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3.93/5 (sur 34 notes)

Nationalité : France
Biographie :

P.E. Cayral vit à Paris mais il parcourt l’Europe pour vendre des chapeaux.
"Au départ, nous étions quatre" est son premier roman (éditions Anne Carrière).
Il est aussi auteur de Nouvelles, notamment publiées dans des revues littéraires comme "Pourtant", "Rue Saint Ambroise", "Quinzaines"...


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VLEEL 196 Rencontre littéraire avec Sibylle Grimbert, Carole Allamand et P E Cayral, Anne Carrière


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GREG
Ce moment-là, Fuego, c'est l'au-delà de la guerre, tu comprends. L'au-delà de la mission pourrie qui ne fait qu'empirer. Voilà : des coups de boutoirs nous coincent à plusieurs dans cet abri où nous venons de nous réfugier en précipitation. Dehors, ça castagne sec. J'étouffe. Nous y sommes sans doute en sécurité pendant un moment, mais nous sommes trop nombreux, assis, debout, empilés les uns sur les autres. Je me demande à chaque pression au-dessus de ma tête comment je vais supporter la prochaine suffocation.
[…]
Voilà, je suis dehors. Je suis sauvé. Je suis Greg le Premier sorti : « PS ». Va-t-on me tirer dessus ? Non. Un souffle transparent me caresse le front et la lumière est pure. J’ai le corps enfin décollé des autres. Je vacille dans un espace immense et libre. Mon corps se déploie, je peux ouvrir les yeux. Ce nouvel univers a goût de solitude. Il semble tout à moi. Je peux respirer à pleins poumons comme jamais auparavant.
Et je hurle.

GUS
« Faites sortir le père. »
L’ordre est rapide et sec.
Place nette a peut-être été faite dehors, mais ici, à l’intérieur, c’est infâme. Il y a belle lurette que le liquide dans lequel je flotte n’est plus transparent. Si j’ouvre les yeux, ça me pique. Avant, quand je regardais, je voyais des orangés, des vagues jaunes ou rougies : elles m’inondaient la tête, les membres et m’enveloppaient entièrement. Ce n’était jamais très net, non, plutôt un halo tiède et délicieux. Mais là, plus rien de ces couleurs.
[…]
Je veux de l’espace ! Je suis peut-être minuscule comme un sac de riz et, si je survis, je tiendrai dans la paume de mon père, mais, ici, il y a des mains et des pieds partout autour de moi : ils prennent toute la place.

GIL
Pour les gens de la région, nous étions de splendides triplés, rieurs et surtout très unis : une fratrie exceptionnelle. Dans l’imaginaire alentour, pouvait-il en être autrement ? Nos trois corps identiques étaient comme un mirage, brûlant ou maléfique, selon que nos parents attiraient ou l’envie ou l’effroi.
[…]
Dans ce creuset d’enfance, je crois que PS se sentait toujours sale pour se laver sans cesse à la fontaine, souvent à la pierre ponce. Gus, lui, était un peu à part, le craignant comme moi, évitant à tout prix les menaces et les confrontations. De mon côté, je flottais sur la vie comme sur une mer d’huile, tranquille et insouciant, ne comprenant rien ni à leurs disputes, ni même à leurs tourments. Je n’imaginais pas un instant ce qui pourrait bien perturber un si bel équilibre.
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Les livres … De leur papier si fin monte le vent des mots, le silence me prend et m’emmène dans des recoins de mondes inattendus. Ils m’envoient des messages ; je leur donne mes pleurs et mes sourires chaque fois renouvelés, chaque fois différents. Il n’y a pas deux lectures pareilles, les mots changent et se nuancent, même dans les phrases que je crois connaître par cœur. Je pense qu’ils muent tout autant que je prends de l’âge, et ils sont de plus en plus à moi comme je suis de plus en plus à eux. Avec le temps, avec ces relectures répétées, j’ai compris : ce sont ces livres qui me tiennent debout. Ce sont eux qui me lisent. En eux je comprends mon histoire. En eux je me connais !
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Greg est le premier sorti (PS). Gus, le dernier. Entre les deux, Gil est le seul des triplés à choisir de reprendre la ferme parentale, au bord de l’océan, tout au bout de la Bretagne.
P.E. Cayral signe un premier roman empli de courants traversants, d’une écriture traversée par la mort. Celle, in utero, du quatrième frère, puis plus tard, celle des parents, celle que côtoie PS qui a choisi d’être soldat de terrain. Celle que repoussent Fleur et Jeromine, les femmes qui vont tenter d’apprivoiser ces hommes pas comme les autres.
J’ai été touchée par la fulgurance de certaines pages touchant à l’universel, mais noyée dans un roman où la polyphonie des personnages est devenue cacophonie. Peut-être aurais-je préféré plusieurs ouvrages pour traiter de tous les thèmes qui s’y entrecroisent, l’enfance, la fraternité, la prédestination, les rapports familiaux, le couple, la vacuité de certaines vies professionnelles mal choisies. Certaines pages sont très noires. Je garde de ce roman de magnifiques portraits de personnages, en particulier Fleur. Je suivrai avec attention les prochains livres de cet auteur…
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Léa
Elle avait été bibliothécaire dans un lycée. Enfant, je m’amusais à compter les livres qu’elle avait lus en égrenant les fiches qu’elle avait faites sur chacun d’eux. Mais je m’y perdais. Elle régnait sur une dizaine de longues boîtes en plastique gris remplies de bristols à carreaux. Elle y écrivait les résumés et un avis personnel, à l’encre bleue, avec une codification savante pour des consultations à plusieurs entrées. Ma mère me racontait ses déboires à faire lire les adolescents du lycée. Ils avaient, selon elle, une « panne d’envie ». Ou étaient orientés vers d’autres désirs. La littérature n’était même pas un point à l’horizon de leur flemme ; ils n’étaient pas curieux. La description détaillée de cette misère intellectuelle et de cette absence de soif était la manière qu’elle employait pour me pousser à lire – manière qui, à dire vrai, fonctionnait plutôt mal. Je lisais peu, et même plus du tout depuis mon mariage avec Luc. J’avais été emportée par la grossesse, la naissance et l’éducation des garçons, le travail à la ferme, le soin régulier des animaux, toutes ces activités physiques qui vous poussent plus à subir qu’à prendre votre temps. Et je n’en souffrais pas, d’ailleurs. Mais là, accroupie dans cette bibliothèque, les doigts tout poussiéreux, ouvrant ces cartons un à un, le nez dans leurs parfums de cuir sec et de papier, la lecture me revenait comme une nécessité – et ma mère comme un soleil dansant aux falaises de Capri, l’île où elle m’avait dit que, si elle se souvenait bien, j’avais été conçue.
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PS
Je suis le frère aîné ; enfin pré-né, puisque juste avant Gil et Gus. Mon vrai prénom est Grégoire, mais on m’appelle PS parce que je suis le Premier Sorti du ventre de ma mère.
Elle nous racontait que, si j’étais devenu militaire, c’était par vocation prénatale ! J’étais né coiffé de la membrane fœtale, mes cheveux longs et noirs étaient lissés : on aurait dit qu’un aide de camp venait de me peigner. Et mon premier vêtement, minuscule, avait trois boutons de corne et un petit galon rouge en couture aux épaules : une prémonition !
Je me suis souvent demandé si Gus n’était pas cet aide de camp, tant il se mettait toujours à mon service, sans le vouloir – un choix, inconscient et répété tout au long de notre enfance. Il était là pour retrouver mon jouet fétiche, mes chaussures perdues, mon pistolet en bois que notre père m’avait taillé à grand coups de canif, la cuillère qui me manquait pour manger mon yaourt… Il était mon complice serviable, invisible et permanent, à l’affût de ce qui pourrait me manquer, ou, peut-être, pour m’arracher un sourire étant donné mon penchant certain pour les choses bien faites, bien rangées. Avec son aide invisible, je brillais un peu mieux aux yeux du paternel dans tout ce qui relevait de la discipline.
était-ce le lot des aînés, et particulièrement ceux d’une fratrie masculine ? Il était le dernier, il jouait à l’opposé le rôle du petit, celui qui rend service pour se faire pardonner d’être le plus attendrissant, et le premier au compteur des câlins.
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Moi, tu vois, c’est lui, c’est lui que j’aime : le temps qui reste. Il est là devant moi : je le vois, je le regarde et je l’admire. Je le prends, je le serre à pleines mains à chaque instant, j’en ai mal aux doigts, et puis je le bois, je le savoure. Je le déglutis et le sens qui descend jusque dans mes boyaux, là où il bat et me pousse le ventre. Ou je peux rester immobile à le regarder, droit dans les yeux, longtemps, comme tu n’imagines pas. Long temps, en deux mots, tu vois ? Non, tu n’imagines pas comme je l’aime.
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Incipit :
Greg
Ce moment-là, Fuego, c’est au-delà de la guerre, tu comprends. L’au-delà de la mission pourrie qui ne fait qu’empirer. Voilà : des coups de boutoir nous coincent à plusieurs dans cet abri où nous venons de nous réfugier en précipitation. Dehors, ça castagne sec. J’étouffe. Nous y sommes sans doute en sécurité pendant un moment, mais nous sommes trop nombreux, assis, debout, empilés les uns sur les autres. Je me demande à chaque pression au-dessus de ma tête comment je vais supporter la prochaine suffocation. Nous toussons chacun à notre tour en recrachant nos glaires.
Depuis combien de temps ? Je ne sais plus. Je n’ai pas le choix ; c’est ma condition, c’est ma vocation. Supporter l’extrême. Toute ma vie, je le sais, est tendue vers l’extrême. Depuis son tout début.
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Léa
Quand je les ai en main, vous voyez, je tords la peau de leur couverture qui se greffe à ma paume. De leur papier si fin monte le vent des mots, le silence me prend et m’emmène dans des recoins de mondes inattendus. Ils m’envoient des messages ; je leur donne mes pleurs et mes sourires chaque fois renouvelés, chaque fois différents. Il n’y a pas deux lectures pareilles, les mots changent et se nuancent, même dans les phrases que je crois connaître par cœur. Je pense qu’ils muent tout autant que je prends de l’âge, et ils sont de plus en plus à moi comme je suis de plus en plus à eux. Avec le temps, avec ces relectures répétées, j’ai compris : ce sont ces livres qui me tiennent debout. Ce sont eux qui me lisent. En eux je comprends mon histoire. En eux je me connais !
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PS
Mes parents s’offraient même un dîner au restaurant la veille de chacune de nos retrouvailles. Gus m’avait raconté ce que mon père lui avait dit :
- Tu sais, la veille, c’est presque mieux. C’est ce moment savoureux où l’on sait que ce qu’on attendait depuis longtemps va survenir le lendemain. On peut sourire pour soi seul, relâcher un moment la tension. C’est rassurant ; la sécurité d’une certitude, même passagère. Le temps entre le moment présent et l’arrivée de PS n’est plus que d’une nuit. Avec ta mère, tu sais, on a aussi besoin de profiter de la veille. Peut-être fait-elle moins mal que le jour J. Parce que le jour J, il parle autant de retrouvailles que de nouveau départ.
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Gus
Depuis ma rupture avec Jéromine, je rétrécis. Je cherche à vivre seul. Je me nourris de ces cerises confites à l’irrésistible goût de colle, et j’achète mes rouleaux de papier hygiénique à l’unité.
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