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Critiques de Nourredine Saadi (6)
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La Nuit des Origines

Première rencontre avec l'écrivain algérien d'expression française Nourredine Saadi au travers de cette Nuit Des Origines, une œuvre intéressante sur le plan critique. Je vais tâcher de distinguer mon ressenti du fond de mes impressions sur la forme.



Sur le versant positif, donc, le fond et le projet littéraire : l'auteur souhaite nous questionner, nous interpeler sur le désir ou la nécessité de rompre avec ses racines, son pays, sa culture. C'est ce que vivent beaucoup d'étrangers émigrés de part le monde (émigrés politiques ou économiques) ou ceux qui désirent rompre avec leur famille (dans ces cas-là, la translation peut n'être que de quelques kilomètres).



Dans tous les cas, c'est du moins ce que je comprends de Nourredine Saadi, à couper les ponts avec là d'où l'on vient, on s'expose à cisailler ses propres jambes, à combler ses fondations d'un impersonnel béton plat et tout à fait impropre à la vie, à se fuir soi-même. Quoiqu'on en pense, qu'on le déplore ou non, ce qu'on a été, là où l'on a été, ceux avec qui l'on a grandi restent en nous, sont inscrits en nous et le demeureront.



Dire du jour au lendemain « Je n'en veux plus, j'efface tout » est à la fois une utopie et probablement une hérésie. Un peu comme si l'on se disait, pour évacuer quelque chose que l'on a ingéré, « Tiens, bah je vais me couper l'estomac et l'intestin. » Ceux qui, par mégarde, ont essayé savent que ce n'est pas la bonne méthode : il faut digérer, que cela nous plaise ou non, que cela nous occasionne des flatulences ou non, on n'y échappe pas. L'autre méthode entraîne une mort prématurée et une absence de jouissance à tous les coups.



Nourredine Saadi nous présente Abla, une héroïne frappée de ce genre de schizophrénie. Elle est algérienne de bonne famille, née à Constantine, issue d'une famille ancestrale de cette ville. Bien que l'auteur ne précise pas de date exacte, on suppose que l'histoire intervient au moment des graves violences en Algérie du milieu des années 1990 ou au début des années 2000. Abla fuit donc un pays devenu " fou " mais fuit également un mariage plus ou moins consenti qui ne l'a pas rendue heureuse, notamment en raison de sa stérilité qui l'a exposée à une série d'humiliations.



Elle s'en vient donc à Paris, avec un diplôme d'architecte probablement non reconnu en France, un passé déchirant, de faibles moyens et…, et…, et… sous le bras, un énorme vieux manuscrit sur parchemin. Un authentique du XVIIème siècle, d'une calligraphie arabe somptueuse avec une reliure en cuir ouvragée et des enluminures de haute volée. Elle le tient de son grand-père maternel et ce manuscrit est toujours resté entre les mains de la famille depuis qu'il existe d'un lointain aïeul lettré.



Abla souhaite s'en débarrasser, le vendre, à la fois pour rompre définitivement avec cette Constantine qu'elle aime mais qui l'a tant fait souffrir et aussi pour toucher de quoi vivre à Paris un certain temps. Elle entame des démarches pour trouver un acquéreur et ne tarde pas à découvrir que ce manuscrit a une valeur culturelle inestimable (ça, elle le savait déjà) mais aussi une valeur matérielle insoupçonnée (s'élevant peut-être à un quart de million d'euros).



C'est un peu par hasard et un peu dans la dynamique de cette démarche qu'elle atterrit aux puces de Saint-Ouen. Là-bas, elle fait la connaissance de Jacques, un grand antiquaire qui possède en son stock un lit formidable tout comparable au sien à Constantine (et qui doit être celui qui est représenté en couverture) mais aussi d'Alain, un doreur, né à Constantine mais de père inconnu et orphelin de mère et qui n'a donc aucune connaissance de la ville.



Un intérêt réciproque mais contradictoire peut naître ou ne pas naître entre Alain, soucieux d'aller chercher ses racines algérienne et Abla, désireuse de reconstruire sa vie ici entre Paris et Saint-Ouen. Je ne sais pas vraiment ce qui se passe ensuite mais je vous fais confiance pour aller y jeter un coup d'œil par vous-même si l'envie vous en prend.



Je passe maintenant à ce qui m'a moins convaincue, à savoir, la forme. Nourredine Saadi possède une culture et une qualité d'expression (notamment une richesse de vocabulaire) admirables. Il connaît Paris sur le bout des doigts et les puces de Saint-Ouen comme sa poche. Tout cela est vrai mais est-il nécessaire de nous le rappeler à chaque page ? d'utiliser fréquemment de ces termes sophistiqués, ronflants pour bien nous signifier qu'il possède une maîtrise du français exceptionnelle ? d'utiliser absolument tous les termes du jargon des antiquaires pour attester de sa parfaite érudition sur le sujet ?



De mon point de vue, sans doute pas et, ce qu'il a voulu mettre de gros cailloux brillants ne fait qu'alourdir le texte et lui fait perdre en puissance évocatrice. Or, l'écriture de Saadi appelle le lyrisme et, malheureusement, j'ai le sentiment que cette excessive recherche lexicale coupe un peu les ailes de sa poésie, d'où ma note finale de 3/5 seulement alors que l'ouvrage me semble très intéressant sur le fond. La question du fétichisme étant omniprésente dans le travail de mémoire que tous les personnages effectuent.



De même, sur le volet négatif, tout le passage sur les élections municipales de Saint-Ouen, c'est-à-dire un engagement collectif, m'apparaît de peu d'intérêt eu égard au projet littéraire principal, qui est une pure quête individuelle. Ceci dit, voici venue la nuit de cet avis dont les origines se perdent on ne sait où, c'est-à-dire, à n'en pas douter, pas grand-chose.
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Miroir de la mer. La maison de lumière

C'est l'histoire d'une splendide maison, Miramar : « le miroir de la mer », sur les hauteurs d'Alger, qui existe encore. Construite sous les Ottomans par le puissant vizir du Dey d'Alger, puis habitée par un riche marchand juif, reprise par un officier (franc-maçon) de l'armée française, puis par sa fille. Face aux occupants de la grande maison, la famille du narrateur, qui sera enterrée sous un palmier du jardin : un des maçons de la grande maison, le jardinier, puis le fils de celui-ci. L'histoire finit par les unir : la fille de l'officier français, revenue après l'indépendance est l'amante du narrateur et le récit se termine dans les années de violence qui ont déchiré l'Algérie à la fin du siècle dernier.

Près de deux siècles d'histoire cruelle et douce défilent, de l'occupation turque, avec le luxe ostentatoire des uns, leur mépris de la justice et la vie, et la misère des autres puis la période coloniale, guère plus facile pour les plus démunis et surtout marquée par l'horreur de Sétif, que tous n'ont pas approuvée. Elle débute par le passage désopilant du débarquement des petits cochons roses sur le port d'Alger, un vrai morceau d'anthologie. Enfin, la décennie noire, son intolérance religieuse et ses massacres. « Une terre ébranlée par de multiples séismes… Un pays aux cieux tourmentés, orageux et turbulents, portés par le ressac d'une histoire marquée par le fracas des armes et le tumulte des mêlées » a écrit Maïssa Bey sur son pays.

Violence des hommes, mais arrogante beauté des lieux (pas seulement de la belle Miramar et de ses jardins : le voyage à Constantine est aussi un morceau d'anthologie), respect souvent, amitié, amour et tendresse aussi…: à travers ce monde bouleversé, le général Saint-Aubin, comme la mère du narrateur, sont des personnages attachants.

Et quel style !

Comme le livre de Kaouther Adimi, ce livre aurait pu s'appeler « Nos richesses » : c'est l'histoire de cette même page d'Histoire et de tout un patrimoine. Et c'est tout ce que j'aime : l'Algérie, l'enfance, les lieux magiques, la multi-culturalité... !

Nourredine Saadi vient de nous quitter et je découvre avec ce livre, la profonde humanité et le talent de son auteur.





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Boulevard de l’abîme

Une belle femme d'origine algérienne - musulmane- est retrouvée morte en son domicile parisien. Une «bourgeoise» (quartier chic de Paris) ne manquant (en apparence) de rien ! Meurtre ? Suicide ? Mort naturelle ? Un inspecteur est chargé de l'enquête... Suicide certainement (dépression... alcool... barbituriques), mais les supérieurs hiérachiques demandent instamment à ce que la thèse du suicide soit écartée et celle de la mort accidentelle (Avc et chute par exemple) faviorisée. Pourquoi ? Il ne le savait pas : c'est la fille d'un ancien bachagha constantinois («tant aimé et tant haï» et décédé) alors ami de la France coloniale («il a été de tous les côtés... se disant homme de paix pour chaque bord...» mais considéré comme «traître à tous»), mère d'une cantatrice connue refusant le suicide. Hasard ! Lui est un ancien appelé sous les drapeaux durant la Guerre de libération nationale, affecté dans le corps des Sas et ayant effectué un séjour dans une ferme connue (dans la région de Constantine) comme lieu d'emprisonnement et de tortures.



L'enquête suit son cours... grâce surtout, un autre hasard, aux documents laissés par la défunte, dont un petit carnet noir racontant sa vie et ses souvenirs de jeune fille à Constantine, ses amours, sa passion, ses angoisses, sa déprime... et sa «trahison» forcée. La mémoire de l'inspecteur de police ne va pas tarder à croiser celle de la défunte... Il avait connu la «Ferme des suppliciés», et il avait assisté, en mai 1958, aux «spectacles» de la fraternisation organisés par la Sas et au «dévoilement» d'une jeune femme. Qui ?

Un livre mi-polar, mi-récit historique.

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Dieu-le-Fit

Les autorités de Wallachye ont pris des mesures draconiennes d'assainissement et ordonnent d'évacuer cette verrue insalubre, ce bidonville immonde qui s'est développé et qui porte si mal son nom : Dieu-le-fit. Les habitants sont invités manu militari à quitter prestement les lieux et à repartir , sans demander leurs restes, d'où ils venaient, chacun dans leur douar respectif, surveillés de très près par le gardien de l'ordre motorisé , el mawtar. La télévision a été conviée à filmer cet oeuvre d'utilité publique.

Pourquoi Bayda, une intellectuelle qui vit à la périphérie de ce cloaque va s'attacher à récupérer des traces de ce qui fut vie en ce lieu ? Pour les autorités, elle est inquiétante, c'est un complot qui se prépare, il faut trouver les complices, tous les séditieux et les arrêter.

Ce roman métaphorique a été écrit en 1996 , Nourredine Saadi vit alors en France, il a quitté l'Algérie plongée encore en pleine tourmente de guerre civile .

Ici il veut raconter, tout à la fois l'épuration, la douleur de l'exil, du déracinement , la déportation.

Wallachye, comme « waallech » - pourquoi – en arabe, parce que c'était écrit, Mektoub ! C'est aussi le roman du fatum, la fatalité. Pourquoi une vie sans histoire bascule?

Quelque fois pour un pas grand chose, un petit rien qui déclenche le drame, parce que tout simplement, c'était écrit !







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Albert Camus et les écritures algériennes : Que..

Ce livre fait suite "aux Rencontres méditerranéennes Albert Camus" de 2003 et intègre les différentes communications et interventions :

Christiane Chaulet-Achour , Jean-Claude Xuereb , Aziz Chouaki, Nourredine Saadi, Aldelmadjid Kaouah, Annie Cohen, Jean-Jacques Gonzales, Alek Bayle Toumi, Emile Temine, Naget Khadda, Maïssa Bey,
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Miroir de la mer. La maison de lumière

"Il y a une littérature du cru, celle de la nourriture nécessaire, rapide, et la littérature du cuit ; celle-là, a besoin d'un long temps de cuisson dans la mémoire. Mon roman vient de là, engrangeant dans les histoires d'une demeure (bâtie par les Ottomans, habitée par un marchand juif puis par un général français, en déshérence à l'indépendance de l'Algérie), des généalogies de vies obscures qui ont gardé et entretenu les lieux. Pour dire autrement, par le je de la subjectivité, la tragédie de ce merveilleux et douloureux pays que je n'habite plus et qui m'habite toujours,. Un livre que je voulais, hors de toute autobiographie, fait de morceaux de moi-même." (N. Saadi)

Je connais cette Maison de Lumières, au bord de l'eau à quelques kilomètres d'Alger, et c'est une splendeur que N. SAADI a su admirablement noté, raconté, il a su tisser à travers cette maison, le passé-passé, et le passé-récent, douloureux, le présent encore et encore plus douloureux, c'était les années noires.... le futur on ne sait, on espère surtout qu'elle tiendra le coup face à l'adversité.



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