"Je lui (Lady Downhall) ai demandé un jour si je pouvais emprunter un livre de sa bibliothèque, et je vois encore son air étonné. Elle m'a répondu :
"Oui, bien sûr, Margaret."
Mais elle a ajouté :
"A vrai dire, je ne savais pas que vous lisiez."
Ils savaient qu'on respirait, qu'on dormait et qu'on travaillait, mais qu'on lisait, ça, ils ne savaient pas (...). Je les imaginais assez bien en train de me dénoncer à leurs amis :
"Margaret est une bonne cuisinière, mais malheureusement, elle lit. Des livres, figurez-vous." (P. 224-225)
Ce qu'il y avait aussi avec Mrs Bowchard, c'est qu'elle souffrait d'un mal inconnu de la médecine qui s'appelait "mes pauv' jambes". A cause de "mes pauv' jambes", il y avait tout un tas de choses qu'elle ne pouvait pas faire; "mes pauv' jambes" l'empêchaient de monter l'escalier pour aller dormir au grenier comme tout le monde, "mes pauv' jambes" lui interdisaient de faire quelque chose que quelqu'un d'autre pouvait faire à sa place, et c'était toujours à moi de m'y coller.
"Mrs Clydesdale est descendue ; alors, je suis allée vers elle et je lui ai tendu les journaux. Elle m'a regardée comme si j'étais quelque chose de pas tout à fait humain. Elle n'a pas prononcé un mot, elle est juste restée là à me regarder. Elle avait visiblement du mal à croire que quelqu'un comme moi pouvait marcher et respirer. (...). Finalement, elle a articulé : "Langley, vous ne devez jamais, jamais, vous m'entendez, sous aucun prétexte, me tendre quoi que ce soit avec vos mains ; toujours sur un plateau d'argent." (P. 109)
« Tu n'as pas fait les lacets.
- Comment ça, je n'ai pas fait les lacets ?
- Tu n'es pas au courant ? Il faut que tu repasses tous les lacets ; tu les enlèves et tu les repasses. »
J'ai cru qu'elle plaisantait.
« Quoi ? repasser les lacets ?
- Oui. »
"On les appelait toujours "Eux", "Eux", c'était l'ennemi. C'étaient "Eux" qui nous donnaient trop de travail, "Eux" qui ne nous payaient pas assez et pour "Eux", les domestiques étaient un mal nécessaire. On était d'ailleurs leur principal sujet de conversation. D'après les femmes de service, qui descendaient nous le raconter, ils disaient des trucs du genre : "Vous savez, si j'habitais une petite maison à la campagne je ne m'embêterait pas à avoir des domestiques ; pour moi c'est un fléau, ni plus ni moins. Ils se disputent, ils réclament toujours plus d'argent, ils n'ont pas envie de travailler et ils ne font pas les choses comme on voudrait. Mais que voulez-vous, j'ai un rang à tenir, alors je suis bien obligée d'avoir des gens de maison." (P. 135)
C'était la première fois de ma vie que je voyais ce genre d'appendice grandeur nature, et après y avoir jeté un coup d'oeil j'ai bien compris pourquoi Adam s'était dépêché d'aller cueillir une feuille de figuier !
On dit que pour séduire un homme il faut parler à son estomac, mais croyez-moi ce n'est pas toujours facile, il y a des estomacs drôlement durs d'oreille !
Mr Cutler, c'était très rare que j'aie affaire à lui. C'était une grosse légume à la City. Je ne suis pas spécialiste de ces métiers bizarres qui vous imposent de partir le matin vers dix heures et de rentrer chez vous vers quatre heures de l'après-midi, mais à mon avis ce n'était pas un truc trop fatiguant.
Vous ne devez jamais, jamais, vous m'entendez, sous aucun prétexte, me tendre quoi que ce soit avec vos mains ; toujours sur un plateau d'argent.
"Les cadeaux, c'était toujours quelque chose d'utile : des coupons de tissu imprimé, des tabliers, des bas noirs en laine (...). Moi, j'aurais tellement voulu certains des trucs qu'ils avaient : des dessous en soie, du parfum, des bijoux... Pourquoi ils ne pouvaient pas nous offrir quelque chose comme ça? Pourquoi il fallait toujours qu'on ait des cadeaux raisonnables? À mon avis, s'ils nous donnaient des uniformes c'est parce qu'ils savaient très bien qu'on n'avais pas de quoi en acheter avec nos salaires de misère. Et puis, si on avait eu du parfum ou de la soie, on ne serait forcément mal conduites, n'est-ce pas? C'est pour ça que je détestais cet étalage de bienveillance, tout cette comédie pour faire croire que nous aussi on s'amusait bien à Noël." (P.167)