Citations de Philippe Ossena (13)
Le temps n'est rien, interrompit Mimir. Il ne s'agit que d'une notion que les hommes ont inventée pour avoir l'impression de maîtriser leur vie qui s'échappe. Mais le temps n'existe pas et n'a jamais existé, insista-t-il. D'ailleurs, as-tu jamais réussi à saisir une seconde dans ta main. (…) Seul l'homme peut choisir arbitrairement son début, sa durée, son nombre. Une heure peut te sembler courte, mais est une éternité pour l'insecte éphémère, pourtant ce n'est qu'une goutte d'eau pour l'arbre millénaire.
Nul n'est capable de ne faire que de bons choix, interrompit le géant. L'important, c'est de les assumer et d'en tirer les conséquences.
N'offre ta confiance qu'à celui qui la mérite et ne révèle tes secrets qu'à celui capable de sceller ses lèvres jusqu'à son dernier soupir. Comme le dit l'adage : « Tu peux confier tes pensées à un seul, mais méfie-toi de deux. Ce qui est connu de trois est connu de tous. »
« Le Soleil se teintera de noir,
La Terre sera recouverte par les océans,
Les étoiles scintillantes tomberont du ciel,
Des fumées enragées et des flammes ronflantes,
S'élèveront dans une intense ardeur jusqu'au firmament... »
- La fin du monde...
Aveuglés par tant d'amertume et de déchirements, les hommes ne parvenaient pas à réaliser que l'unique remède à leur souffrance était la raison. Et même s'il arrivait de temps à autre à grappiller un peu de place dans leurs esprits, l'antidote mettait trop de temps à agir et son pouvoir se trouvait rapidement annihilé, terrassé par ce que dictait leur folie.
Dans son égoïsme, Éric avait occulté le chagrin d'Havalfa après la disparition d'Harald. Lorsqu'il en prit conscience, il se jura de ne plus se centrer sur ses seules angoisses, d'être moins égoïste. L'elfe le suivait aveuglément, il était si jeune, si entier... Sans le savoir, Havalfa était devenu une motivation sans égale.
Fuis le venin que crache la langue de ton ennemi. Méfie-toi du miel de celle qui aime trop. Abreuve-toi de la vérité de celle qui est désintéressée, psalmodia Lif.
Les hommes ne pensent qu'à eux, poursuivit-il. Ils ne sont que source de malheurs et de destructions. La guerre, voilà ce qu'ils savent faire. Ils parviennent à s'entre-tuer pour des broutilles. Un lopin de terre, un peu d'or, un phénomène qui n'appartient pas à leur petit routine, et les voilà pris de folie.
Sa campagne électorale (du père d'Éric) avait remué les turpitudes d'un passé révolu, et par là même, dérouillé les langues déjà bien pendues des pipelettes du quartier. Des commérages auxquels sa femme, Jeanne, ne pouvait échapper. La pauvre travaillait au sein même du temple du ragot et de son colportage, le salon de coiffure de Diane Papotte, véritable sanctuaire pour jacasseuses en mal de médisance. Jeanne s'étonnait de réaliser que ce petit jeu, d'ordinaire si plaisant, lui soit devenu proprement insupportable.
Il se rappela que l'aventure avait débuté de cette façon, à peine une semaine plus tôt. Depuis, tant de choses avaient changé dans sa vie. Il avait découvert cinq compagnons de route et un monde plein de magie, de guerre et de vie, où l'amabilité extrême côtoyait l'intolérance la plus abominable.
Depuis ce matin, les faits semblaient s'imposer à lui ; les fuir ou les ignorer n'avait abouti qu'à une seule évidence : il ne pouvait se soustraire à leurs effets. Malgré ses réticences, il ne chercha pas à lutter contre l'étrange pouvoir d'attraction qu'exerçait le bois.
Depuis les temps d'Ymir et Audumbla
Chacun convoite une terre de choix,
Des puissants dieux aux plus grands rois,
Désire avidement cet endroit... mais
Personne n'aura, non personne n'aura,
Personne n'aura Malamundia.
Suivant la venue d'Ask et Embla,
Le père des hommes se reposa,
Dans son rêve, le Très Haut créa
Splendeur égale au Walhalla... mais
Personne n'aura, non personne n'aura,
Personne n'aura Malamundia.
L'horrible monstre un jour arriva,
Repliant ses ailes sur notre toit,
Et d'avoir ce trésor, il se vanta,
Excédé Sigmund l'étêta... car
Personne n'aura, non personne n'aura,
Personne n'aura Malamundia.
Et lorsque le Grand Hiver arrivera,
Que Skoll de ses crocs obscurcira,
Les terres que Muspel embrassera,
Une seule au pied du frêne subsistera... car
Personne n'aura, non personne n'aura,
Personne n'aura Malamundia.
- Je dois avouer que j'ai grand peine à te saisir. Rares sont ceux capables de malmener ma perspicacité aussi bien que toi. Tu as attisé ma curiosité. Prends place, dit le vieil homme indiquant de sa canne un tronc d'arbre couché sur le sol. J'ai grande soif de connaissances et je te soupçonne d'en détenir suffisamment pour l'étancher. Si tu commençais par me dire qui tu es.
Éric tergiversa quelques instants. Il jaugea l'inconnu à la verve incohérente avec ses allures de clochard.