C'est le Kaiser qui avait raison, se dit le soldat à l'esprit vif, cette guerre est une fête. Un banquet pour les mouches. Ces nuées de mouches qui inondent le no man's land lorsque se taisent les fusils. Après une bataille estivale elles recouvrent tout, les cadavres autant que les vivants, leurs abris surpeuplés, leurs haillons ensanglantés, leurs gamelles et la bouillie qu'elle contiennent. Combien de mouches ? Des milliers, des millions, des milliards. Qui dans leur magnificence pathogène butinent, passent des mares stagnantes où macèrent les morts aux latrines creusées à la va-vite, puis aux gamelles des militaires. Ainsi se calcule la probabilité non négligeable de mourir de la dysenterie, du choléra ou de la typhoïde. Est-ce mathématiquement possible d'en réchapper ? Assurément, le temps est à l'abondance. Rarement a-t-on observé une telle foison de mouches, de poux, de rats, de germes, une telle débauche de crasse.
Entre le génie et la folie il n’y a qu’un pas. À quel moment l’éclair de génie devient éclair de folie ? La frontière existe-t-elle ? Il y a sans doute un fou dans chaque virtuose.
Sa voix remonte de loin, ou des profondeurs. Peut-être du fond d'une tranchée.