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Critiques de Mathieu Bellahsen (6)
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La révolte de la psychiatrie

Sans être un ouvrage sur l'histoire de la psychiatrie des années 1940 à 2010, cet ouvrage donne des informations sur l'évolution de celle-ci. Suite aux expérimentations des années qui suivirent la Libération et les lendemains de Mai 68, il semblait que la France s'acheminait de plus en plus vers une psychiatrie institutionnelle qui s'attache à promouvoir sur la dynamique de groupe et mise sur la relation entre soignants et soignés. le malade est invité à s'investir dans différentes activités sur le lieu de soins (ateliers divers, clubs, prise en charge du jardinage ou du ménage, etc.). L'établissement verse régulièrement une somme à une association interne, regroupant les soignés et les soignants.



Aujourd'hui dans les hôpitaux cette pratique tend à disparaître, pour diverses raisons largement expliquées et elle n'a jamais existé dans les cliniques. On s'achemine vers la pose de diagnostics définitifs sur l'état du patient et les solutions vont vers une simple atténuation des symptômes par des solutions souvent uniquement médicamenteuses portées par des logiques gestionnaires.



Nombre de soignants des hôpitaux, exerçant diverses fonctions s'offusquent de ces choix et parmi ceux-ci un des auteurs de cet ouvrage qui exerce des responsabilités de psychiatre. Bref, là comme ailleurs la logique néolibérale fait largement son oeuvre depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy et ce n'est pas sous le mandat de François Hollande que l'on a rectifié les orientations.



Le bilan de l'action de chacun des divers ministres depuis 2002, avec en particulier les deux passages remarqués de François Fillon avec un titre de Ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité où est évidemment remarquable l'absence du mot "santé" alors que ce dernier domaine est dans les compétences de ce ministère, serait à faire ministre par ministre, pour les orientations qu'ils ont impulsées dans l'univers des traitements psychiatriques.



La situation est très grave, et les auteurs se penchent notamment longuement sur la question de l'autisme où s'est imposée une vision comportementaliste et une pratique d'une évaluation des troubles qui relève du secteur privée, le tout porté par l'association Vaincre l'autisme. On relèvera ses remarques au sujet du rôle médiatique controversée de l'acteur de Samuel le Bihan qui fonde avec Florent Chapel en 2018 la plate-forme Autisme Info Service qui vise à informer et accompagner les personnes autistes et l'ensemble de la société civile au sujet de l'autisme. On a pu voir ce dernier en particulier dans un téléfilm, largement aidé dans sa réalisation par le Conseil général de Vendée, présentant une vision héroïque des contre-révolutionnaires de l'Ouest de la France.



Alors que 2020 marque le centenaire de la création d'un ministère de la Santé en France, même si celui-ci se nommait alors "ministère de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale" et qu'il y eut des secrétariats d'état à la santé mais uniquement des militaires durant la Première Guerre mondiale, on attend de voir quelles perspectives pourraient se dégager en matière de psychiatrie. Des pratiques coercitives, qu'un Georges Marchais aurait qualifié dans son inculture légendaire (allusion à ces propos sur le droit de cuissage en Afghanistan, un pays resté selon lui à l'époque médiévale), comme moyenâgeuses ont en tout cas assez souvent réapparu et on lira avec effroi ce qui a pu se passer notamment à Saint-Étienne.

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La santé mentale : Vers un bonheur sous contrôle

Ouvrir le champ des possibles pour que l’imprévu advienne



En introduction, Mathieu Bellahsen souligne, entre autres, les ruptures induites par les politiques néolibérales, la mise en avant d’individu « libres de choisir » sur des marchés naturalisés, le principe de concurrence des tou-te-s contre tou-te-s, la norme de l’individu-e comme auto-entrepreneur-e… bref « une liberté conditionnelle, une liberté contrainte à l’intérieur du cadre de la concurrence appliquée à toutes les sphères de l’humanité ».



L’auteur indique « Nous nommerons « santé-mentalisme » l’articulation de la santé mentale et du néolibéralisme ». Il parle aussi des processus disciplinaires, des dispositifs de sécurité, des statistiques produisant une illusion de continuité, de fabrication de normes, de négation des effets des constructions sociopolitiques, du travail de la langue, des notions (pseudo)scientifiques qui servent à masquer et légitimer de réelles politiques.



« La santé mentale dans sa forme actuelle est un processus de normalisation visant à transformer le rapport des individus, des groupes et de la société dans le sens d’une adaptation à une économie concurrentielle vécue comme naturelle »… Et dans son champ professionnel, la psychiatrie, des pratiques visant à « instituer l’inappropriable ».



L’auteur revient sur l’histoire du concept de « l’hygiène mentale », sur les courants progressistes de soignant-e-s après la seconde guerre mondiale, la transformation des milieux d’accueil, le rejet des « pratiques concentrationnaires », les volontés de « rebâtir un lien social », le « désaliénisme ». Il parle aussi des relations entre « une théorie du développement du psychisme et une théorie du sujet permettant d’ouvrir une perspective dynamique là où prédominait l’irrémédiable des état pathologiques », la création du « secteur psychiatrique ». Il poursuit sur les critiques radicale de l’ordre psychiatrique dans les années 70.



Mathieu Bellahsen analyse les réorganisations des années 80, la concurrence entre les cliniques privées et le secteur public, la préférence à l’urgence, au « traitement de la crise », les développements technicistes, la fragmentation des collectifs de soin et leur transformation « en prestataires de services psychiques », l’orientation « organiciste de la psychiatrie » ou la « neuropsychiatrie modernisée prétendument « scientifique » »…



J’ai notamment apprécié le chapitre V « Classer, gérer, normaliser », sa critique du Manuel diagnostique et statistique (DMS), de la prolifération des diagnostics, « Ces nouvelles entités diagnostiques sont symptomatiques du rapport de la société aux luttes politiques et des rapports entre l’individu, le collectif et la société ». L’auteur montre les modifications des milieux de recherche, les « convergences d’intérêts entre l’industrie pharmaceutique et le système assurantiel nord-américain », les classifications dépossédant les personnes, l’impact des nouvelles molécules et l’invention de « nouveaux troubles ». Il souligne la soit-disant présentation « apolitique et athéorique » du nouveau modèle classificatoire et l’expansion du champ de « la santé mentale »…



« les gouvernements renoncent au politique pour se soumettre aux exigences de la « science » promue par certains experts »… un air bien connu aussi dans d’autres domaines. L’auteur discute de la science, du découpage du réel, de la contextualisation nécessaire, des instrumentalisations, des liens entre politique de santé publique et rationalité néolibérale, « les discours sur la santé mentale positive sont au service de l’entreprise de soi »… Mathieu Bellahsen parle de fondation de « neuropolitqiue ».



L’auteur analyse aussi le « développement » de l’autisme, le camouflage de la pénurie, la notion de « bien-être » et sa transformation en norme, « Le contenu du « bien-être » est lié à l’adaptation au milieu social et non à la transformation voire à la révolte contre celui-ci ». Il analyse les discours institutionnels et les politiques menées. Il insiste sur les pratiques de ségrégation et d’exclusion, la réduction de la complexité à des éléments biologiques, la survalorisation des traitements médicamenteux…



Dans un dernier chapitre intitulé « Praxis instituantes », en référence à un concept énoncé par Pierre Dardot et Christian Laval, Mathieu Bellahsen parle de « déconniatrie », de liberté de circulation, de subversion de l’institué, des « dimensions de l’être avec », des aigus du quotidien, des réflexions et pratiques collectives, de temps à aménager pour ne pas transformer les relations en « activité occupationnelle ». Il nous rappelle que « c’est au cadre de s’adapter à la créativité humaine et non l’inverse ». Le titre de cette note est extrait de la dernière phrase de l’auteur.



Un petit livre utile pour mettre en débat des politiques qui se disent neutres et apolitiques, des expert-e-s s’arrogeant au nom de la « science » la confiscation des disputes démocratiques.



Je suis cependant dubitatif sur l’insistance mis sur le langage, le discursif, la non historicisation de ce que nous nommons « souffrances », le caractère « intime et privée » qu’aurait eu la santé mentale antérieurement…



Reste que les maladies dites mentales relèvent (aussi) de la confrontation de l’individu-e avec elle/lui même et aux autres dans l’ensemble des rapports sociaux. Une fois de plus, je ne peux que déplorer la non-interrogation sur le genre, ici, des souffrances mentales. Et il me semble inutile de supputer « de la dimension tragique inhérente à la condition humaine et de l’ineffable porté par chacun… », même sans « sur-estimer » ce que les actions autonomes, les auto-organisations collectives tendues vers l’émancipation, transformeraient chez les êtres humains concerné-e-s, dans leurs relations à eux-mêmes et aux autres.
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La santé mentale : Vers un bonheur sous contrôle

Cet essai du psychiatre Mathieu Bellahsen, édité à La fabrique en 2014 est particulièrement adapté pour mettre au jour les problématiques rencontrées par la psychiatrie. Problématiques toujours d’actualité, comme on peut le constater lorsque l’on voit les mouvements de contestations des personnels soignants dans certains hôpitaux psychiatriques en 2018 (comme à Saint-Étienne-Du-Rouvray). Un second livre que j’ai hâte de découvrir est d’ailleurs sorti cette année sur ce thème, coécrit par Mathieu Bellahsen de nouveau et Rachel Knaebel (et intitulé La révolte de la psychiatrie).



Dans celui-ci, l’auteur dresse un panorama historique de la discipline clair et accessible afin de comprendre son évolution en France (on y distingue l’évolution des pratiques soignantes, des terminologies, à chaque fois liée à un contexte sociétal ou politique au fil des décennies). Ce panorama permet de comprendre les enjeux qui se cachent derrière les nouvelles conceptions du soin en psychiatrie. Un soin adapté en fonction de critères précis, un soin faussement individualisé qui responsabilise le patient au détriment de son histoire de vie, un soin en quête d’une « santé mentale positive », une expression ambivalente vous le verrez et qui fait les affaires des politiques néolibérales sous couvert d’une quête d’un soi-disant bien-être.



Ce panorama historique permet aussi de présenter la nouvelle gestion de l’hôpital, délétère aussi bien pour les patients et leurs familles que pour le personnel. Il s’agit de « l’hôpital-entreprise » où l’on réduit le coût des soins à grand renfort de grilles d’évaluation dans les réponses données aux patients, où l’on augmente l’accompagnement ambulatoire faute de place dans les services, où les pratiques innovantes sont réduites au détriment de pratiques standardisées et étayées scientifiquement (neurologie et neuroscience ont pignon sur rue). L’auteur finit par ouvrir des perspectives en réfléchissant à de nouveaux espaces, des espaces innovants où les pratiques ne sont pas figées et où les patients rencontrent l’inattendu tout en tissant du lien social (l’exemple du club dans l’hôpital, où les patients pourraient se retrouver pour discuter et manger).



C’est un essai essentiel pour qui s’intéresse aux problématiques liées à la psychiatrie aujourd’hui. On retrouve d’ailleurs les procédés de marginalisation du gouvernement actuel qui ne sont pas à l’oeuvre uniquement dans le champ de la psychiatrie. N’hésitez pas à vous attarder au passage sur la très belle préface de Jean Oury, stimulante et qui laisse à penser. Je vous conseille vivement cette lecture.
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La santé mentale : Vers un bonheur sous contrôle

Je ne suis pas une spécialiste du thème mais, au travail, actuellement, il est beaucoup question d'apprendre à s'interroger constamment sur nos pratiques, de communiquer d'une certaine façon ... Il y a même une psychologue embauchée pour cela. Alors, un livre intitulé " Santé mentale. Vers un bonheur sous contrôle." Ça m'intéresse.

Malheureusement, je n'ai pas été convaincue par ce livre.

Le principal argument de l'auteur s'appuie sur une définition de la santé mentale comme capacité à accepter ce qu'on ne peut changer. Pour l'auteur, cette définition rendrait pathologique toute volonté de transformation de la société... Je trouve cette liaison un peu rapide. Si il pointe des travers qu'il faut garder à l'esprit, il nie farouchement tout aspect positif à ces pratiques et, hormis deux exemples en fin d'ouvrage, ne propose rien de concret pour répondre aux besoins des gens.
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La révolte de la psychiatrie

Passionnant cet essai de Mathieu Bellahsen et Rachel Knaebel. Comme en écho au livre d’Emmanuel Venet que j’ai lu l’année dernière « Manifeste pour une psychiatrie artisanale », ce livre « La révolte de la psychiatrie » prolonge à merveille la réflexion en apportant de nombreux exemples de pratiques qui renouvellent la psychiatrie. Des pratiques en réponse à une gestion étatique qui détruit petit à petit les hôpitaux publics (suppression des lits, suppression des dispositifs comme les clubs thérapeutiques, normes des ARS toujours plus nombreuses à respecter dans les soins, moins de temps pour le relationnel, pour l’écoute, des protocoles qui se multiplient, des services qui ferment, des structures de soins qui fusionnent en rendant l’accès plus difficile en terme de distance pour les patients, etc.). La première partie du livre s’attache de son côté à dresser un panorama des évolutions rencontrées par la psychiatrie ces dernières décennies. On y découvre les effets des politiques mises en place. Cela permet de contextualiser et de comprendre comment la logique néolibérale (« du temps compressé et de l’urgence ») fait autant de dégâts aujourd’hui dans les services de soins et comment « la casse de l’hôpital public » (pour reprendre l’expression du livre de Frédéric Pierru et Pierre-André Juven) touche aussi la psychiatrie.



À noter la réflexion intéressante sur le fait que la négociation avec l’État est devenue inutile et qu’il est plus aisé aujourd’hui de mettre en place des contre-pouvoirs localement (agir/expérimenter au quotidien sur les terrains).



« La psychiatrie est un observatoire privilégié de l’évolution de la société dans sa tolérance aux plus fragiles, aux plus déviants et « hors normes ». Elle peut aussi être un lieu d’expérimentation, à partir de cette marge, de formes démocratiques nouvelles, de nouvelles façons d’instituer la société où l’existence de tout un chacun serait à la fois respectée et moteur d’une transformation collective, aussi minimale soit-elle. »



« […] il faut revenir sur cette idée que la personne délirante « marche sur la tête », car marcher sur la tête quand le monde est à l’envers constitue peut-être une façon raisonnable de s’y mouvoir. »



« Destruction des services publics, réduction des espaces de négociation démocratique, atteintes aux libertés, fichage… Ce qui mine la psychiatrie est un miroir grossissant de ce qui se passe dans l’ensemble des sphères sociales et politiques. »
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La santé mentale : Vers un bonheur sous contrôle

Une analyse globale des problèmes rencontrés par les praticien-ne-s aujourd'hui, et de la manipulation politique autour du concept de santé mentale. A lire !
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