p. 53 L’absence de volonté d’Hamlet existe, mais c’est une absence de volonté illusoire, en d’autres termes, il y a en Hamlet des actes de volonté, mais ils ne sont pas de nature à se montrer extérieurement par des actions. Toutefois, tout acte doit être dirigé vers quelque chose ; si les actes d’Hamlet ne sont pas dirigés vers l’extérieur, cela signifie qu’ils sont dirigés vers l’intérieur, c’est-à-dire, l’un vers l’autre. Mais un acte dirigé vers l’intérieur ne peut être dirigé que vers un acte antagoniste, pour éliminer ce dernier, le neutraliser ; c’est pourquoi les actes de volonté d’Hamlet doivent être dirigés les uns contre les autres, ils doivent, pour ainsi dire, interférer entre eux et se paralyser réciproquement.
Il est clair que de tels actes, quelle que soit leur intensité, ne peuvent être de actes pour l’autre ; mais, en soi et pour soi, ils sont d’authentiques actes de volonté. On peut les comparer aux forces internes de la mécanique ; quelle que soit leur intensité, il ne changeront en aucune façon le mouvement du centre de gravité du système. Et effectivement, l’action d’Hamlet consiste en une lutte d’actes ; mais il s’agit d’une action qui ne se manifeste pas extérieurement. Quant à ce qui se manifeste extérieurement, les phénomènes, il s’agit un mouvement dû aux forces externes, une action obéissant à des causes extérieures, des élans involontaires, quasi inconscients, des personnages.
(...) La représentation d'un objet n'est pas, en tant que représentation, elle-même un objet, qu'elle n'est pas la copie des choses, qu'elle ne redouble pas un petit coin du monde, mais qu'elle indique ce qu'il y a d'authentique en tant que symbole. Le naturalisme, au sens d'une véracité extérieure, comme imitation de la réalité, comme fabrication de réplique des choses, comme fantôme du monde, non seulement n'est pas nécessaire, selon le mot de Goethe à propose de son chien bien-aimé et de la représentation du chien, mais est tout simplement impossible. La véracité en perspective, si elle existe, si une véracité existe en général, ne peut révéler d'une similitude extérieure, mais bien plus d'une entorse qui lui est faite (c'est-à-dire d'un sens intérieur) en tant qu'elle est symbolique. Et de quelle "similitude" peut-il bien s'agir, par exemple, entre la table et sa représentation en perspective, dès lors qu'on représente des parallèles notoires par des lignes convergentes, des angles droits par des angles obtus et tranchants, les segments et les angles égaux entre eux par des hauteurs inégales par des égales. Toute représentation est symbolique, toujours et quelle qu'elle soit, perspective ou non perspective, et ce qui distingue entre elles figurations dans les arts figuratifs, ce n'est pas que les unes soient symboliques et les autres prétendument naturalistes, c'est que les unes comme les autres n'étant pas naturalistes, elles sont au fond toutes les symboles de divers aspects des objets, de diverses conceptions du moindre, à des degrés divers de synthèse. Les différents modes de représentations ne se distinguent pas les uns des autres comme le fait un objet de se représentation, mais - au plan symbolique. Les unes sont plus grossières, les autres moins. Les unes sont moins accomplies, les autres plus. Les unes sont plus universelles, les autres moins. Mais leur nature à toutes - elle est symbolique.