Ce que nous disent les réfugiés, avec Pascale RUFFEL
Dans l'exil, plus rien ne va de soi, la culture perd son statut d'évidence... Alors qu'elle était fondue à l'intérieur de soi, elle peut, pour le sujet lui-même, dans certains de ses aspects, revêtir un caractère d'étrangeté. La culture n'a pas à être fétichisée, sacralisée, elle est contenant et contenu de pensée. Elle permet de remettre en mouvement la capacité de penser, de ranimer un travail psychique sidéré par l'exil.
Au village, on disait :
Des étrangers, grands et gros, cherchent des bébés.
Ils cherchent,
fouillent les campagnes et les maisons isolées,
reniflent l'odeur sucrée des nouveau-nés,
sortent des liasses de billets odorants.
Dans le meilleur des cas, le statut de réfugié est obtenu, l'asile est donné à celui qui l'a demandé. Toutefois, cela ne suffit pas pour que le réfugié trouve subjectivement l'asile. Celui-ci ne se trouvera que dans la relation à d'autres hommes. Toutes les rencontres humaines, si fugaces ou banales soient-elles, sont dès lors importantes, porteuses d'espoir ou de déconvenues.
Jamais, je n'ai oublié la couverture couleur rouge flamboyant brodée de fils vert émeraude, bleu turquoise comme les lacs des cimes et les percées bleues du ciel.
Le châle de ma mère.
Le manque d'elle à chaque endroit de mon corps.
Alors, j'écris.
J'écris avec mes yeux qui se posent sur le gris du ciel,
j'écris sur le drap bleu du lac, en bas dans la vallée,
j'écris sur les planches centenaires de la cabane de Rosita.
Dès l'aube, j'écris.
Puisses-tu te laisser porter par la mer, te reposer sur son corps voluptueux.
Il est des portes sur la mer que l’on ouvre avec des mots. (Rafael Alberti)
Je suis partie chercher la paix et le silence. La rêverie aussi. Mais surtout, un asile à mes pensées errantes.
Les histoires qui enchantent l’humanité ont leur source au fond des mers.
Comment l'élément aquatique pourrait-il être frontière alors qu'il est confusion,rencontre et errance,qu'il est l'endroit de la dissipation,de l'évanouissement et des retrouvailles?Dans la baie des Coloradas,à Lanzarote,je me souviens.Tout au fond de l'eau,le sculpteur a monté un mur...Un portail permet d'en franchir le seuil.Mais l'eau n'en a que faire,elle s'en moque, elle est fluide et elle coule.Les coraux s'installent sur la misérable fortification et grignotent la frontière.
La mer se rit du mur,plus que tout ,elle vit