J'ai atterri avec Lou dans un bouge exigu et sobre près de la 59e Rue, qui sentait la bière rance, le moisi, la cigarette et la sueur. Le bar, haut et haut en longueur, était sur la gauche quand on entrait. Là, une douzaine d'hommes, pas une femme, se tenaient assis sur des tabourets, perdus dans la contemplation silencieuse de l'alcool, de la nicotine et des regrets. Ils étaient éclairés par les ampoules des guirlandes de Noël à moitié grillées accrochées le long du bar : les fantômes du Noël passé.
Parfois il est plus facile de vivre avec la vérité de son imagination qu'avec les faits.
"Les mères et les filles, tu sais... elles ne peuvent pas rester séparées trop longtemps. C'est un lien puissant."
"Tu manges comme une vache."
Je n'en revenais pas d'avoir prononcé ces mots. En principe, je ne suis pas très porté sur le conflit. Normalement, je laisse glisser, mais quelque chose avait changé. La tendance à se foutre de tout était vraiment en train de prendre le dessus.
Je ne sais pas d’où est venu ce courage. Peut-être que toutes les histoires avec mon père avaient généré en moi une histoire une tendance à me foutre de tout. Je ne sais pas trop.
Quand il y a une dispute, un désaccord? Laisse tomber: Tu ne peux pas gagner. C'est impossible. L'autre truc, c'est que, quand un problème ou une difficulté surgit, une femme veut être entendue, elle veut que ses sentiments soient compris. Mais un homme veut régler la chose, il veut immédiatement trouver une solution... sauf que ça ne compte pas pour la femme quand elle est prise par ses émotions et ses sentiments. Non! Elle veut simplement qu'on l'écoute.
« On renaît en fonction du karma qu’on crée et qu’on transporte avec soi d’une vie à l’autre, mais quelle que soit la vie qu’on a eue précédemment, elle ne ressemble pas à qui l’on est aujourd’hui, car ce que nous considérons comme notre “moi”, ce “moi” auquel nous nous identifions si fortement, n’est rien de plus qu’un ensemble de modèles de comportements, d’habitudes, de pensées, d’idées, d’impressions et d’histoires qui ont été réunis tant bien que mal à partir de différentes causes et circonstances qui ont émergé à cause du karma préexistant ; le moi est une illusion, il est aussi vide qu’un arc-en-ciel. Ce qui se réincarne, en fait, n’est rien d’autre qu’un champ énergétique, impartial et impersonnel, chargé de positivité et/ou de négativité indépendamment de toute qualité identifiable du moi. »
Au départ, les mots qui vont suivre étaient plus ou moins censés tenir lieu de dernières volontés et de testament, peut-être d'ailleurs que ce sera le cas un jour ou l'autre. Je n'en sais rien. Pour l'instant, je veux simplement coucher tout ce que je peux sur le papier.
En musique, c’était West Side Story parce qu’on était censés lire Roméo et Juliette en cours d’anglais – sauf que notre étude de La Lettre écarlate, ayant pris plus longtemps que d’eux-mêmes, de leurs semblables et de la société dans laquelle ils vivent.
Ou quelque chose comme ça.
Leur stratégie pédagogique de pointe consistait à coordonner les notions que nous apprenions en cours et assurer une continuité de thèmes entre toutes les matières. Je trouvais que c’était du pipeau complet, et les fils conducteurs qui reliaient les cours, dont ils étaient si fiers, devaient être sacrément étirés pour donner une apparence de synchronisation et d’harmonie.
Veronica était une autodidacte (c’était son expression, pas la mienne) qui avait appris l’allemand et l’italien toute seule en l’espace de deux étés après la sixième et la cinquième. Le tout en plus du roumain, du français et de l’anglais, qu’elle parlait couramment. Elle avait réussi le concours d’entrée à Hobart avec des 20 partout. Une première dans l’histoire du lycée.
Ses doigts étaient toujours tachés d’encre violette et elle remplissait inlassablement des pages et des pages de cahier pendant, entre et après les cours. Elle était écrivain, et elle le disait. Pas « un jour, j’espère devenir écrivain. »