Citations de Luís de Camões (46)
Triste condition des humains ! Sur mer, les tourmentes et les naufrages, à chaque instant la mort sous les yeux ! Sur terre, les combats, les trahisons, l'indigence et toutes ses horreurs ! Où fuir ? où trouver un asile pour cette existence si malheureuse et si courte ?
L'amour est un feu qui brûle sans se voir;
Est une blessure qui fait mal mais ne se ressent pas;
Est un contentement mécontent;
Est une douleur qui rend fou sans faire mal;
Est un non vouloir plus que bien vouloir;
Est être solitaire parmi des gens;
Est ne jamais se contenter d'être content;
Est un soin qui se gagne en le perdant;
Est vouloir être emprisonné par sa propre volonté;
Est servir celui qui vainc, le vainqueur;
Est avoir pour qui nous tue de la loyauté;
Mais comment peut-il causer, s'il vous plait;
Dans les cœurs humains l'amitié;
Si tant contraire à lui-même est ce même amour?
J'ai chanté jadis, à présent je pleure
le temps que je chantais si assuré ;
il semble dans le temps déjà passé
que mes larmes étaient ensemencées.
De mon état je suis si incertain
Que consumé d’ardeur je suis tremblant de froid;
Et sans motif je pleure et je ris à la fois,
J’embrasse l’univers et j’étreins le néant.
Tout ce que je ressens est une confusion;
Un feu sort de mon âme, un fleuve de mes yeux
Tantôt j.espère et tantôt j’ai des doutes,
Tantôt je déraisonne et tantôt je vois clair.
Je suis sur terre et je m’envole au Ciel,
Je découvre en une heure mille années,
Et en mille ans ne puis trouver une heure.
Si quelqu’un veut savoir pourquoi je suis ainsi,
Je dis que je l’ignore; et pourtant je soupçonne,
Madame, que ce n’est que pour vous avoir vue.
Un peu plus de soleil-et j'aurais été braise.
Un peu plus d'azur-j'aurais été au-delà.
Pour l'atteindre, me manqua un coup d'aile ...
Si au moins j'étais resté en-deçà...
Mario De Sà-Carneiro
Dispersion( extrait)
Je me suis perdu en moi,
Labyrinthe que j 'ėtais;
Et voici que désormais
Je sens le manque de moi.
Et j'ai traversé la vie
En astre fou qui rêvait.
Anxieux d'outrepasser,
J'ai même oublié ma vie...
Poème de Sá-Carneiro
Sans toi, tout me chagrine et m’impatiente;
Sans toi, je suis perpétuellement
Au plus fort de la joie dans la pire tristesse.
Faites, Seigneur, que jamais les peuples que l'on admire, Allemands, Français, Italiens, Anglais, ne puissent dire que les Portugais sont faits pour obéir plus que pour commander. Ne prenez conseil que d'hommes d'expérience, qui ont vu de longues années, de longs mois : car si une tête savante contient beaucoup de choses, l'homme d'expérience sait mieux les détails.
Oui, je sais bien
Oui, je sais bien
Que jamais je ne serai quelqu'un.
Je sais aussi
Que jamais mon oeuvre ne sera finie.
Je sais, enfin,
Que jamais de moi je ne saurai rien.
Oui, mais à présent,
Tant que dure ce moment,
Ce clair de lune, ces ramures,
Cette paix qui nous entoure,
Laissez-moi me croire
Ce que jamais je ne pourrai être.
Poème de Ricardo Reis (Fernando Pessoa)
L'or envahit les forteresses ; il fait les faux amis et les traîtres, conseille des bassesses aux plus nobles coeurs, et de lâches défections aux vaillants capitaines. Il ravit aux vierges timides les pudiques alarmes de l'honneur. Il tente quelquefois les enfants de Minerve, il déprave leur conscience et flétrit leur génie.
L'or interprète et dénature les oracles de Thémis. Il fait et défait les lois. Par lui le parjiure entre dans les familles, et la tyrannie dans le coeur des rois. Souvent même on l'a vu se glisser jusqu'au sanctuaire, éblouir le pieux cénobite et profaner la pureté des autels.
Dans mon âme sans trêve il est un feu vivant;
si je ne lui donnais de répit quand je parle,
cendre seraient et ma plume et ma peine;
mais l’immense douleur qui ne me quitte pas
s’adoucit sous les pleurs qui coulent de mes yeux;
ainsi s’enfuit, sans prendre vie, ma vie.
Amor é fogo que arde sem se ver
Amor é fogo que arde sem se ver;
É ferida que dói e não se sente;
É um contentamento descontente;
É dor que desatina sem doer;
É um não querer mais que bem querer;
É solitário andar por entre a gente;
É nunca contentar-se de contente;
É cuidar que se ganha em se perder;
É querer estar preso por vontade;
É servir a quem vence, o vencedor;
É ter com quem nos mata lealdade.
Mas como causar pode seu favor
Nos corações humanos amizade,
Se tão contrário a si é o mesmo Amor?
Luís de Camões
Enfin, tout ce que m'offre la Nature,
Si singulière en sa diversité,
M'est importun si je ne te vois pas.
Sans toi, tout me chagrine et m'impatiente ;
Sans toi, je suis perpétuellement
Au plus fort de la joie dans la pire tristesse.
Volupté ( extrait)
Je tiens des dalhias rouges sur mon sein ...
Tels les doigts du soleil quand je t'étreins,
Enfoncés dans ton coeur comme des lances!
Et de mon coeur les molles arabesques
T'enveloppent dans des cercles dantesques
Félinement, en sensuelles danses...
Florbela Espanca
A une jeune fille ( extrait)
Ouvre les yeux, brave la vie ! Le sort
Doit s'accomplir ! Déploie tes horizons!
Par-dessus les bourbiers dresse des ponts
Avec tes jeunes mains, ton vrai trésor.
Sur ce chemin de la vie qui fascine
Passe les monts, et poursuis droit ta course!
Croque les fruits en riant! Bois aux sources!
Embrasse ceux que le sort te destine !
Florbela Espanca
Le vieillard que voici est Lusus, d'après qui la Renommée appelle notre Royaume "Lusitanie".
Il était fils et compagnon du Thébain qui conquit des pays si divers. Il vint jusque dans notre berceau d'Ibérie, amené, semble-t-il, par le métier des armes qu'il pratiqua sans trêve. La plaine fameuse du Douro au Guadiana, dite jadis élyséenne, le charma au point qu'il voulut y donner éternelle sépulture à des os épuisés et nom à notre peuple.
Ô gloire de commander ! Ô vaine convoitise de cette vanité qu'on appelle Renommée ! Désir trompeur, attisé par ce qu'on nomme gloire et qui n'est que du vent ! Que tu sais bien châtier et justement frapper le coeur vain qui tant te chérit ! Quelles morts, quels périls, quelles tourmentes, quelles cruelles souffrances n'essayes-tu pas sur eux !
Dure inquiétude de l'âme et de la vie, source d'abandons et d'adultères, fléau infaillible et réputé de biens, de royaumes et d'empires ! On te dit illustre, on te dit sublime, quand tu mérites que d'infamants outrages. On te dit Renommée et Gloire souveraine, noms dont on leurre le peuple ignorant !
Voici les bombes à feu, et avec elles les barils de poudre dévastateurs. Pourtant le Capitaine ne permet pas aux servants de Vulcain de mettre à feu des terrifiantes bombardes : car un coeur généreux et vaillant, parmi gens si faibles et craintifs, ne montre pas sa force : et c'est raison, car c'est faiblesse d'être lion parmi les brebis.
La guerre s'étudie sur les champs de bataille.
Un coeur généreux se laisse si aisément séduire aux apparences de la droiture et de la bonté !