À Venise comme à Paris, comme à Versailles, quelques femmes bien nées pouvaient avoir un amant, et s’il n’était que de cœur c’était encore mieux, mais l’amant devait être agréé par la famille et la société. Il était, pour un temps, cet amant un rien contestable mais toléré parce qu’il était proche d’un roi puissant.
L’enfance pourtant, par une insolite divination, sait détecter derrière tous les semblants l’irréparable fêlure d’un monde en porte-à-faux. Fils d’un fou ou fruit du hasard d’amours adultères, mon enfance a boité dans un univers incertain où cœur et raison ne savaient s’accorder.
Point de galanteries risquées auprès des demoiselles de théâtre ou de maisons trop connues pour être honnêtes, on n’y attrapait que de vilaines maladies, point davantage de conquêtes indiscrètes dans les cercles en vue de l’aristocratie romaine.
S’il fallait à toute fin définir ce passage privilégié de sa vie, il suffirait peut-être de dire qu’il était jeune, merveilleusement jeune, seulement jeune, et sans doute pour la dernière fois de sa vie.
Il faudrait peut-être qu’un jour, on enseigne aux pensionnaires de l’Académie de Rome qu’un paysage a sa propre beauté qui n’exige pas l’intrusion humaine.
Chaque jour apportait sa part de découverte, d’étonnement. Abel vivait dans le transitoire, comme en suspension dans le cours de sa vie.
Les saisons comme les hommes avaient perdu la tête ! Toutefois un hiver sans pluie, un fleuve sans eau n’empêchent pas le froid.
Le moment vint où la jeunesse s’en étant allée et avec elle la bienheureuse insouciance je perdis aussi le sommeil.
Les courtisans grenouillaient plus volontiers à Paris dans l’ombre d’un roi qu’on pouvait facilement circonvenir en lui faisant croire qu’il avait lui-même décidé ce à quoi il n’avait jamais pensé, et dans l’aire du seul homme qui fût réellement puissant à l’époque.
Un bâtard peut créer des embarras. Ceux qui naissent mal ont souvent des prétentions injustifiées. Une fille, même venue mal à propos, n’a pas la moindre importance.