une liberté conditionnelle, une liberté contrainte à l’intérieur du cadre de la concurrence appliquée à toutes les sphères de l’humanité
Comprendre que la santé mentale s'insère dans une légitimation du discours de l'adaptation est important pour comprendre les enjeux : "La santé mentale est la capacité de s'adapter à une situation à laquelle on ne peut rien changer." Que penser des personnes qui ne s'adaptent pas à une situation à laquelle elles ne peuvent rien changer, qui refusent de s'adapter, voire qui concourent à changer la situation ? Dans cette définition normative les révolutionnaires peuvent aisément être considérés comme porteurs de problème de santé mentale, disqualifiant par là les luttes sociales au profit d'une vision du monde réactionnaire et aseptisée.
La santé mentale dans sa forme actuelle est un processus de normalisation visant à transformer le rapport des individus, des groupes et de la société dans le sens d’une adaptation à une économie concurrentielle vécue comme naturelle
En psychiatrie, l'importation du discours industriel et entrepreneurial entend résoudre les contradictions qui étreignent l'ensemble des acteurs du champ de la santé mentale et permettre à chacun de faire face à un cadre imposé. Ce cadre est celui de la mise en concurrence généralisée des États, des institutions, des services et des personnes avec tout ce que cela entraîne de contraintes douloureuses sur l'individu (patient ou soignant) et de solutions applicables pour tous.
Liquider l'héritage de mai 68, cela se traduit, pour la psychiatrie, par son retour dans le giron de la neurologie avec la supposée avancée des neurosciences. Mais en dépit de ces déclarations, aucun progrès important ne s'est traduit concrètement dans les pratiques. Instiller la suspicion sur ce qui fut des pratiques émancipatrices permet de s'en débarrasser à bon compte pour laisser la place à une santé mentale industrielle et formatée.
Actuellement, on voit que les neurosciences, utilisées par le pouvoir, visent à transformer l’intérieur de l’individu plutôt que de transformer l’ensemble de la société. Notre critique est donc une critique de l’hégémonie politique qui prend pour support les neurosciences.
c’est au cadre de s’adapter à la créativité humaine et non l’inverse
Définir positivement la santé mentale produit une norme sociale de perfection de l'individu. L'expérience quotidienne montre qu'un tel individu bénéficiant d'un "état de complet bien-être" n'existe pas. Et, c'est précisément sur notre incomplétude que se fonde notre existence. C'est ce qui nous pousse à nous humaniser, à aller vers l'autre (l'amour, l'amitié ...), à inventer et à créer.
les gouvernements renoncent au politique pour se soumettre aux exigences de la « science » promue par certains experts
Souffrir fait partie de notre condition humaine, limiter notre souffrance est un travail que nous tentons au quotidien avec plus ou moins de succès. Vouloir éliminer ces souffrances est une utopie persistante qui s’actualise avec les définitions contemporaines de la santé mentale.