Du haut de ses vingt ans, il nous raconte son quotidien dans la rue. Un quotidien fait de hontes, d’humiliations, mais surtout d'une faim qui tenaille et d’un froid qui transperce même les multiples couches de crasse et de vêtements… Une vie de misère et de manque qui survient après une lente descente aux Enfers et qui se solde par une main tendue et un cul posé sur le bitume glacial ou brûlant, c’est selon. Dans la rue, chaque nouveau jour est un combat pour la survie, éclairé parfois par quelques moments de joie et d'entraide, avec d’autres qui n’ont rien et qui vous aident à tenir bon, à ne pas lâcher devant l'indifférence des gens, ceux qui donnent comme ceux qui détournent le regard.
Sa rencontre avec Élise, poétesse à l'âme torturée et victime de la rue, va apporter un nouvel élan d'espoir et d'amour à cette vie qui en contient si peu, réveillant chez le jeune narrateur un souffle de rage et un vent de révolte… Mais comment ne pas sombrer dans la folie quand le monde vous tourne le dos?
Avec “La manche”, les éditions Gallimard nous offrent un premier roman qui secoue, nous propulsant de plein fouet dans l'univers brutal de la rue et des laissés-pour-compte. On ne choisit pas de vivre dans la rue, on y est contraint. De fil en aiguille, notre jeune narrateur nous livre des bribes de son histoire et l’on découvre ce qui l’a conduit à devenir SDF. Un parcours fait d’aléas et de coups du sort, qui n’ont que faire des dommages collatéraux.
Grâce à cette narration à la première personne, difficile de résister à cette immersion totale dans le monde de la rue. Le ton est sans emphase, à la fois cash et direct. Malgré son jeune âge, le narrateur est touchant de sincérité et de lucidité sur sa propre condition, dressant un portrait sans concession de son univers.
A travers ce premier roman plein de justesse, Max de Paz nous offre une critique virulente de notre société qui déshumanise ses pairs, niant leur existence, afin de mieux vivre la leur ou s’achetant une conscience à coups de piécettes sonnantes et trébuchantes. De ceux qui ne veulent pas voir la chute de peur d’être entraînés aussi à ceux qui “choisissent leurs pauvres” car un clochard qui lit est plus “poétique” qu’un clochard noir qui sourit… Le constat est sans appel et la critique acerbe… Quelles sont les chances pour un SDF de sortir un jour de la rue?
Un roman qui nous questionne, nous interroge sur notre rapport aux laissés-pour-compte et nous invite, nous aussi, à tendre la main… “La manche” est une lecture terriblement émouvante, portée par une voix qui résonne longtemps et des personnages hauts en couleur. Une jolie découverte!
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La Manche, c’est tout d’abord, bien évidemment, « le bras tendu avec au bout la main creuse » (p. 111), le geste du clochard qui aimerait qu’on « lâche une pièce » (p. 17). C’est une immersion dans le monde des SDF.
La Manche, c’est l’histoire d’un trio de voyous que forme le narrateur avec ses compagnons d’infortune, Moussa et Tamás. C’est le récit de leurs joies et de leurs peines au quotidien. Leurs joies éphémères quand ils se moquent allègrement des passants qui préféreraient les ignorer. Leurs peines, surtout : la faim, le froid, l’indifférence et la solitude.
La Manche, c’est aussi la découverte du parcours personnel du narrateur. Comment un jeune homme qui vivait dans un appartement à Ivry avec sa mère et son frère s’est-il retrouvé à la rue ? C’est grâce à des informations savamment disséminées dans le roman que le lecteur comprend peu à peu la raison de cette lente descente aux enfers.
Lire La Manche, c’est suivre l’évolution du narrateur qui prend progressivement conscience que vivre dans la rue n’est pas une fatalité. Les diverses rencontres, des plus éphémères aux plus déterminantes, forgent son caractère. La colère, trop longtemps contenue, finit par se transformer en révolte.
La Manche décrit également les différents rapports de force auxquels sont confrontés les sans-abris. Le jeu du chat et de la souris avec la police. Les querelles de territoire. Les conflits avec le voisinage.
La Manche nous invite à réfléchir sur les incohérences notre société. Les magasins désaffectés, les immeubles vacants et les appartements inoccupés ne sont-ils pas autant d’insultes faites aux sans-abris qui sont forcés de vivre dans la rue ?
Bref, La manche est un roman qui, derrière une histoire à l’apparence banale, met l’accent sur des réalités trop souvent ignorées. Une description sans concession de notre société dans laquelle les plus nantis ignorent la détresse des plus démunis.
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La manche est le premier roman de Max De Paz, jeune auteur né en 2002.
La manche ça raconte un jeune désœuvré qui se retrouve à la rue, ça raconte le vent mordant et qui pique, la chaleur écrasante, les jours qui passent, la même rengaine incessante. C'est faire son nid sur le bitume glacial, recouvert d'un simple carton et se faire marcher dessus tous les quatre matins. Ce sont les nuits d'ivresses pour contrer le froid, absoudre l'ennui, pour s'empêcher de penser à cette vie vaine et sans espoir. La manche, c'est une France où malheureusement les gens ne voient plus les sans-abris, où leur présence fait partie intégrale du décor.
La manche, c'est un trio d'amis, des complices d'infortunes faisant les quatre cents coups pour pouvoir manger, pour pouvoir enfin vivre dignement. C'est aussi la belle Élise, Élise poète à ses heures perdues, Élise au crâne tondu.
Critique des invisibles, de ceux qu'on ne voit pas ou que l'on fait semblant de ne pas voir, mais qui malheureusement, existe bel et bien.
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Un premier roman qui frappe fort en s’immisçant dans le milieu des SDF , de ceux qui font la manche pour survivre.
L’auteur leur donne la parole, on les entend, il écarte leur cape d’invisibilité pour qu’on les voient enfin pour ce qu’ils sont, des êtres de chair et de sang qui tentent de survivre en milieu hostile. Beaucoup de spontanéité, d’humanité et même d’humour dans les réflexions et les attitudes des personnages présentés. Un cri du cœur salutaire bienvenu dans un monde qui nous rend aveugle à l’autre.
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Quel beau texte !
C'est un premier roman dense et profond, poétique également.
Sous couvert d'une narration simple en apparence, l'auteur donne à son texte plusieurs dimensions, déroule le parcours du narrateur dans l'espace et le temps.
La manche, ce n'est pas juste la manche. C'est tout ce qui y a mené l'auteur et qui se révèle par bribe dans une sorte de flux de pensée. C'est factuel, sans ambages, sans pathos. Je ne peux pas dire "clinique" car c'est très poétique.
Cette poésie, cette langue lumineuse et fluide jalonne tout le texte et rend la lecture très plaisante, agréable.
Je trouve en outre qu'il y a quelque chose de très novateur dans la manière dont ce jeune auteur déroule ce flux. Je n'ai jamais rien lu de tel, rien lu qui soit à la fois si lumineux, si fluide, si souple et si riche.
Le récit est au présent et dit des choses du passé du narrateur, de ses aspirations futures et c'est en cela que je trouve que c'est un grand texte : la simplicité du dispositif nous touche et nous invite à considérer la situation du narrateur et des personnages sous bien des aspects !
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Quelle claque ! Dans ce roman, Max de Paz décrit le quotidien d'un sans-abri avec ses difficultés, les (rares) petits plaisirs qui n'ont pas de prix, les rapports avec les autres sans-abris et surtout le rapport aux passants qui ont de multiples profils : entre ceux qui ignorent (voire méprisent) les sans-abris, ceux qui les regardent comme des bêtes curieuses et ceux qui les aident sincèrement.
Du point de vue du style, c'est tout simplement explosif : aucune fioriture de langage, aucun enrobage, mais un langage brut, voire brutal et trivial, avec des phrases dont l'intensité monte crescendo glissant par moments, doucement mais sûrement de la colère à la folie, mais la lecture n'en demeure pas moins agréable et captivante.
Un très bon premier roman qui remue et qui permet de rendre visible ceux que la rue rend généralement invisibles.
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Qu'est ce qu'Olivia de Lamberterie a bien pu trouver de plaisant dans ce roman? Mystère...!
Je l'ai acheté et lu suite à l'enthousiasme contagieux dont elle avait fait part propos de ce petit opuscule, un jeudi matin sur France 2 et j'avoue que je suis fort circonspecte.
La plume de l'auteur est très ordinaire et l'histoire l'est tout autant (l'histoire de jeunes SDF qui font la manche, d'où le titre). C'est d'une platitude! Aucun relief psychologique en ce qui concerne les personnages, auxquels il n'arrive rien de particulier, sinon les affres de la rue, les petites violences quotidiennes propres à ceux qui colonisent, certes malgré eux, la jungle urbaine, et les relations humaines qui se créent sur fond de misère sociale.
Heureusement, le livre est court. Heureusement car, sans cela, j'en aurais abandonné la lecture à la page 30...
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Un roman intéressant qui au-delà de décrire le quotidien d’un jeune homme dans la rue, nous pousse à interroger notre propre attitude face aux personnes qui vivent et mendient sur les trottoirs. Les personnages sont attachants et le regard porté sur notre société acéré. Nous sommes tous.toutes ces autres qui détournent les yeux ou se rachètent de leur sentiment de culpabilité en donnant une misérable pièce. J’ai trouvé ce livre intéressant même si la lecture n’est pas confortable, ce qui est le but: ouvrir les consciences et changer nos comportements.
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La manche de Max de Paz
🫶La manche de Max de Paz aux éditions Gallimard
Il y a quelques semaines de cela, j’avais la chance et l’honneur de participer à l’enregistrement de la Grande Librairie.
Assise dans le public, je découvrais des auteurs que je ne connaissais pas pour certains .
Max de Paz faisait partie d’eux et présentait son premier roman : La Manche.
Écrire en se mettant dans la peau d’un SDF , il a osé le faire et je peux vous dire que c’est une réussite .
Un roman engagé dans lequel il ne pèse pas ses mots, et met le doigt là où ça fait mal, où ça dérange .
Car avouons le, combien de fois sommes-nous passés devant un SDF en détournant le regard, voire en le contournant .
Oui nous l’avons fait, nous le faisons encore et nous continuerons, il ne faut pas se mentir .
Après avoir lu ce magnifique roman, en tout cas vous ne le ferez plus de la même manière , car les mots, les images de ce roman surgiront devant vous .
C’est très fort et j’ai adoré la plume de l’auteur .
Je souhaite à Max de Paz de continuer cette ascension car il le mérite .
Merci à Augustin sans qui je ne me serais peut-être pas arrêtée sur ce roman.
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Triste histoire que ce livre. Il raconte l’histoire d’un jeune homme à la dérive vivant dans la rue … Dans son récit il analyse toutes les circonstances qui ont fait qu il se retrouve sans domicile ainsi que la vie dans la rue, ces lois, ces risques, ces rencontres (bonnes ou mauvaises)
Il évoque et soulève également tous les problèmes d’une société qui ferme les yeux sur les SDF et leurs conditions de vie inhumaine alors que tant de solutions pourraient être apportées
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Sous mes pieds défilent les barrios de Medellín. La cabine du métro cable ne s’arrête pas mais dévoile la misère et l’exclusion. Ressurgissent alors ces sentiments intenses apparus à la lecture, quelques jours auparavant, de La manche, premier roman de Max de Paz édité par Gallimard.
🔥 L'urgence avant tout.
A écrire sur ce sujet brûlant pour Max De Paz, jeune auteur parisien au style tranchant, aux mots vifs.
A vivre. Crucialement. Pour le narrateur sans prénom, paradoxalement anonyme et proche. Très vite attachant. Un jeune homme sans abri, qui se retrouve à la rue dans un enchainement de faits, de délitement familial. Urgence à survivre, à faire malgré lui La manche.
📔“Je le sais, moi, que l’aumône est un tunnel infini, un cycle infernal où la manche d’aujourd’hui cultive celle de demain. Mais il se trouve que je crève la dalle. J’ai faim, j’ai froid, je suis seul.”
🔥 L’immédiateté de la situation, l’irréversibilité.
A quel moment bascule-t-on ? Où se situe le point de rupture ?
📔"Souviens toi de la première fois que tu t’es assis sur le sol : t’as regardé à droite, à gauche, tu t’es dit “c’est temporaire” alors que c’était déjà la fin”
🔥 L’impuissance, la honte, la colère.
Celles du narrateur et de ses amis, Tamás, Moussa et Elise, compagnons de rue, livrés eux aussi à La manche. Parfois avec colère, invectivant les passants d’un “lâche une pièce” ; souvent avec décence, si bien rendue à ces hommes par Max de Paz. Toujours avec conscience face aux regards des passants.
📔“Moi je trouve que la lucidité nous rachète un peu de dignité”
Ma propre impuissance aussi, ma propre saleté, tant l’écrit de Max de Paz éveille en moi l’injustice criante de nos sociétés. Mon incapacité à prendre la mesure de cette détresse, ma propre honte à ne pas avoir toujours compris, détecter, aider.
Après avoir dévoré cet écrit et libéré un excès d’émotions dans un final que Max de Paz choisit de rendre poétique, tendre et plein d'humour, j'ai hésité pendant plusieurs jours à poser des mots sur le blanc de mon écran. La réalité de ces barrios me délie la main.
La manche est un roman si dérangeant qu'il est urgent de le lire.
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