— Est-ce un démon ? demanda Galen.
— Qui, Charles ? Je ne sais pas. Je ne lui ai jamais posé la question.
— Je croyais les membres du Cadre capables de reconnaître un démon du premier coup d’oeil…, s’étonna
Galen en levant un sourcil.
— C’est vrai pour la plupart des espèces, mais personne
ne peut reconnaître un démon évolué s’il ne trahit pas sa nature.
Il devint songeur.
— Tu m’as identifié immédiatement, lui dit-il. Comment
me suis-je trahi ?
— J’étais certaine que tu étais un paranormal parce que tu te déplaçais trop vite pour un humain, répondit-elle sans cesser d’observer les gargouilles.
Mais c’est ton murmure qui m’a permis de comprendre ce que tu étais… Seuls les démons ont ce pouvoir.
— Vous parlez politique, vous parlez guerre. Vous discutez perte de territoire, privilèges, obéissance de vos fidèles, mais vous avez omis un sujet capital, le plus important d’entre tous.
Le silence se fit et les regards convergèrent dans sa direction.
— Nous vous écoutons, Dame Josslyn, quel est-il ?
Josslyn fit mine de ne pas être sensible au fait que pour la première fois, on l’affublait de ce titre honorifique et s’éclaircit la gorge.
— Ce que vous oubliez tous, c’est que le monde a besoin de vous, de vous tous. De la lumière et des ténèbres. Que deviendrons-nous, nous autres mortels, sans la fraîcheur bienfaisante de la nuit ? Que deviendrons-nous si l’on arrache les recoins d’ombre de nos âmes ? Et qui peut vivre sans la bénédiction de sentir le soleil sur sa peau ? Certains d’entre nous penchent vers l’un ou l’autre de ces deux aspects, mais nous ne pourrions tout simplement pas exister si l’un d’eux venait à disparaître.
Des murmures d’approbation s’élevèrent dans la salle.
— Les puissances qui ont forgé notre monde l’ont construit sur l’alternance du jour et de la nuit, des ténèbres et de la lumière, de l’ordre et du chaos. Qui sommes-nous, mortels ou immortels, pour remettre cela en question ?
– On dirait que Lord Kilpatrick a connu personnellement tous les gens importants de l'époque qui étaient de passage en Egypte, remarqua-t-elle. Et pas seulement les égyptologues mais aussi des acteurs ou des hommes politiques...
– C'est surtout parce que les gens voyageaient moins, remarqua Rhys. Du coup, les Britanniques qui étaient installés à l'étranger recevaient la visite de presque tous leurs compatriotes de passage. Et la plupart d'entre eux étaient des gens fortunés.
– Je vois, acquiesça Gillian. Mais Kilpatrick avait déserté et était censé être mort. Comment se fait-il que personne ne l'ait reconnu ?
– Il utilisait un nom d'emprunt, expliqua Rhys. De plus, la plupart des gens ne le connaissaient que de nom. Quant à ceux qui l'avaient déjà vu, il n'avait guère de mal à les éviter.
– Il aurait eu plus de mal à s'en sortir à l'époque d'internet, remarqua Gillian en souriant.
Joss se mordit la lèvre en prenant la main de son demi-dieu.
— Vous en êtes absolument certain ?
Rhys et Gillian échangèrent un regard et sourirent.
— Quoi ?
— Tu l’aimes beaucoup, n’est-ce pas ?
— Bien sûr, c’est un homme merveilleux.
— Et beau, compléta Gillian.
— Puissant, renchérit Rhys.
— Séduisant, précisa Gillian.
— Intelligent, ajouta Rhys.
Joss assista incrédule à leur ping-pong verbal.
— Ah, et, j’oubliais que tu as dormi avec lui, dit Gillian.
— Et vous l’avez laissé vous mordre, c’est dire si vous l’appréciez, conclut Rhys.
Joss les fusilla du regard.
— Non, mais de quoi je me mêle ?
— De ce qui nous regarde, affirma Rhys, mais cette discussion peut attendre, la priorité est de sauver Seth.
Elle ouvrit le fusil, vérifia les cartouches avec une grimace contrariée, le referma et tira sur un rocher tout proche. La détonation résonna entre les murs du temple.
– Tu veux bien reposer ce machin, ils vont croire qu'on leur tire dessus !
Joss leva une nouvelle fois les yeux dans la direction qu'avaient prise les cavaliers.
– Je ne crois pas qu'on représente une grande menace à leurs yeux.
— Ce n’est pas juste, murmura-t-elle.
— Ma pauvre enfant, répondit Nephtys avec un sourire empli de mélancolie. Qui vous a dit que la vie, même éternelle, devait être juste ?
Elle aurait aimé avoir le fusil à pompe avec elle, mais il lui avait été impossible de le dissimuler dans son sac à dos.