A l'occasion du Festival "Le livre sur la place" 2022 à Nancy, Oscar Lalo vous présente son ouvrage "Le salon" aux éditions Plon. Rentrée littéraire automne 2022.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2640605/oscar-lalo-le-salon
Note de musique : © mollat
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Je suis non seulement fille de l’Allemagne, mais je suis fille de Berlin. Comme Berlin, je suis une ville débris. Une ville dont on a bombardé la mémoire. Une ville dont on a rasé l’histoire. Je suis née ruine. Je respire la poussière. C’est difficile de se construire sur des gravats.
Et c'est ainsi qu'en calligraphiant la laideur, j'ai tracé des lignes de vie que je ne connaissais pas. (p. 194)
Les orphelins s’unissent, parfois. Ils s’agrippent le cœur. Imbibés de leur solitude que personne ne comprend, ils se savent, les orphelins, ils se boivent. Ils se gouttent à gouttent. C’est leur bouche-à-bouche. Leur survie. La rosée de l’amour quand on n’y croyait plus.
Toutes ces personnes existaient, avaient du relief. Toutes ces personnes affirmaient crânement qu'elles étaient libres. Les punitions qui s'ensuivaient étaient le prix de cette liberté. (p. 107)
Je sors de ce coma très particulier où je n'ai cessé d'être éveillé. Eveillé mais impuissant. Eveillé mais comme anesthésié de la possibilité de me prendre par la main. Suffisamment éveillé pour être le spectateur lucide de mon propre abîme. Car je suis abîmé. Très. Spectateur impuissant mais conscient. Très. Conscient que je ne suis et n'ai jamais été qu'un spectateur. Un spectateur dont tous les sens sont interdits. C'est en cela que je suis dans le coma. Rien ne s'exprime. A part la peur. Une cécité d'un genre à part: je vois tout, mais je suis incapable d'articuler un mot car je suis convaincu que les autres ne m'entendront pas. (p. 187)
Le sang de l’Holocauste est souillé par la suie. C’est un sang fumée noire dont l’odeur ne pourra jamais s’écrire.
[départ en colo en train Corail]
Les toilettes étaient effrayantes. L'odeur terrible. La saleté repoussante. Mais ce qui nous dissuadait le plus d'y aller c'était le bruit. Et quand on était petit, c'était le trou. On y voyait les rails. Le froid dans les fesses. L'impression que quelqu'un pouvait nous voir. Le papier manquait toujours et on ne s'en apercevait qu'au moment où on en avait besoin. Ou alors il était tellement rêche qu'on évitait de l'utiliser.
(p. 25)
Le problème pour nous, c'est que naître coupable et n'être coupable, ça sonne pareil.
L'homme et la directrice étaient les roues d'un même carrosse. Celui qui nous emportait loin de notre mère quel que soit notre âge. Pire: qui nous détachait de nous-mêmes. Car loin e notre mère, c'eût pu être notre chance de gagner autonomie, indépendance et force. Mais cette famille intérimaire nous bousculait tellement que toute notre énergie passait à rétablir notre équilibre.
Moi, je n’ai rien à déclarer. Je n’ai pas encore de bouche. J’ai juste besoin d’une main qui écoute. Une main qui saura écrire ce qu’elle a entendu. Même quand je ne dis rien. Une main qui sache écrire vite aussi, pour ne pas avoir à me faire répéter si les mots sortent. Une main courante. Pour témoigner.