Nina Marx

Je m’appelle Elsa Carter, j’ai 25 ans, je suis en dernière année d’école vétérinaire, je travaille chez Pegasus & Unicorn, j’ai fait une mission d’intérim de 48 heures dans ce haras et j’ai oublié mon sac hier. Je suis Vierge ascendant Scorpion. Ce n’était pas dans votre liste de questions, mais vous avez l’air du genre à tout vouloir savoir, dis-je sans m’interrompre en soutenant son regard. 

- Dis-lui que je suis dingue de toi et quand je te vois,j'ai envie de chanter.
Il m'embrasse le cou tandis que je ferme les yeux,envoûtée par ses mots.Je n'arrive pas à répondre pendant qu'il continue sa douce déclaration:

- Dis-lui que l'attraction entre nous va au-delà du rationnel,qu'on est comme deux aimants,qu'on parle des heures sans jamais s'ennuyer...Tu es d'accord ? Dis-lui que ce qu'il nous arrive est aussi rare qu'incontrôlable, que ce genre de chose n'arrive que dans les films et qu'on ne fait rien de mal que de vivre notre chance à fond.Dis-lui enfin que je n'ai jamais rencontré une femme aussi...charmante,belle et sexy que toi.

- C'est ça l'amour alors? lui dis-je en caressant sa bouche.

Il sourit.Oui, l'amour ce sont des corps qui s'aiment à en perdre le nord, une complicité inégalable,un langage tacite merveilleusement silencieux et de la bienveillance dans chacun de nos regards.L'émotion redouble mon désir.

- Tu sais, je pense régulièrement à la première fois où j'ai goûté ton corps.Je te désirais déjà depuis le premier jour.C'était la première fois que j'avais autant envie de faire l'amour à quelqu'un.Cette nuit était exceptionnelle, et je suis heureux qu'elle ait eu lieu dans mon bureau.Ça peut paraître pas très romantique comme première fois et, pourtant, à chaque fois que je suis dans la pièce, j'ai le sourire aux lèvres.Je regarde le salon où je t'ai embrassée, mon bureau qui a soutenu nos corps,la bibliothèque.Je repense à tes cuisses, ta bouche, tes seins.

[De : Marvin

À : Moi

Tu portes quoi mon petit Colorado ?]

Depuis qu’on se connaît, Marvin m’appelle régulièrement « Colorado », il se moque gentiment de mes origines, mais c’est toujours avec beaucoup d’affection.

[De : Moi

À : Marvin

Haha ! Marvin, je n’ai pas le temps de jouer, Sandie est malade et j’ai eu un appel énervé de Steeve qui veut me voir dans son bureau dans dix minutes !]

[De : Marvin

À : Moi

Tu portes quoi ?]

[De : Moi

À : Marvin

Toi, quand tu veux quelque chose !

Ma robe à petites fleurs, il fait tellement chaud. Mes nu-pieds à brides bleues.]

[De : Marvin

À : Moi

Courte. Transparente. Sexy. Je vois très bien. Ce soir dînons ensemble comme avant-hier !]

[De : Moi

À : Marvin

Oh oui !]

« Dîner », un bien grand mot, nous branchons Skype et commandons chinois. Chacun chez soi… Mais nous parlons des heures et ça, c’est merveilleux.

2 h 52. Les leds rouges de mon réveil sont la seule source lumineuse de la pièce. Je suis allongée depuis maintenant 3 heures sur mon lit, et je ne trouve pas le sommeil. J’ai dit à Viecoop que j’étais malade, j’ai eu honte de leur mentir, mais les révélations de Sonia m’ont vraiment chamboulée. Tout comme sa proposition. Sonia n’est ni une espionne, ni un médecin réputé ou la conseillère secrète du président, comme je me l’étais imaginé, mais une call-girl. Enfin, « escort », m’a-t-elle corrigée comme si j’avais écorché son nom de famille.

Cette sublime femme de 39 ans, riche et indépendante, gagne sa vie en offrant des services intimes à des milliardaires. Face à elle, je suis restée bouche bée, elle m’en a peu dit, mais a bien précisé, en insistant : « Ce n’est pas ce que tu crois. » Je ne sais pas si c’est son soudain tutoiement, où la franchise de son regard, mais quelque chose m’a donné envie d’en savoir plus sur les Losanges, la caste puissante des escorts girls dont elle fait partie. Sur ma table de chevet, les courriers de relance s’amoncellent et, autant l’admettre, cette année, je vais aller droit dans le mur si je ne trouve pas de solution plus efficace. Sonia m’offre le temps, le luxe, contre quoi, ma vertu ? Pour ce que je fais de ce corps ces derniers temps, l’épuiser, l’user. La dernière fois qu’il a connu l’étreinte d’un amant, c’était celle du frère de mon meilleur ami Jack, Nicolas, il y a deux ans.

J’ai tout fait pour Marvin ; lui tenir la main, accepter de nous cacher, j’ai tenté de le surprendre, de l’aimer. Je lui ai offert mon corps, mon cœur, j’ai même menti à ma tante pour lui. Alors que je m’étais engagée à ne pas le faire. Celle qui m’a donné l’opportunité de ma vie en travaillant chez Music King’s Records doit bien se mordre les doigts d’avoir fait venir sa nièce chérie du profond Colorado.

Le salon est presque vide quand je reviens des toilettes et un homme qui traverse la pièce à toute allure me percute. Mon passeport, mon porte-monnaie, tout me tombe des mains. Je m’excuse par réflexe et l’homme s’arrête, s’agenouille et ramasse mon passeport. Il regarde la photo, me sourit et je suis figée sur place.
Il est grand voire extrêmement grand, puisque je lui arrive au niveau des pectoraux : 1,90 mètre minimum. J’aime les hommes immenses, j’ai l’impression qu’à leur côté, je suis protégée et qu’ils sont invincibles.

( Je vais te déshabiller,puis embrasser chaque centimètre carré de ta peau doré,que je regarde sans pouvoir la toucher.Ce soir,je vais la caresser,la masser,la lécher...)

- J'adore ce moment, - j'y pense souvent -, celui où, fébrile,maintenant tes jambes écartées, j'attends pour te goûter.Ce moment où je sais que j'aurai bientôt ton sexe dans ma bouche. Ferme les yeux, ma belle Mona.

La bouche de Léonard brûle la mienne.Ce fruit délicat, sensuel et humide qui glisse le long de mes lèvres gonflées d'envie... Mon sexe est dans le même état, et j'ai hâte que, lui aussi, soit flatté par les baisers de Léonard.

Tu sais quand on sent que nos peaux se reconnaissent, que dans chacun de nos silences il y a un dialogue, que quand on s'embrasse on s'envole, que nos corps semblent s'être attendus longtemps.

La moindre des choses quand on s’excuse, c’est de regarder son interlocuteur !

De toute façon, un homme comme lui n’a pas besoin d’artifices. Il doit avoir toutes les femmes qu’il veut. Du coup, il doit être prétentieux. Je déteste les hommes prétentieux.

Quand j’étais petite, j’étais ce qu’on appelle, un vrai garçon manqué. Cheveux à la garçonne, je ne loupais sous aucun prétexte un match de baseball et je jouais au cow-boy et aux Indiens… Mon père, après la naissance de Bianca, en bon Italien, rêvait d’un petit garçon. Je suppose que c’était ma façon à moi de lui dire : « Ne sois pas déçu, Papa, je ne serai pas vraiment une fille. ».

Si sur la route on pouvait voir le soleil décliner, dans le bois il fait complètement nuit. Au loin une chouette hulule. Marvin me regarde :
– Qu’est-ce que c’est glauque !
– Tu veux que je chante ? lui dis-je en riant.
– Tu veux qu’il pleuve ? Tu ne crois pas qu’on est déjà vernis niveau météo ?

Une fois dans la rue, je suis fouettée par le vent qui annonce l'automne. Nous sommes presque à la fin du mois de septembre, hier encore il faisait doux, mais il va falloir que je sorte de ma grosse valise mes vêtements de Leadville. Il fait froid, comme si le temps suivait mon moral. Je décide de marcher au lieu de prendre le métro pour me rendre à mon déjeuner avec Sonia Duvale, ma seule vraie amie ici, et trébuche devant un magasin de téléphonie. Je n'ai plus de moyen de communication depuis que, de rage, j'ai jeté mon téléphone dans la gamelle de Napoléon, le chien de Sonia.
"Nouveau téléphone, nouvelle vie!" annonce la pub pour le dernier smartphone à la mode sur la devanture de la boutique. Si ce n'est pas un signe, ça! Je décide de résilier ma ligne, d'en ouvrir une autre... Nouveau numéro, nouvelle vie!

La musique est le lit de l'amour. 

... je sais par expérience que, quand on se nourrit d'espoir, on meurt affamé.

Alors, à toute allure, je regarde la colonne des directions. Je cherche, cherche et à mesure que mes yeux furètent mon cœur s’accélère. Quand je tombe sur Hall 1, Porte J, parmi la cinquantaine de lignes jaunes devant moi, je retiens mon souffle.
« Paris ».
L’embarquement Hall 1, Porte J est à destination de Paris ! Je n’ose pas y croire. Je me tourne vers Marvin qui tient nos deux billets près de son visage en me lançant un « surpriiiise ».
Deuxième appel pour les passagers du vol 456 à destination de Paris. Veuillez vous présenter Hall 1, Porte J pour un embarquement immédiat.
Alors Marvin me prend la main, et je n’ai pas le temps de l’embrasser puisqu’il se met à courir à travers l’aéroport. Je ris tellement. Je vais à Paris ! J’ai envie de pleurer, chanter, hurler ma chance. On me kidnappe. À Pariiis !