Félicité sentait croitre en elle, en même temps que l'enfant qu'elle portait, une haine de la guerre qui était amour de la vie. Et bien qu'elle ne soufflât mot, elle était en cela un esprit insoumis, une résistante. De toute cette mort alentour, elle ferait naître, elle porterait. Parmi tous les cadavres elle ferait grandir. Si elle ne devait avoir qu'une qualité, ce serait celle-là, être un bloc d'espoir. Un espoir brut. (p.113)
Ce matin j'ai pensé qu'il fallait que je meure. Et mon esprit est passé à autre chose. Cela m'agace, cette incapacité à se fixer sur la même pensée plus de quelques minutes. Ca m'a joué des tours souvent (...). (p.41)
Il va falloir nous parler des gens qui entouraient votre enfant. Des adultes.
- Son instituteur ?
- Oui, mais aussi les autres : la famille, les amis, le club de sport.
- Pour dire quoi ?
- N’importe quoi que vous auriez remarqué. Mais surtout fournir une liste de ces personnes.
- Vous pensez que c’est quelqu’un que l’on connaît ?
- Nous n’excluons pas le crime opportuniste. Mais dans la plupart des cas, les assassins d’enfants connaissent leur victime. Appartiennent à l’entourage proche. »
Le plus jeune des gendarmes se demande « Pourquoi avoir dit ça aux parents ? Que les meurtriers d’enfants sont des familiers de leur victime ? Comme si ce qui arrivait n’était pas assez atroce. »
Le plus vieux a cessé de se poser ce genre de questions. « Parce que c’est la vérité. Parce que si c’est le cas, ils auront commencé à s’y préparer. »
Ils vont interroger les voisins sur un amant de la mère ou des dettes de jeu du père. Des fois qu’adviendrait une réponse impensable. Qu’on puisse dessiner le pire.
Ivan n’est pas mort, Ivan n’existe plus. Déjà quand il existait on ne le regardait pas ou l’on s’ennuyait à le regarder. C’est ce qu’on dit. Pourtant Ivan passe encore à la télévision, vend son visage à la publicité. Il en porte d’autres vers des sommets. Il est là. Comme il a été, dans l’indifférence, malgré ses éclats réels, avérés, il n’imprime pas la pellicule.