Peu de temps après, il était devenu directeur général de la filiale française. Il avait cédé à quelques autres compromissions, et sacrifié son mariage. Il avait ainsi conservé son poste. Il était devenu inaccessible, tellement au- dessus des autres qu'il semblait avoir perdu son humanité, dissoute quelque part dans les strates du pouvoir.
Benjamin passa la nuit enveloppé dans une couverture. Pendant la première heure, il sursauta au moindre mouvement du troupeau. Les chiens aboyèrent. Son père se leva, puis revint, rapidement. Fausse alerte. Épuisé, Benjamin ferma les yeux devant les étoiles… jusqu’à ce que l’odeur du café du matin réveillât ses narines poudrées de rosée.
— Rien à signaler cette nuit. À deux, on leur a fait peur, annonça laconiquement son père en lui versant son liquide fumant dans une tasse en fer blanc.
C’était sa façon à lui de dire merci.
Pourquoi tu n’y retournes pas ? questionna innocemment Stella.
Benjamin ne répondit pas.
A cet endroit s’arrêtait ses rêves. (…)
Et lui, l’ingénieur, il avait gardé le silence.
La peur.
La honte.
Serge avait grandi aux portes de Paris, entre la rue et la violence d’un foyer, où sa mère, omniprésente, avait confondu éducation et exploitation. Quand elle cessait de crier, ce n’était que pour déblatérer des insanités contre l’école ou toute autre instance qui aurait pu se substituer à elle pour donner une éducation à ses enfants. Elle abhorrait l’euro, les noirs et tous ceux qui venaient manger le pain des Français ; elle aimait en revanche Johnny Halliday, dont la diffusion était le seul répit autorisé à la télévision, allumée le reste de la journée, quand ce n’était pas la nuit. Le père, électricien et peu présent, semblait à peine remarquer la présence de sa progéniture. Jamais il ne prit leur défense, même lorsque la matrone les chargeait des tâches ménagères dont elle n’avait pas le courage de s’acquitter.
Tous les matins, elle boitait.
Par Mélinda Schilge
Comment établir un pont avec une jeune fille de mai 68 lorsqu’on est une femme qui a vécu sa jeunesse au sortir de la grande guerre de 14-18 ?
Plutôt que des leçons de morale, Jeanne choisit de déballer sa correspondance avec Marilène, sa cousine alsacienne qui est aussi la mère de Lucie.
Lucie découvre ainsi de l’intérieur, la vie de femmes qui n’avaient pas le droit de vote, dont la sphère d’influence se limitait à celle du foyer, et avaient besoin de l’autorisation maritale pour travailler. Années pas si folles que ça pour la plupart des femmes dont le statut était ni plus ni moins celui d’un incapable majeur.
Souvent dans les romans, l’émancipation d’une jeune fille passe par la découverte de l’amour et de la sexualité. Pour Jeanne, l’émancipation passera par le développement de sa conscience politique. La découverte de ses racines alsaciennes et l’immersion dans la branche de sa famille vivant dans une région redevenue française depuis peu, favorise l’éveil d’un autre point de vue, et lui permet de s’écarter du prêt à penser destiné aux filles. Elle assiste à la montée du nazisme et en pressent immédiatement le côté obscur.
Bravant les injonctions de son environnement, elle choisit son camp et s’y tiendra pendant la deuxième guerre mondiale, découvrant le pouvoir des images grâce à son ami Kurt, réalisateur allemand en fuite, parce qu’auteur d’un documentaire contre le nazisme.
Le style très classique adopté par l’auteure nous permet de mesurer d’autant plus la valeur des écarts de conduite de Jeanne, jeune femme de bonne famille.
Une approche intéressante de l'amour conjugal à construire et à nourrir plutôt qu'à consumer.
Une réserve toutefois sur le titre, dont la signification est livrée en cours de lecture, ne restitue pas à mon avis, la couleur de ce roman.
Eux, les ricains, ils constataient des dépenses exorbitantes de tissus. Alors qu'ici, en France, c'était une facture de refacturation de leur part qui nous vérolait le résultat.
Interloqué, il observa pendant un long moment une Américaine plantureuse happée par des images synthétiques qui lui delivreraient peut-être un gain providentiel.
Jean-Pierre en choisit un au hasard et ajouta une tarte au citron dont il attendait manifestement qu'elle lui fit oublier l'affront de l'objet caoutchouteux.