Citations de Nicolas de Staël (25)
Toujours, il y a toujours un sujet, toujours. On ne peint jamais ce qu’on voit ou ce qu’on croit voir : on peint mille vibrations le coup reçu.
La vie du paysan
Sala vit à la campagne, dans une petite maison de bord. Sa terre ne lui appartient pas. (...)
Depuis lors plusieurs propriétaires authentiques, sont venus montrer des papiers à Sala,mais Sala ne sait pas lire,et peu lui importe,à qui appartient la terre.( "Les Gueux de l'Atlas",p.16)
Sa grande et peut-être sa seule préoccupation était de ne rien épargner et de sentir toujours un peu de feu vif en lui-même et autour de lui, sans égard aux précautions et aux règles communes. La peinture était devenue l'instrument et le prix royal de cette exigence. Tout fut si rapide, si actif et si intense qu'après treize ans il est toujours impossible de démêler dans son renom et dans sa signification ce qui revient à l'allure ardente et libre de la vie ou à la densité de l'oeuvre. Son génie fut de les confondre.
(extrait du texte de présentation d'André Chastel, en 1968, pour le Catalogue raisonné des peintures)
Ceci dit, je ne dirai jamais assez ce que cela m'a donné de travailler pour toi. Tu m'as fait retrouver d'emblée la passion que j'avais, enfant, pour les grands ciels, les feuilles en automne et toute la nostalgie d'un langage direct, sans précédent, que cela entraîne. J'ai ce soir mille livres uniques dans mes deux mains pour toi, je ne les ferai peut-être jamais, mais c'est rudement bon de les avoir.
Lettre à René Char, Paris, 8 novembre 1951
l faut beaucoup travailler, une tonne de passion et cent grammes de patience.
Si malgré ce temps qui est là, je vous disais dans mon esprit, un an , deux ans, dix ans ne sont rien, qu’être artiste ce n’est pas compter, mais vivre comme l’arbre sans presser sa sève, attendre l’été, et l’été vient, mais qu’il faut avoir de la patience, de la patience...
Les raisons pour lesquelles on aime ou l'on n'aime pas ma peinture m'importent peu parce que je fais quelque chose qui ne s'épluche pas, qui ne se démonte pas, qui vaut par ses accidents, que l'on accepte ou pas.
Je n'oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture doit être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d'un espace.
Grande Place
(..)Souvent le monde paraît un odieux théâtre où quelques gens confortablement assis regardent souffrir les autres.(p.19)
Et aussi atroce que soit la solitude, je la tiendrai parce qu'il ne s'agit pas de me guérir de quoi que ce soit, mais simplement prendre une distance que je n'ai plus à Paris aujourd'hui et que je veux pour demain.
Je n'entraînerai jamais l'admiration de tous, pas question de cela, rien que d'y penser m'écoeure, mais j'arriverai peu à peu peut-être à me regarder dans une glace sans voir ma gueule de travers.
Les prix, croyez-moi, ce n'est rien du tout pour moi, je veux dire que, n'ayant jamais eu d'argent et ne sachant rien en faire à part quelques tableaux, je ne sais pas ce que cela veut dire.
Les berbères jouent- spectateurs, acteurs tout à la fois,et quel jeu: leur vie.
Toute leur pauvreté, le soleil la couvre de richesse, les haïkus déchirés resplendissent de lumière, burnous rayés, djellabas noires.(p.20)
Je peins le plus souvent sans concept, sans écriture conceptuelle. Je ne peux avancer que d'accident en accident.
Les paysans sont pauvres. Obligés de vendre leurs récoltes avant la moisson, ils doivent parfois verser à leurs usuriers un intérêt de 40 o/o.Quand ils labourent ils font penser à la Bible (...)
Les poètes ont chanté la gloire des guerriers qui pillaient les récoltes. Il y eut beaucoup de révolutions au nom d'Allah, mais jamais de révoltes agraires. (p.14)
e que j’essaie, c’est un renouvellement continu, vraiment continu, et ce n’est pas facile. Ma peinture, je sais ce qu’elle est sous ses apparences, sa violence, ses perpétuels jeux de force, c’est une chose fragile, dans le sens du bon, du sublime.
Toute la richesse reste et restera dans les qualités du peuple, du grand peuple berbère et toute la misère dans la gueuserie de ses princes. (p.12)
Il y a beaucoup d’étoiles dans le ciel, et ces bleus Berbères semblent faire partie du ciel.
On ne conserve l’artisanat ici qu’au nom de l’esthétique, après avoir tout démoli en Algérie. On démolira tout ici. Lyautey n’est plus là. » Mais il s’insurge aussi contre l’éradication de la spiritualité qu’on ne remplace par rien d’autre : « Les Français font tous leurs efforts pour enlever aux musulmans leur religion, et cela sans se douter peut-être, ils n’ont rien à leur donner à la place.
Il y a parfois une montagne d'esprit dans une parcelle de matière.
Aït Sghir ( Fête de la rupture du jeûne)
Ces masques d"hommes,de femmes,d'enfants, gardent une vie,une angoisse, dont d'Afrique seule révèle les secrets. (32 p.)
Avant-propos
Au mois de juin 1936 (...)Nicolas de Staël par au Maroc.Il a vingt trois ans.Un collectionneur bruxellois, Jean de Brouwer,lui offre le voyage en échange de tableaux que le jeune peintre devrait lui envoyer régulièrement. Le séjour se prolongera jusqu'au mois d'août 1937 et marquera un tournant décisif avec son engagement dans la peinture.
(...) Ce texte a été écrit, de toute évidence, entre octobre et décembre 1936,sous l'effet de ce qu'il découvre, dans la perspective de constituer un reportage. C'est la première vision d'un jeune homme de culture d'Europe du Nord sur les principaux événements culturels qui animent la vie marocaine.(p.7)