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Citations de Mona Chollet (1070)


J'ai les moyens d'acheter des livres, mais moins de temps pour les lire. En contemplant les piles qui encombrent l'appartement, j'essaie d'évaluer de combien leur volume dépasse déjà la somme de temps que j'aurai jamais à leur consacrer. Je découvre avec soulagement qu'en japonais il existe un mot pour cela : tsundoku ("acheter des livres et ne pas les lire; les laisser s'empiler sur le sol, les étagères ou la table de nuit"). Auparavant, aucun essai ne me semblait trop ardu si le sujet m'intéressait: je m'installais à la table du salon et je laissais les heures s'écrouler sereinement, soulignant avec soin les passages marquants au crayon et à la règle. En protégeant ma concentration, la pièce autour de moi semblait me seconder dans mes efforts et partager l'émerveillement des révélations qu'ils me valaient. Désormais, la journée ayant épuisé mon énergie intellectuelle, je suis trop fatiguée le soir pour faire autre chose que regarder des séries télévisées. J'aime beaucoup les séries, mais je reste à la porte des révélations. Et un peu à la porte de chez moi aussi.
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La peur de ne pas plaire, de ne pas correspondre aux attentes, la soumission aux jugements extérieurs, la certitude de ne jamais être assez bien pour mériter l’amour et l’attention des autres traduisent et amplifient tout à la fois une insécurité psychique et une autodévalorisation qui étendent leurs effets à tous les domaines de la vie des femmes. Elles les amènent à tout accepter de leur entourage ; à faire passer leur propre bien-être, leurs intérêts, leur ressenti, après ceux des autres ; à toujours se sentir coupables de quelque chose ; à s’adapter à tout prix, au lieu de fixer leurs propres règles ; à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, se condamnant ainsi à un état de subordination permanente ; à se mettre au service de figures masculines admirées, au lieu de poursuivre leurs propres buts. Ainsi, la question du corps pourrait bien constituer un levier essentiel, la clé d’une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences conjugales à celle contre les inégalités au travail en passant par la défense des droits reproductifs.
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Les liens tissés au fil des années- amours ou amitiés, d'ailleurs -, nourris du génie propre de chacun, de sa générosité, de ses ressources insoupçonnées, ceux qui font s'entremêler profondément deux existences, sont ce qui donne son sens à la vie, la seule victoire possible sur la mort. L'amplitude temporelle d'une relation amicale ou amoureuse est un cadeau inestimable.
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« Je hais les médecins. Les médecins sont debouts et malades sont couchés. (...) Et les médecins debout paradent au pied des lits de pauvres qui sont couchés, et qui vont mourir et les médecins leur jettent à la gueule sans les voir des mots en gréco-latins que les pauvres couchés ne comprennent jamais, et les pauvres couchés n'osent pas demander pour ne pas déranger le médecin debout qui pue la science et qui cache sa propre peur de la mort en distribuant sans sourciller ses sentences définitives et ses antibiotiques approximatifs comme un pape au balcon dipersant la parole et le sirop de Dieu sur le monde à ses pieds. » Peu avant la mort de Pierre Desproges, d’un cancer, en 1988, j’avais éprouvé un flash de reconnaissance à la lecture de ce réquisitoire, prononcé dans le Tribunal des flagrants délires.
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Mimer éternellement l'impuissance et la vulnérabilité de l'extrême jeunesse permet de montrer patte blanche dans une société qui condamne les femmes sûres d'elles ; mais cela oblige à se priver de l'essentiel de sa puissance et de son plaisir de vivre."
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"Aimer rester chez soi, c'est se singulariser, faire défection. C'est s'affranchir du regard et du contrôle social. Cette dérobade continue de susciter, y compris chez des gens plutôt ouverts d'esprit, une inquiétude obscure, une contrariété instinctive. Prendre plaisir à se calfeutrer pour plonger son nez dans un livre expose à une réprobation particulière. "Tout lecteur, passé et présent, a entendu un jour l'injonction : "Arrête de lire ! Sors, vis !"",constate Alberto Manguel. En français et en allemand, le mépris des "fous de livres", cette créature chétive et navrante, a donné naissance à l'image peu flatteuse du "rat de bibliothèque", qui, en espagnol, est une souris, et en anglais carrément un ver (bookworm), inspiré du véritable ver du livre, l'Anobium pertinax. C'est un fond irréductible d'anti-intellectualisme qui s'exprime là. Ce peu de confiance et de crédit accordé à l'activité intellectuelle se retrouve dans le milieu journalistique. Il explique cette tendance à minimiser l'importance du bagage personnel que chacun se constitue et enrichit continuellement - ou pas - et à faire plutôt du terrain une sorte de deux ex machina.
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Les écrivains, ou les artistes en général, sont aussi les seuls casaniers socialement acceptables. Leur claustration volontaire produit un résultat tangible et leur confère un statut prestigieux, respecté (à ne pas confondre toutefois avec une profession, puisque la plupart gagnent leur vie par d'autres moyens). Il faut le bouclier de la renommée pour pouvoir déclarer tranquillement comme le faisait le poète palestinien Mahmoud Darwich : "J'avoue que j'ai perdu un temps précieux dans les voyages et les relations sociales, je tiens à présent à m'investir totalement dans ce qui me semble plus utile, c'est-à-dire l'écriture et la lecture. Sans la solitude, je me sens perdu. C'est pourquoi j'y tiens - sans me couper pour autant de la vie, du réel, des gens... Je m'organise de façon à ne pas m'engloutir dans des relations sociales parfois inintéressantes"."
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Tout notre imaginaire romantique est fondé sur une forme d'infériorité des femmes et de sa sublimation. Il faut toujours que l'homme soit plus grand. Et que la femme se fasse toute petite pour être aimée.

Mona Chollet
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Près de la moitié des femmes (47%) se concentre toujours dans une dizaine de métiers comme infirmière (87,7% de femmes), aide à domicile ou assistante maternelle (97,7%), agent d'entretien, secrétaire ou enseignante.

Or, au Moyen-âge, les Européennes avaient accès comme les hommes à de nombreux métiers, souligne Silvia Fédéreci : " Dans les villes médiévales, les femmes travaillaient comme forgeronnes, bouchères, boulangères, chandelières, chapelières, brasseuses, cardeuses de laine et détaillantes." En Angleterre "soixante-douze des quatre-vingt-cinq corporations comptaient des femmes dans leur rangs3 et dans certaines d'entre elles, elles étaient dominantes."
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L’idée que les femmes sont des individus souverains, et non de simples appendices, des attelages en attente d’un cheval de trait, peine à se frayer un chemin dans les esprits – et pas seulement chez les politiciens conservateurs.
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Non, décidément, ‘il n’y a de mal à vouloir être belle’. Mais il serait peut-être temps de reconnaître qu’il n’y a aucun mal non plus à vouloir être.
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Nous faisons continuellement l’éloge des femmes dans des termes qui soulignent leur dévouement, leur abnégation, leur souci des autres - et, en creux, leur oubli d’elles-mêmes : « toujours souriante », « le cœur sur la main », « toujours là pour ses enfants »…Toutes ces qualités sont tellement inhérentes à notre conception du féminin que nous prononçons ces paroles banales sans y penser. À l’inverse, celles qui mesurent leur générosité, qui écoutent leur propres besoins, qui ne se sentent pas directement responsables du bien-être des trois quarts de l’humanité sont vite perçues comme froides et égoïstes.
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"Les femmes ont une autre option. Elles peuvent aspirer à être sages, et pas simplement gentilles; à être compétentes, et pas simplement utiles; à être fortes, et pas simplement gracieuses; à avoir de l'ambition pour elles-mêmes, et pas simplement pour elles-mêmes en relation avec des hommes et des enfants. Elles peuvent se laisser vieillir naturellement et sans honte, protestant ainsi activement, en leur désobéissant, contre les conventions nées du "deux poids, deux mesures" de la société par rapport à l'âge. Au lieu d'être des filles, des filles aussi longtemps que possible; qui deviennent ensuite des femmes d'âge moyen humiliées, puis de vieilles femmes obscènes, elles peuvent devenir des femmes beaucoup plus tôt - et rester des adultes actives, en jouissant de la longue carrière érotique dont elles sont capables, bien plus longtemps. Les femmes devraient permettre à leur visage de raconter la vie qu'elles ont vécue. Les femmes devraient dire la vérité." Presqu' un demi siècle plus tard, ce programme reste à la disposition de toutes celles qui voudraient s'e'n emparer.
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Où que je le rencontre, le mot "sorcière" aimante mon attention, comme s'il annonçait toujours une force qui pouvait être mienne. Quelque chose autour de lui grouille d'énergie. Il renvoie à un savoir au ras du sol, à une force vitale, à une expérience accumulée que le savoir officiel méprise ou réprime. J'aime aussi l'idée d'un art que l'on perfectionne sans relâche tout au long de sa vie, auquel on se consacre et qui protège de tout, ou presque, ne serait-ce que par la passion que l'on y met. La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie.
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Le seuil de tolérance est bas : une femme sûre d'elle, qui affirme ses opinions, ses désirs et ses refus, passe très vite pour une harpie, une mégère, à la fois aux yeux de son conjoint et aux yeux de l'entourage.
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Il est parfois difficile de déterminer si le modèle du détachement affectif est une conquête féministe ou s’il est une manière de se conformer aux attentes masculines. Pour certains hommes, il semble servir de couverture pour réaliser leur désir […]d’une femme qui rend service et qui ferme sa gueule.
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A une journaliste qui lui demandait pourquoi elle ne se mariait pas, elle avait fait cette réponse restée célèbre : " Je n'arrive pas à m'accoupler en captivité."
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Naomi Wolf n’a sans doute pas tort de voir dans l’inhibition d’un nombre croissant de jeunes femmes envers la nourriture l’une des causes du déclin du féminisme : comment apprendre à se connaître, comparer ses expériences –et pas seulement ses mensurations-, tisser des liens de solidarité, lorsqu’on ne peut même pas s’asseoir une heure à la même table ?
« Il n’y avait que moi dans ma vie », dit Portia de Rossi à propos de sa période anorexique, en reconnaissant que cela faisait partie du problème. L’obsession de la minceur a pour effet de retrancher du monde celle qui en est la proie. De tous les moyens mis en œuvre pour faire des femmes de petites choses chétives, juvéniles et inoffensives, elle est la plus envahissante, la plus efficace : non seulement elle vise directement la place qu’elles occupent, au propre comme au figuré, mais elle implique une discipline quotidienne, permanente –alors qu’il y a toujours un délai entre deux opérations de chirurgie esthétique, comme entre deux séances de Botox ou d’épilation.
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Les garçons sont incités à envisager leur trajectoire future de la façon la plus aventureuse possible. Conquérir le monde tout seul représente le destin le plus romantique qu'ils puissent imaginer, en espérant qu'une femme ne viendra pas tout gâcher en leur mettant le fil à la patte. Mais, pour une femme, la perspective de tracer son chemin dans le monde est dépeinte comme triste et pathétique aussi longtemps qu'il n'y a pas un type dans le tableau. Et c'est une tâche si énorme que de réinventer le monde en dehors de ces conventions étroites !
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En 1233, une bulle du pape Grégoire IX avait déclaré le chat "serviteur du Diable". Puis, en 1484, Innocent VIII ordonna que tous les chats vus en compagnie d'une femme soient considérés comme des familiers ; les "sorcières" devaient être brûlées avec leurs animaux. L'extermination des chats contribua à augmenter la population de rats, et donc à aggraver les épidémies de peste - pour lesquelles on blâmait les sorcières ...
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Avant d'être salariée, j'avais pris l'habitude, lorsque mon compagnon s'absentait pour quelques jours, de m'enfermer avec assez de provisions pour tenir un siège et de passer mes nuits à lire ou à écrire, n'allant me coucher que quand je tombais de fatigue. Je n'ai jamais oublié ma béatitude, un jour, en entendant résonner derrière le rideau, au petit matin, alors que je n'avais pas vu les heures filer, le chant flûté des oiseaux dans la cour - ce son magique, radieux, tellement lié au retour de la lumière qu'il est presque lui-même une lumière. Ce moment est resté pour moi le symbole d'une région de l'expérience où j'ai très peu de chances de retourner : pour pouvoir se l'autoriser, il faut disposer d'une amplitude temporelle difficile à déployer dans une vie de salariée, par définition très encadrée.
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