Je suis à l'image des rapports entre l'Algérie et la France : meurtri, tourmenté et non abouti. J'en suis peut-être même le symbole, une mémoire vivante qui porte en lui les stigmates d'une histoire jalonnée de douleurs, de non-dits de crimes, d'injustices. Je pensais être le fils d'un combattant du FLN. Mais voilà, j'ai découvert que toi, ce père toujours présent dans mon esprit, tu n'étais qu'un vulgaire soldat dans une armée coloniale.
Depuis, ma vie ressemble à un enfer. Je ne cesse de te chercher, de t'imaginer, mais je ne voyais qu'un uniforme militaire, vide, sans corps, sans visage, sans yeux, rien qui puisse t'identifier. Qui étais-tu ?
Mon livre intitulé "Lettre à ce père qui pourrait être vous", édité d'abord en France en 2005, est un petit résumé de mon autobiographie. Il fût un passage obligatoire pour me protéger de mes ennemis également un réquisitoire devant les tribunaux français.
Avant d'engager une quelconque procédure, il me fallait m'abreuver dans les bibliothèques et connaître d'avantage la guerre d’Algérie et toutes les lois qui pourraient entraver mon action devant la justice française. J'avais face à moi le code pénal civil également le code pénal militaire semé d'embûches dont l'amnistie du 31 juillet 1968 signé par le général de Gaulle (voir annexes) qui amnistie toutes les exactions commises par les militaires français ainsi que les politiques qui ont ordonné, protégé et planifié le génocide algérien.
En somme, nul ne pouvait citer un nom ou poursuivre l'un des acteurs pour ses crimes abjects. Les journalistes, les écrivains et les historiens français pouvaient être pénalement poursuivis.
Ma seule issue était que je dépose plainte pour troubles psychologique de guerre, étant né d'un viol. J'ai été suivi et traité depuis l'âge de 9 ans par d'éminents psychiatres tels que le défunt Dr Boucebci, Dr Aziez, Dr Ridouh et le Dr Akrour en Algérie. Muni de mon histoire et de mon dossier médical, une fois en France en 1998, je vais voir celui qui allait me suivre et qui continue à me soigner à ce jour.
Plainte déposée, la Cour désigne un expert psychiatre militaire pour évaluer mon état psychique et physique, vu mes différentes séquelles (toujours présentes) : luxations à répétition des épaules, basculement de la hanche, colonne vertébrale esquintée et occipital droit et gauche du crâne fracturés quand j'avais un an par ma première nourrice (le certificat d'hospitalisation était joint au dossier du juge). Les premières séquelles énumérées sont dues aux coups de rangers des militaires portés sur le ventre de ma mère pour effacer toute trace du crime, en vain : la mort n'a pas voulu de moi.
En novembre 2001, les médias s'empressent et se bousculent au tribunal et au cabinet de mon avocat afin de médiatiser la victoire historique de la première et dernière victime de la guerre d'Algérie reconnue par la justice.
Après le brouhaha de la médiatisation et les sous-entendus, je deviens gênant et surtout en position de force. Tout le monde pensait que le but de mon combat était purement financier, j'étais heureux car personne n'avait pris conscience de mon véritable objectif, détourner cette amnistie verrouillée et votée par l'Assemblée nationale de la cinquième République. Je venais de faire une brèche dans le béton armé de l'amnistie qui prohibe toute plainte contre les criminels.
Le jugement enregistré au greffe, après deux mois je reçois la notification signée par le ministre de la défense, on ne compte pas faire cassation de la décision de la Cour de la chambre des pensions militaires. C'était en somme, la capitulation, l’effritement d'une amnistie qui devient caduque, une victoire tant espérée, ma véritable victoire car celle de novembre 2001 était dédiée à tous les médias et historiens qui furent bâillonnés durant 33 ans par cette France qui se dit pays des lumières, pays des droits de l'homme et dont la devise est "liberté, égalité, fraternité".
En mai 2002, je poursuis mon combat et j'engage une nouvelle action en justice contre le Ministère de la Défense pour crime de guerre et crime contre l’humanité. Cette lourde accusation me fait traverser 12 années de batailles judiciaires et financières.
L'alerte générale, la gouvernance et à bout de souffle, tous mes droits me sont retirés même les plus élémentaires. La justice, par la voie de sa ministre, m'interdit d'acquérir l'aide juridictionnelle dont je devrais bénéficier automatiquement, pour m'empêcher de me présenter à mon procès devant le Conseil d'Etat le 05 janvier 2014. Les lettres de courtoisie (voir annexes) en réponse aux miennes fusent en abondance de la part de la gouvernance afin de couvrir leur futur départ si je décide de les poursuivre pour complicité illégale d'avoir interdit la tenue du procès contre des crimes couverts par une amnistie contraire aux principes fondamentaux de la convention de Genève signée par la France à plusieurs reprises dont celle du 22 août 1864 et du 12 août 1949 et dont L'ONU en est garante, quand elle le veut bien sûr.
Dans cette quatrième édition ajoutée, je tente d'expliquer au lecteur le vrai but de mon combat. Mon livre c'est l'histoire d'un Algérien qui s'est battu pour honorer sa mère, la femme d'un héros oublié et pour rétablir son identité judiciaire et politique.
Je voudrais dédier ce livre aux victimes civiles de la guerre d'Algérie, partie intégrante de la famille révolutionnaire.
Mohamed GARNE.
«Je suis un enfant de l'Algérie et de la France , de leur union intime et violente. L'Algérie a été mon berceau, la France mon éducation» (p 21