Et elle est là, cette petite fille dont Amar nous a envoyé quelques photos. Allongée à même le sol, elle me fixe de ses grands yeux noirs et vides. Elle ne bouge pas. Elle ne parle pas. Elle ne pleure même pas. Et ses mains aux doigts étrangement recourbés, le filet de salive qui tombe de ses lèvres entrouvertes, signe sa différence.. "elle est née avec une malformation, me dit Amar. Sa boite crânienne est trop petite pour son cerveau. Les médecins nous ont expliqué qu'elle ne vivrait pas plus que quelques années. Alors......"
Alors, personne ne s'occupe d'elle. Quand je m'approche, une odeur pestilentielle monte en effet à mes narines. Fatiha a fait ses besoins, et l'on a pas changé la couche de tissu qui enserre son bas ventre. Pire encore, elle a vomi sur son pyjama, et personne ne lui a enlevé.
"Sa mère a du mal à la supporter, dit Amar, " à qui je lance un regard noir. "Tu comprends ?, c'est difficile pour elle....
Ce que je comprends surtout, c'est que je suis passée d'un univers de fous à un autre. Ma mère à moi ne m'a jamais aimée. Elle ne s'est jamais occupée de moi. Un jour, elle m'a même oublié et j'ai atterri à la DDASS. Je la trouvais déjà monstrueuse. Mais il y a toujours pire. Ce que supporte Fatiha depuis sa naissance doit être bien plus terrible encore que ce que j'ai supporté moi.