Rachel avait l'impression d'être redevenue une gosse. Ce n'était même plus elle qui décidait, non, ils auraient même pu la forcer à finir son assiette pleine de viande et de sang si elle avait eu vingt ans de moins. Ça non plus, ça ne passait plus. La viande la révulsait, la dégoûtait. Parce qu'elle arrivait enfin à voir ce que c'était : une foutue tranche de cadavre.
L'isolement rendait les détenues apathiques ou bien complètement nerveuses. A quel moment pouvait-on croire qu'en déshumanisant les gens, en les privant de leurs libertés fondamentales, on les remettait dans le droit chemin et les aidait à devenir des citoyens équilibrés émotionnellement ? Personne ne sortait indemne de ces cinq mètres carrés de solitude.
L'espoir est l'opium des pessimistes. Espérer, c'était admettre qu'on avait déjà commencé à abandonner. L'espoir ne fait pas vivre, il ne fait que retarder l'échéance de la déception.
Les choses auraient pu être différentes pour elle. Dans une autre ville, dans un autre pays, sur un autre continent, elle aurait pu connaître une vie normale, être heureuse, fonder une famille, tous ces trucs pénibles qu'il fallait avoir faits pour se sentir soi-disant vivant.
La vie dehors avait dressé ses propres barreaux desquels il était impossible de s’échapper. La solitude ronge. Elle est plus amère quand il y a tant de gens autour de vous. Tant de sourires, d’accolades et de cœurs battants. Pas besoin d’une cellule de trois mètres carrés pour se sentir seul. L’infini est bien plus effrayant.
Si elle fixait toutes les couleurs dans le ciel, sans parler, sans respirer, peut-être qu'elle survivrait. Peut-être qu'elle pourrait laisser son esprit s'échapper et partir le plus loin possible de cette prison.
Elle sentait chaque détonation résonner jusqu'au tréfonds de sa poitrine. Chaque acclamation de la foule située à quelques mètres de là lui chatouillait les oreilles comme les cris des goélands affamés au petit matin. Ils lui avaient promis qu'elle s'amuserait. Que ce serait pour elle une soirée inoubliable. [...]
Mais en cet instant, tout ce qu'elle voulait, c'était mourir
- Comment vous expliquez qu'ils ne l'aient pas tuée ? demanda Pete, le partenaire qu'on avait collé de force dans les pattes de Follers.
- Je ne sais pas. Probablement pour qu'elle raconte, qu'elle se fasse le relais de leur exploit.
- En tous cas, elle a eu de la chance.
- De la chance ? C'était sans doute ce qui pouvait lui arriver de pire. Maintenant, elle devra vivre avec ça jusqu'à la fin de sa vie.
Quand vous avez vu de quoi l’humain est capable, comment faire pour continuer à vivre sur cette planète comme si de rien n’était ?
On pleurera des inconnus pendant qu'on laissera ses proches accumuler des balles dans le tiroir de leur table de chevet.
J'empruntai une route annexe et m'arrêtai à la première station essence que je croisai.