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Citations de Lutz Bassmann (98)


Le plus proche navire était un ravitailleur. Dans sa coque transformée en caverne, des vagues parfois s'engouffraient avec des soupirs de monstre. Des aigles de mer traçaient des cercles au-dessus d'un point au nord-est, un banc de poissons ou des noyés. Ils étaient à peine visibles.
- On dirait qu'il y a une inscription sur le ravitailler, fit soudain remarquer Brown.
- On pouvait encore la lire il y a dix ans, dit Cuzco.
- Et c'était quoi ? demanda Brown.
- Dovjenko, dit Cuzco.
- Le nom du bateau ?
- Probablement.
- Joli nom, dit Brown.
- Oui, approuva Cuzco. Ukrainien ou russe, j'imagine.
- Il y avait donc encore des Ukrainiens ou des Russes quand ils l'ont baptisé, fit observer Brown.
- Faut croire, dit Cuzco.
Ils se turent. Ils observaient une minute de silence à la mémoire des disparus, Ukrainiens ou autres.
- Bon, souffla Brown. Il n'est pas très tard, je pense que je vais aller me promener dans les collines.
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Un papillon est entré dans la cellule
une merveille
zigzague dans l’air fétide
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Le moine médite face au mur
le vieux en profite
pour lui voler son pain
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Nous sommes des sacs.
À l"intérieur sont entassés tant bien que mal des machines molles qui nous organisent. Cette machinerie nous autorise à bouger, à cligner des paupières ou à marcher, elle s'arrange pour qu'à aucun moment nous n'oubliions de respirer, elle nous permet de reprendre conscience après le sommeil, et elle nous oblige à persister coûte que coûte et quelles que soient les circonstances, même si les circonstances sont ignoblement insupportables. Elle nous oblige à persister coûte que coûte jusqu'à ce que sonne l'heure de la mort.
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Le cri primal du bébé avait été couvert par le grondement du sol, les détonations des bouteilles de gaz dans les étages, le vacarme des murs d'immeubles qui se couchaient sur la chaussée.
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Sa voix était à peine audible dans le brouhaha. Maintenant il respectait la rude syntaxe des masses, d'instinct il reprenait ses incorrections afin au moins de ne pas être accusé d'appartenir à la neuvième catégorie puante.
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L’ancien cheminot regarde par la fenêtre
mais le paysage
ne défile pas
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Très lentement, Goodman fit de la lumière. Il avait sur lui des poudres et des graisses qu’il avait transportées depuis plusieurs années au fond de ses poches, les protégeant de la pluie et de la poussière et jamais ne les échangeant contre de la nourriture même dans les cas de faim extrême. Il les avait préservées du naufrage en prévision de ce moment où l’obscurité ne nous serait plus supportable, et depuis le début du voyage des années plus tôt, il nous en parlait.
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Un moment, pour nous, cela pouvait représenter plusieurs minutes, ou quelques semaines, ou encore nettement plus.
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Ici Maryama Koum, fière et intraitable créature des ghettos, combattante, merveilleuse, capable de placer une balle dans le front d’un ennemi à deux cent mètres, a brûlé pendant des heures avec ses trois enfants, Sariyia Koum, quatorze ans, Ivo Koum, quatorze ans également, et Gurbal Koum, leur aîné, quinze ans, allant de l’un à l’autre au milieu des flammes et de la rumeur atroce des écroulements, les consolant avec des contes et des chansons, les incitant à mépriser l’adversité, leur promettant un avenir radieux, essuyant avec sa salive et ses mains noires leur corps que la suie rendait illisibles, leur donnant rendez-vous dans un autre monde.
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Ce soir-là, Gavadjiyev avait entendu l'entrée et l'installation de ces trois spectateurs, et, durant toute la durée de la représentation, il avait spéculé avec plaisir sur les effets du bouche-à-oreille qui ne manquerait pas d'attirer bientôt vers le théâtre de nouveaux amateurs. Il avait apprécié le fait que ces trois hommes fussent restés sans bouger, faisant preuve d'une belle qualité d'écoute. Toutefois, à la fin de la séance, il avait été un peu refroidi par l'absence d'applaudissements, et, une fois les lampes de la salle rallumées, il avait dû accepter la réalité : le public n'avait pas survécu.
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On a lessivé la cellule
la crasse a pris des odeurs
de savon
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Il y avait si longtemps que nous cheminions sans lumière que l’idée même de posséder une physionomie ressurgissait en nous comme une constatation brutale, d’une obscénité qui nous terrifiait.
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Les jours de cérémonie officielle, les humains choisissaient au hasard parmi nous quelqu’un qui tiendrait le rôle de garde rouge rescapé des poubelles de l’histoire. Il fallait s’inscrire pour participer au tirage au sort mais, dans les faits, les humains ne se souciaient pas de respecter les résultats de leur propre loterie et, la veille de la cérémonie, plutôt que de manipuler les bulletins crasseux sur lesquels quelques poignées d’entre nous avaient épelé leurs noms illisibles, ils arrivaient aux abords d’un de nos repaires et ils happaient le premier venu afin de l’habiller en garde rouge et de le faire défiler le lendemain sous les quolibets. J’eus cet honneur. Un soir, alors que, bardé de gamelles vides et tintinnabulantes, j’étais en train de me glisser dans un dépotoir que les humains avaient clos de barbelés, un camion s’arrêta à ma hauteur et il descendit une demi-douzaine d’hommes en combinaison antiallergénique, qui m’expliquèrent sans ménagement que je pourrai, le jour suivant, marcher en pleine rue et vociférer ma haine de l’inégalité sans qu’on me tire dessus à balles réelles.
(« Pour faire rire tout le monde »)
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Renoncer à ce qui suscite la protestation des vivants, à leurs petites indignations qui, la plupart du temps, sont insultantes pour les morts. Accepter le contact épuisé, non poétique, avec les morts.

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On avance et on écoute. Qu'on ait ou non la bouche ouverte et qu'on décrive ou non à haute voix ou à voix basse l'image, les paroles et le silence jouent le même rôle dans l'histoire... Qu'on ait connu ou non ceux et celles qui ont été détruits et détruites, les souvenirs sont les mêmes. On dit l'histoire à haute voix ou à voix basse avec la parole et la voix des autres. Qu'on soit amnésique ou non, on se souvient des souvenirs des autres. On continue à avancer dans l'image comme si elle était la continuation de l'espace noir. On continue à avancer ou on s'arrête et on écoute, on écoute l'image, les souvenirs des autres et l'histoire. On écoute à l'intérieur de l'image, on écoute avec sa bouche qui dit les souvenirs des autres et qui dit ses propres souvenirs. Souvent on écoute aussi avec la bouche des autres et même parfois avec la bouche des personnages de l'histoire. La bouche qui écoute produit du bruit et du silence. Que les souvenirs soient douloureux ou non, que l'histoire soit inventée ou non, la bouche produit du souffle, du bruit et du silence. L'espace noir est pour toujours à l'intérieur de l'image. L'espace noir est l'espace d'après le feu, l'espace noir est l'espace d'après la captivité et le feu. Que les souvenirs soient douloureux ou non, l'espace noir est l'espace d'après la douleur. On écoute ce qui reste dans la poussière après la douleur et la bouche produit du souffle, du bruit et du silence. Que l'image soit dite à plusieurs voix ou à une voix, qu'on entende plusieurs souffles ou un seul, qu'on accompagne un personnage de l'histoire ou plusieurs, la solitude est immense.
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Dans une sacoche de soldat
les mains du détenu évadé
on va pouvoir clore l'affaire
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Il y a vraiment trop de monde dans la cellule
on ne peut plus préparer
son suicide
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L’organisation s’est constituée
désormais quoi qu’il arrive
ce sera chacun pour soi
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Motus, moritori était une pièce écrite par Gavadjiyev pendant des journées d’intense cafard. Il l’avait composée au milieu des ruines et dans la fumée des incendies qui persistaient alors que pourtant tout s’était effondré, alors qu’il ne restait plus ni maisons, ni habitants, ni civilisation à brûler. Si des critiques avaient survécu, sans doute auraient-ils reproché à l’auteur quelque chose comme un pessimisme trop caricatural et un manque de foi dans les capacités de l’humanité à se régénérer après le malheur, mais par chance pour la réception de la pièce, les journalistes et les juges littéraires avaient, comme tout le monde ou presque, été réduits en mottes charbonneuses.
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