La question des agressions sexuelles ou des viols sur mineurs troublent l'ordre social quand on les dénonce. On le voit très bien avec Polanski où on veut séparer l'homme de l'artiste pour ne pas nuire à sa carrière.
Nous les hommes, en tant que groupe social et quelle que soit notre attitude individuelle, nous percevons bien ce rapport de force au quotidien. Et lorsque nous le critiquons, nous en jouissons également, même malgré nous. Mais, faut-il le reconnaître, le plus souvent de façon assumée. Notre domination sur le monde est telle que nous ne pouvons que perdre des privilèges. Notre sentiment de risque est permanent. Nous pensons vivre à toute époque une « crise de la masculinité » qui n’est en fait que notre angoisse de laisser échapper une parcelle de notre pouvoir.
Dans différents centres d’hébergement, j’avais donc passé du temps avec des femmes en déroute. On pourrait dire qu’elles avaient été brutalisées, mais le mot serait faible quand on a vu tout cela de près. Détruites, écrasées, déchirées, martelées, ruinées, effacées, volatilisées. Il ne restait parfois qu’un petit être humain tenant à peine debout, les yeux exorbités sur sa vie dont il n’y a rien à espérer.
L’enfer existe. Il est ici bas. Pour ma part, je l’ai contemplé à deux reprises. Une fois, c’était en prison. Non que j’aie rencontré l’une ou l’autre situation particulièrement dramatique d’enfermement. C’est la prison en elle-même qui est l’institution de l’enfer programmé et permanent.
La seconde fois, c’était dans ma confrontation avec la prostitution. J’y ai vu et entendu les plus grandes situations de détresse que l’on puisse imaginer. Voire, que l’on ne puisse même pas imaginer.
Dans les deux cas, j’ai tenté de comprendre en quoi ma responsabilité était engagée dans ces systèmes à côté desquels je pensais vivre alors que j’y vivais en plein cœur.
En tant que citoyen, membre d’un corps social, d’un groupe social. J’en ai déduit, avec l’aide d’auteures féministes, que cette position d’homme me responsabilisait dans le rapport prostitutionnel, même si je n’avais jamais été « client ».
C’est donc de cette position d’homme blanc, plutôt instruit, hétérosexuel que je me suis mis à creuser cette question jusqu’au besoin d’en témoigner.
Il faut être très mal informé pour ignorer que de manière générale, les femmes sont discriminées dans nos pays pourtant en avance sur ce point. Différence salariale, tâches ménagères, violence symbolique, violences physiques y compris dans les classes les plus favorisées. Violences sexuelles à tout niveau social. La liste est longue.
posséder une femme que l’on achète, c’est jouir sans s’encombrer de réciprocité
En conclusion provisoire.
Ce livre aurait pu d'intituler "Les patriarches". En grec ancien, le mot signifie "chef de famille'. Il résume à lui seul tout un système social et politique dont la mécanique broie des millions de femmes et d'enfants à travers le monde.
[...]
C'est cette position hiérarchique centrale qui fixe encore aujourd'hui bon nombre de règles sociales et politiques. De là découle une vision linéaire et verticale du pouvoir que peu désirent réellement mettre à bas. Or c'est dans cette structure dite "patriarcale" que découlent des oppressions de groupe social à groupe social où les femmes et les enfants ont le moins de droits.
L’auteur de ces lignes est conscient d’être lui-même un membre du groupe social dominant. C’est en tenant compte de ce point d’observation très particulier qu’il faut lire les pages qui suivent
... entre le discours officiel qui réprouve la pédophilie et l'inceste et la réalité de dizaines de milliers de cas passés sous silence [chaque année], s'opère un paradoxe que je tenterai ici de révéler et d'analyser. Non pas comme une recension de faits divers, mais en tant que phénomène social et culturel d'ampleur lié à la domination masculine.
p.11 éd du Rocher
C’est bien en terme de construction sociale générant une hiérarchie qu’il faut évaluer la situation