtone du Québec. A travers une galerie de personnages gouailleurs, l’auteur nous fait partager une tranche de vie de cette communauté. Il y a les désenchantés, les poètes, les mystiques, les corrompus, les farceurs, les séducteurs, les justiciers…

C’est Clochemerle outre Atlantique! Une incursion mémorable dans un univers où se côtoie les traditions et la politique, le désopilant et la mélancolie.



En s’appuyant sur la verve québécoise, l’auteur alterne les styles et les niveaux de langages pour donner corps à chaque personnages avec des dialogues qui sont des petites bombes. Ça donne un livre d’une grande vitalité, rafraichissant et un brin désespéré. Car la farce ne manque pas de fond. Derrière l’ironie, il y a la radiographique d’une société humaine et l'occasion de caricaturer avec beaucoup de goguenardise tous les travers de ses membres et du système.



Heureuse d’avoir découvert un écrivain à la si plume piquante. J’en redemande.
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Amun



On ne sait trop si le filet rouge usé, en suspension sur la couverture, est emporté sans force dans les remous du vent, vole de son propre chef et selon son désir, ou suit le mouvement d'un pêcheur qui vient de le lancer. Les consciences qui habitent ces dix nouvelles cherchent leurs sentiers, sous la neige ou dans le vent, en faisant de l'auto-stop le long de la route 138 qui sort de la réserve ou en tenant la main de leur mère. Une interrogation latente bruisse sous les récits. le sentiment individuel entre en dialogue avec le fond culturel collectif innu, cri ou huron-wendate, le souvenir du colonisateur avec les portes nouvelles qui peuvent être poussées. L'un se perd corps et âme dans le "Grand Vide cosmique", une autre retrouve le chemin d'elle-même par la "force incarnante" d'une vision intime chamanique.



"Tout à l'heure, j'ai disposé des ossements de lièvre autour du camp, attachés à des fils, comme maman faisait chez nous. « Il faut honorer l'âme des animaux », disait-elle. Elle avait raison." (72)



Dans notre tradition familiale, entre causses aveyronnais et falaises héraultaises, on ne jette jamais les os et les arrêtes des animaux qu'on mange à la poubelle, ce qui heurte notre sens de la fraternité avec les êtres sensibles, mais on les disperse dans la nature à l'occasion de randonnées. L'approche innue est très séduisante et je l'insufflerai bien dans notre courant d'être, mais elle nous causerait sans doute des problèmes avec le voisinage…



"Les territoires sont toujours là." (17)



L'agencement des textes est soigneux. On glisse d'enfers en renaissances, de fictions en récits personnels. "Memekueshu" répond à "Où es-tu", l'émotion m'a saisie. Par le télescopage des imaginations, l'adolescente en motoneige entre en culbute avec la souffrance d'une nomade. Les créations les plus fouillées du point de vue de l'écriture sont celles qui m'ont le plus enveloppée : "Nashtash va à la ville", conte succinct et symbolique, "Harfang des neiges", poétique intérieure pleine d'images, et "Hannibalo-God-Mozilla contre le Grand Vide cosmique", imbroglio temporel si juste et représentatif de nos développements mentaux. Une voix murmure incontestablement, entre forêts du Québec et bitume de Montréal, qui porte en elle des accents singuliers, et qui par la grande magie de la littérature imprègne de son souffle la mémoire humaine et son devenir. Les voies de l'air, de l'imagination et des mots sont souples pourvu qu'on sache les négocier, les faire pénétrer jusqu'au cœur de l'homme reste plus délicat. Les auteurs de ce recueil s'y essayent avec adresse, force d'âme, tendresse et sincérité.



[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]




Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Kitchike

Kitchike est une réserve fictive dans laquelle les personnages de Louis-Karl Picard-Sioui vont nous donner un aperçu de la situation actuelle des peuples autochtones du Québec.



Sur un fond politique très morose dans lequel la perversion du capitalisme et la soif de pouvoir ont corrompu l'organisation originelle beaucoup plus intuitive des Premières Nations, l'auteur laisse la parole à plusieurs personnages. Derrière les rideaux de l'espièglerie et d'un humour caustique, se dévoilent des individus désirants, agités par leur soif d'authenticité, leur faim d'ailleurs, l'immensité des possibles qui frissonne sous leurs sentiments. Nous découvrons dans de courts chapitres les petites histoires des uns et des autres, leurs pensées les plus intimes, les légendes locales qui les accompagnent et celles plus imposantes qui leurs viennent de temps plus anciens, quand les frontières n'existaient pas.



Le roman est rédigé dans de courts chapitres, comme autant de tableaux que l'ont pourrait situer entre le théâtre et la littérature traditionnelle.

J'ai beaucoup aimé cette alternance des genres, juste suffisamment désaccordés pour incarner la diversité des habitants de Kitchike, mais toujours subtilement imbriqués dans l'unité intrinsèque de la communauté.



En point d'orgue de tout cela, un vrai petit joyau, un chapitre aussi lumineux que vertigineux et qui m'a conquise au plus haut point : "L'homme qui fait danser les étoiles". Je suis sûre qu'il vous embarquera très loin vous aussi.



Merci aux éditions Dépaysage pour l'envoi de ce roman, une maison d'édition formidable que je retrouve toujours avec plaisir et qui propose une exploration plurielle du vécu et de la mémoire des cultures autochtones.

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Éveil à Kitchike : La saignée des possibles

Ce roman choral où le personnage central est la réserve, avec ses belles histoires et les laides, en dit beaucoup plus sur la réalité autochtone qu'il n'y parait. Louis-Karl Picard-Sioui, navigue avec habileté, comme à son habitude, entre le loufoque et le drame. On y retrouve les jeux de pouvoirs, les magouilles, l'oppression des femmes, mais aussi l'attachement aux passé, à ses traditions, à sa spiritualité et à l'espoir qu'il porte encore malgré tout. Il y a des méchants mais on n'est pas sûr que les bons sont si bons que ça et c'est tant mieux, même eux sont imparfaits à Kichike. Et c'est ce que j'aime chez l'auteur, son louvoiement entre l'espoir et la tragédie humaine. Tout cela raconte, avec une justesse à la fois désopilante et triste, ce que c'est de vivre sur une rez.
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Kitchike

Dans la réserve québécoise de Kitchike gravitent des personnages hauts en couleur que le romancier nous dépeint tour à tour au fil des chapitres. Des personnages hétéroclites qui nous permettent de nous immiscer dans le quotidien de cette réserve amérindienne fictive.



On y fait la rencontre du séducteur Pierre Wabush qui se réveille avec la gueule de bois, du vieux chamane Roméo Cœur-Brisé, de Jean-Paul Paul Jean-Pierre qui doit faire face à de mystérieux «trous noirs» ou encore de Madame Paul qui travaille au Gaz Bar et n'a pas la langue dans sa poche.



Les différents points de vue étoffent le récit et permettent au lecteur de découvrir les multiples visages de cette communauté autochtone. Si l'histoire semble plutôt éparse au départ, les personnages finissent par se croiser jusqu'au rebondissement final qui va les réunir et semer le trouble dans la réserve.



Une galerie de protagonistes très vivante que tisse l'auteur sur un ton ironique et mordant. La corruption, le pouvoir ou encore le racisme font notamment partie des piques lancées par Louis-Karl Picard-Sioui.



La poésie, la mélancolie et la détresse imprègnent également ce récit baigné de légendes contées par les Anciens. Car tout n'est pas rose à Kitchike, loin de là.



Une lecture agréable et dépaysante aux délicieuses sonorités québécoises.
Lien : https://mesechappeeslivresqu..
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Amun

Prêté par une amie, ce petit recueil de nouvelles écrites par dix écrivain(e)s amérindien(ne)s m'a d'abord séduit par sa jolie couverture (édition canadienne Stanké).

Les dix plumes qui y sont représentées sont tout à fait à l'image des nouvelles contenues dans ce livre: toutes différentes et similaires à la fois.

Les nouvelles sont très hétéroclites, et situées à des périodes chronologiques différentes, qui vont de cette jeune femme seule sous une tente avec son bébé, en pleine forêt et s'inquiétant du retard de son mari parti chasser, jusqu'`a cette autre qui cherche l'âme soeur sur internet, sur des sites de rencontre.

Toutes évoquent, à des degré différents, la difficulté d'être un "native" mal à l'aise dans ce monde blanc et chrétien qui s'est imposé à eux avec tant de violence. Certains arrivent à trouver leur place, pour d'autres c'est plus compliqué.

Une lecture un peu mélancolique parfois, mais instructive et intéressante.

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Amun

"En ces temps où sévit un fléau amené par la folie d’un système sans frein qui dérègle, massacre, asservit tout ce qu’il touche, en ces temps de maladie instrumentalisée par des politico-financiers sans scrupules, peut-être parviendrons-nous à entendre enfin la voix de celles qui depuis des lustres voient les cadavres s’accumuler sans trêve, de ceux qui se sont vus et se voient toujours dépossédés de leur territoires, de celles qui voient encore aujourd’hui leurs soeurs, leur mère ou leurs filles disparaitre sur des routes maudites, de ceux qui avaient tissé une autre alliance avec la terre."

Kits Hilaire (Extrait) pour DM
Lien : https://doublemarge.com/nata..
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Au pied de mon orgueil

Un homme, autochtone du Québec, écrit le manque, l'amour, quelque chose du silence et du trop-plein, l'espoir et la souffrance, dans une écriture musicale (sans rimes), riche mais sans complexité orgueilleuse. De ces recueils de poésie qu'on aime rouvrir et y piocher les mots qu'il nous faut certains jours, ou certaines nuits.
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Chroniques de Kitchike, la grande débarque

La vie n'est pas toujours drôle sur la petire réserve de Kitchike sans nécessairement être l'enfer non plus. Au fil de ces neuf nouvelles on rencontre des personnages colorés, des situations variant de cocasses à dramatiques. Le regard se fait souvent ironique, parfois dénonciateur, rarement caustique. L'auteur a un sens des chutes remarquable, nous arrachant un sourire complice.



J'ai vraiment aimé ce petit livre car il s'attaque, l'air de rien, à plusieurs sujets épineux sans aucune hargne, ni complaisance par ailleurs. Qu'il s'agisse de méfaits du colonialisme, des problèmes de gouvernance des réserves, des ravages de l'alcool ou du sentiment d'oppression, tout est traité aussi délicatement qu'ouvertement, dans des tableaux où l'humour enrobe le drame. Bref c'est une découverte et je lirai à coup sûr la suite .
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Wapke

Wapke est un recueil de nouvelles d’anticipation autochtone, publié aux Éditions Stanké, sous la direction de Michel Jean. Ce recueil est le premier dans le genre à être publié au Québec. Comme je trouve qu’il faut lire la littérature autochtone, je n’ai pas hésité à dire oui.



Tout d’abord, il importe de mentionner que Wapke signifie futur en langue atikamekw comme il est stipulé sur la quatrième de couverture. Pour un recueil de nouvelles d’anticipation, le titre ne pouvait être mieux choisi. Ainsi, Joséphine Bacon (Innue), Natasha Kanapé Fontaine (Innue) ou encore Cyndy Wilde (Anicinipape et Atikamekw), pour ne mentionner que ces dernières, offrent un portrait post-apocalyptique à leur lectorat. Ils sont 14 à proposer des nouvelles sur ce que sera l’avenir et ce qui m’apparaît vraiment intéressant c’est que les autrices et les auteurs sont nommés et la communauté autochtone à laquelle ils appartiennent est identifiée. Aussi, les thèmes relevés dans ce recueil sont divers. Je peux citer l’impact du réchauffement climatique, le gouvernement autoritaire, la technologie, la fécondité, l’identité, le racisme, la discrimination, le fantastique, etc. J’ai trouvé ces nouvelles fascinantes, voire perturbantes en ces temps de pandémie. À cet égard, j’ai été profondément perturbée par «Pakan» (Autrement) de Cyndy Wilde. Ainsi, j’ai pu relever des éléments qui me semblaient tributaires de la réalité. Par exemple :



«Cette pandémie aura quintuplé la superficie du fossé qui sépare les Autochtones des Québécois» (p. 95)



Ou encore :



«La disparition d’une femme autochtone avait laissé la plupart des gens dans l’indifférence la plus totale». (p. 98)



On peut se référer aux nombreux cas de disparition de femmes autochtones qui sont demeurés des mystères. Ça donne froid dans le dos.



Mais encore, je me suis retrouvée en ce qui concerne la nature. Les nouvelles démontrent souvent à quel point les Autochtones ont besoin de la nature et qu’ils en sont près, qu’ils veulent préserver la Terre-Mère. Je ressens de plus en plus ce besoin d’être dans la nature, près des oiseaux et des arbres, des cours d’eau et ce, depuis le début de la pandémie. Il y a des passages magnifiques illustrant ce constat. Ainsi, dans la nouvelle «2091» d’Elisapie Isaac, Inuk de Salluit, il est mentionné qu’il faut accueillir le silence et qu’il importe de ne pas chercher à le meubler. Ce dernier invite au recueillement, à l’observation, à l’essentiel. Mais encore, il décrit le paysage du Labrador qui doit être splendide (je n’y suis jamais allée) :



«Sur le pont, Tayara admire la vue avec quelques voyageurs. Les vallées, les montagnes, l’infinie beauté du Nord. Ils voguent vers leur première destination, les monts Torngat, vers le Labrador. Un site spectaculaire, un de ses endroits préférés. À chaque visite, la même émotion le submerge. Il ne se lasse jamais depuis huit ans, à raison de quatre voyages chaque été. » (p. 113-114)



Si vous avez envie de découvrir des autrices et des auteurs de choix, n’hésitez pas à lire Wapke. Ce dernier est aussi empreint de poésie :



Une nuit d’étoiles et moi.

Il me semble entendre des pas.

Un vieil homme, panaches de caribou autour

de la taille, veste blanche brodée de rouge, perce

l’horizon.

Grand-père, je n’entends plus ton coeur.

Je sais. (Joséphine Bacon, «Uatan, Un coeur qui bat», p. 201.
Lien : https://madamelit.ca/2021/05..
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Thème : Tokyo revengers, tome 1 de Ken WakuiCréer un quiz sur cet auteur

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