Le "Quatuor à cordes en fa majeur"
Il est le seul que Ravel ait jamais écrit. À sa création en 1903, Maurice avait déjà échoué deux fois au concours de Rome et devait encore, incroyable mais vrai, subir deux humiliations supplémentaires. Alors que les compositeurs s'attaquent rarement au genre du quatuor à cordes - le plus exigeant de tous - avant d'avoir atteint leur maturité artistique, Ravel n'avait que vingt-sept ans quand il signa ce nouveau chef-d'oeuvre qu'il dédiera, en 1910, à son maître Gabriel Fauré. D'une durée de presque trente minutes, divisée en quatre mouvement, l'oeuvre fit même l'admiration du grand Debussy - qui connaissait décidément très bien la musique de ce jeune et brillant confrère : "Ne changez pas une note à votre quatuor", lui écrivit-il en 1903. Mais Debussy, qui était la jalousie incarnée, va hélas prendre peu à peu ombrage du génie de Ravel au point de couper un jour tout contact avec lui. (p. 111)
Chapitre VI - Ravel et la musique de chambre
Pour la violoniste Hélène Jourdan-Morhange, l'absence d'oeuvres monumentales et grandiloquentes chez Ravel n'est pas un défaut. En amie clairvoyante elle appréciait cette sobriété classique et typiquement française :
"C'est le propre de l'indigence de recourir à la boursouflure des thèmes, aux développements étirés, aux bruits assourdissants qui veulent donner l'illusion de la puissance [...]. Ravel nous joue une comédie inverse de celle de Wagner et qui consiste à paraître toujours moins munificent, moins ému, moins profond qu'on ne l'est en réalité, à offrir des perles sous le déguisement de la verroterie et des joyaux pour des hochets. La musique de Ravel étant d'essence riche, le délayage n'est pas dans sa manière." (p. 16)