Les trois années où j'ai vécu dans la maison des Bishop avec un homme qui est de sang, mon demi- frère, je ne me suis jamais sentie que seule et froide. Même avec Julia. Ce n'est qu'avec Matty qu'il y avait un peu d'affection. Un certain contact physique. Et les êtres humains ont besoin de ça. Nous avons besoin de toucher. Nous avons besoin de douceur. Nous avons besoin de nous sentir désirés. Aimés.
La fois où j’ai voulu retourner dans le passé, il a dû me chercher, je me souviens encore de sa punition. Je me rappelle encore mon impossibilité à sortir du lit pendant les jours suivants.
Ce que je ressens pour elle est étrange. Ce n’est pas ce à quoi je m’attendais ni ce que je pensais. Est-ce pour cela que je me suis comporté comme un enfoiré à l’instant ? Que je lui ai donné la fessée pour obtenir la vérité et que je suis prêt à recommencer s’il le faut ? Jouer avec elle, cependant, l’allonger pour enfouir mon visage entre ses cuisses, je n’aurais pas dû. Je n’aurais pas dû la toucher comme ça. Je n’aurais pas dû faire ces commentaires sur la prisonnière et la bête, lui dire que nous n’allions pas jouer à papa et maman, tous les deux. Elle est jeune, sans expérience, et ce n’est pas loyal de ma part. Après ce qui s’est passé, il serait normal qu’elle ressente une sorte d’affection ou du moins d’attachement à mon égard. Je lui ai sauvé la vie, après tout. Je l’ai sauvée. La princesse dans sa tour. La princesse dans son puits. Je me suis moqué d’elle. Je l’ai remise à sa place après l’avoir déshabillée et lui avoir donné du plaisir. À moins que, si je redessinais les frontières entre nous, ce ne soit que pour mon propre plaisir ? Ce que je ressens avec elle, cette possessivité qui brûle en moi chaque fois que je la regarde, que je pense à elle, ce n’est pas ce qui était prévu.
Je vois qu’il veut l’embrasser. Il est proche, si proche.
Mais il pose un baiser dans son cou à la place, puis plus bas, au creux de sa clavicule, sur sa poitrine, entre ses seins, à l’ovale de son nombril. Il est à genoux, les mains sur ses cuisses, et se penche pour lécher sa vulve, la goûtant alors qu’elle ferme les yeux, se laissant aller en arrière.
— Je suis descendue pour nager comme tous les matins avant cette affreuse pluie. Je n’ai pas apprécié de voir tes sous-vêtements sales près de la piscine, Willow, raille Lucinda en mordant bruyamment dans un bout de pain trop grillé.
Je serre ma fourchette en me demandant si je vais l’utiliser pour la poignarder dans l’œil avant que quelqu’un ne m’arrête. Ce qui me vaudrait un tour au poteau. Je mange une autre bouchée.
— J’espère que tu ne t’es pas baignée nue. C’est dégoûtant.
Je prends une petite inspiration et pivote la tête dans sa direction.
— En fait, je ne me baignais pas du tout. Je me suis fait baiser. Quelque chose que vous devriez envisager de faire. Si vous trouvez quelqu’un qui veuille vous toucher, bien sûr. Cela vous rendra moins salope.
J’ignore à quel moment il me hisse enfin sur ses genoux. Je ne me rappelle même pas qu’il l’a fait, mais déjà, il me berce. Je suis dans ses bras, la tête contre son torse. C’est tout ce que je veux, qu’il me serre comme ça. Je me sens protégée, en toute sécurité.
— J’adore ton goût, dit-il.
Il m’incline le visage avec un doigt sous le menton et m’embrasse sur les lèvres. Je sens mon propre goût sur sa bouche et j’ai envie de plus. Plus de lui. Ma main glisse sur son ventre, ses muscles fermes. Il prend mon poignet et l’entraîne plus bas. Hébétée, je le regarde refermer ma main sur son sexe, par-dessus le jean.
Il est volumineux. Grand et épais.
Pourtant. lors des rares occasions où quelqu'un me voit à la lumière du jour, je me rappelle qui je suis. Je suis le monstre tapi dans l'ombre, les restes calcinés du seul homme De La Rosa à avoir rampé à travers les cendres de notre destruction.
Lorsqu’il me mord la lèvre, j’ouvre la bouche et mon souffle reste suspendu. En même temps, sa langue s’enfonce dans ma bouche et son doigt entre mes jambes. C’est la chose la plus intime, la plus érotique que j’aie jamais connue. Ça. Cette connexion. Lui et moi. Proches. Si proches. Son pouce attise mon renflement nerveux, s’y presse. Le doigt en moi me fait un peu mal, mais il ressort aussitôt. Quand il reprend ses attentions taquines sur mon clitoris, je pense que je vais jouir. Il approche sa bouche de mon oreille et mes mains lui serrent les cuisses, mon corps cambré contre sa paume. J’oscille délibérément contre lui.
Je vérifie ma montre. Chaque action doit être réalisée dans les temps. Je me dirige vers les ascenseurs, suivi de mes hommes. Comme si elles nous obéissaient, les portes s’ouvrent au moment où nous y arrivons et nous entrons dans la cabine. Je déchire l’enveloppe, j’appuie sur la touche appartement terrasse et laisse les portes coulisser afin de se fermer. Matthias pose le sac de voyage noir sur le sol, le dézippe et remet à chacun des hommes un fusil automatique. Ils ont des silencieux en place, bien qu’il n’y ait vraiment aucun moyen d’étouffer ce son. Néanmoins si tout se passe comme prévu, cela n’aura pas d’importance.
Regarder son visage, c’est comme regarder dans un miroir.
Elle était moi il y a soixante-dix ans. C’était la fille Willow. On pourrait nous échanger l’une avec l’autre, personne ne le saurait.
Je suis la réplique exacte de ma tante.
Elle me dévisage, et je ne suis capable que de pleurer alors que j’essaie de comprendre, de donner un sens à tout ça.
— Tu dois être forte maintenant, mon enfant.
— Tu es partie, et je ne le savais même pas.
— Je ne suis restée aussi longtemps que dans le but de te donner ça, Helena.
Elle touche la bague, la tourne à mon doigt.