Car le social est bien la face sombre de cette entreprise « culturelle » et le privilège d’y travailler se paye au prix fort. Les salaires y ont toujours été bas, ils le sont plus encore aujourd’hui, les emplois toujours moins qualifiés au regard du niveau de diplômes exigé. Et puis, au-delà des 13 000 salariés du secteur, il y a tous les autres, free lances, « droits d’auteur », précaires, qui constituent autant de maillons indispensables de la chaîne et sont soumis au « gré à gré », à la demande, au bon vouloir des commanditaires. Il y a aussi les auteurs, en début de chaîne, dont les droits se dégradent avec la baisse des ventes au titre. Les traducteurs enfin, ces auteurs de l’ombre… Tous constituent la matière première indispensable à la réalisation de cet objet unique qu’est le livre. Derrière la façade humaniste de la profession, tous se heurtent pourtant au même cynisme qui considère l’humain comme une charge » à réduire coûte que coûte.
Pour être crédible, un patron d’édition doit d’abord agir par "passion". Qu’on se rappelle cet extraordinaire article de Jean-Luc Lagardère, publié dans Le Monde au moment où son groupe cherchait à absorber Vivendi Universal Publishing, et intitulé "Par amour du livre" ! Car c’est évidemment par amour que l’on rachète son principal concurrent...
L’une des difficultés de fixation du prix du livre numérique tient à la dissociation entre le contenu et le contenant, qui forment un tout dans le livre imprimé. Dès lors que l’acheteur accède non pas à un objet mais à un fichier, il devient impossible de garder le coût de fabrication comme référence de la fixation du prix. Car dans l’univers numérique, ce coût tend vers zéro et la valeur d’un fichier numérique se mesure à l’aune de l’expérience qu’il procure. Ainsi, les biens culturels numériques deviennent ce que les économistes appellent des « biens d’expérience », dont le prix ne peut être établi qu’en fonction de l’ « utilité » qu’en attend le consommateur.