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Citations de Pierre Bourdieu (463)


Pierre Bourdieu
Le néolibéralisme est une arme de conquête. Il annonce un fatalisme économique contre lequel toute résistance paraît vaine. Le néolibéralisme est comparable au sida : il détruit le système immunitaire de ses victimes.
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Nombre des pratiques et des représentations des artistes et des écrivains (par exemple leur ambivalence tant envers le "peuple" qu'envers les "bourgeois") ne se laissent expliquer que par référence au champ du pouvoir, à l'intérieur duquel le champ littéraire (etc.) occupe lui-même une position dominée. Le champ du pouvoir est l'espace des rapports de force entre des agents ou des institutions ayant en commun de posséder le capital nécessaire pour occuper des positions dominantes dans les différents champs (économiques ou culturels notamment).
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On pourrait en effet montrer que les catégories fondamentales de l'ontologie sartrienne, le Pour-soi et l'En-soi, sont une forme sublimée de l'antithèse, qui "hante toute l'oeuvre de Sartre, entre l' "Intellectuel" et le "bourgeois" ou le peuple : "bâtard" injustifié, pellicule de néant et de liberté entre les bourgeois, les "salauds" de La Nausée, et le peuple, qui ont en commun d'être pleinement ce qu'ils sont, sans plus, l'intellectuel est toujours à distance de lui-même, séparé de son être, donc de tous ceux qui ne sont pas ce qu'ils sont, par l'écart infime et indépassable qui fait sa misère et sa grandeur. Sa misère, donc sa grandeur : ce retournement est au coeur de la transfiguration idéologique qui, de Flaubert à Sartre (et au-delà), permet à l'intellectuel de fonder son point d'honneur spirituel sur la transmutation en libre choix de son exclusion des pouvoirs et des privilèges temporels. Et le "désir d'être Dieu", réunion imaginaire de l'En-soi et du Pour-soi, que Sartre inscrit dans l'universalité de la condition humaine, pourrait n'être en définitive qu'une forme transfigurée de l'ambition de réconcilier la plénitude satisfaite du bourgeois et l'inquiétude critique de l'intellectuel, rêve mandarinal qui s'exprimait plus naïvement chez Flaubert : "vivre en bourgeois et penser comme un demi-dieu".
Sartre convertit en structure ontologique, constitutive de l'existence humaine dans son universalité, l'expérience sociale de l'intellectuel, paria privilégié, voué à la malédiction (bénie) de la conscience qui lui interdit la coïncidence béate avec lui-même et de la liberté qui le met à distance de sa condition et de ses conditionnements. Le malaise qu'il exprime est le mal d'être intellectuel et non le mal-être dans le monde intellectuel, où il est, tout compte fait, comme un poisson dans l'eau.
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La représentation charismatique des "grands" marchands ou des grands éditeurs comme découvreurs inspirés, qui, guidés par leur passion désintéressée et irraisonnée pour une oeuvre, on "fait" le peintre ou l'écrivain ou lui ont permis de se faire en le soutenant dans les heures difficiles par la foi qu'ils avaient placée en lui et en le débarrassant des soucis matériels, transfigure des fonctions réelles : l'éditeur ou le marchand peut seul organiser et rationaliser la diffusion de l'oeuvre, qui, surtout peut-être pour la peinture, est une entreprise considérable, supposant information (sur les lieux d'exposition "intéressants", surtout à l'étranger) et moyens matériels ; lui seul peut, agissant en intermédiaire et en écran, permettre au producteur d'entretenir une représentation inspirée et "désintéressée" de sa personne et de son activité en lui évitant le contact avec le marché, en le dispensant des tâches à la fois ridicules et démoralisantes liées au faire-valoir de son oeuvre. (...)
Mais, en remontant du "créateur" au "découvreur" comme "créateur du créateur", on n'a fait que déplacer la question initiale, et il resterait à déterminer d'où vient au commerçant d'art le pouvoir de consacrer qu'on lui reconnaît, la question pouvant être posée, dans les mêmes termes, à propos du critique d'avant-garde ou du "créateur" consacré qui découvre un inconnu ou qui "redécouvre" un devancier méconnu.(...)
Si l'on veut éviter de remonter sans fin dans la chaîne des causes, peut-être faut-il cesser de penser dans la logique théologique du "premier commencement", qui conduit inévitablement à la foi dans le "créateur" : le principe de l’efficacité des actes de consécration réside dans le champ lui-même et rien ne serait plus vain que de chercher l'origine du pouvoir "créateur" cette sorte de mana ou de charisme ineffable, inlassablement célébré par la tradition, ailleurs que dans cet espace de jeu qui s'est progressivement institué, c'est-à-dire dans le système des relations objectives qui le constituent, dans les luttes dont il est le lieu et dans la forme spécifique de croyance qui s'y engendre.
En matière de magie, il ne s'agit pas tant de savoir quelles sont les propriétés spécifiques du magicien, ou celles des instruments, des opérations et des représentations magiques, mais de déterminer les fondements de la croyance collective ou, mieux, de la méconnaissance collective, collectivement produite et entretenue, qui est au principe du pouvoir que le magicien s'approprie : si, comme l'indique Mauss, il est "impossible de comprendre la magie sans le groupe magique", c'est que le pouvoir du magicien est une 'imposture légitime' [souligné par Bourdieu], collectivement méconnue, donc reconnue. L'artiste qui, en apposant son nom sur un ready-made, lui confère un prix de marché sans commune mesure avec son coût de fabrication doit son efficacité magique à toute la logique du champ que le reconnaît et l'autorise ; son acte ne serait rien qu'un geste insensé ou insignifiant sans l'univers des célébrants et des croyants qui sont disposés à le produire comme doté de sens et de valeur par référence à toute la tradition dont leurs catégories de perception et d'appréciation sont le produit.
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Ainsi, loin d'anéantir le créateur par la reconstruction de l'univers des déterminations sociales qui s'exercent sur lui, et de réduire l'oeuvre au pur produit d'un milieu au lieu d'y voir le signe que son auteur avait su s'en affranchir, comme semblait le craindre le Proust du 'Contre Sainte-Beuve', l'analyse sociologique permet de décrire et de comprendre le travail spécifique que l'écrivain a dû accomplir, à la fois contre ces déterminations et grâce à elles, pour se produire comme créateur, c'est-à-dire comme sujet de sa propre création. Elle permet même de rendre compte de la différence (ordinairement décrite en terme de valeur) entre les œuvres qui sont le pur produit d'un milieu et d'un marché et celles qui doivent produire leur marché et qui peuvent même contribuer à transformer leur milieu, grâce au travail d'affranchissement dont elles sont le produit et qui s'est accompli, pour une part, à travers l'objectivation de ce milieu.
Ce n'est pas un hasard si Proust n'est pas l'auteur absolument improductif qu'est le narrateur de la 'Recherche'. Le Proust écrivain, c'est ce que devient le narrateur dans et par le travail qui produit la 'Recherche', et qui le produit comme écrivain. C'est cette rupture libératrice, et créatrice du créateur, que Flaubert a symbolisée en mettant en scène, sous la forme de Frédéric, l'impuissance d'un être manipulé par les forces du champ ; cela, dans l'oeuvre même où il surmontait cette impuissance en évoquant l'aventure de Frédéric,et, à travers elle, la vérité objective du champ dans lequel il écrivait cette histoire et qui, par conflit de ses pouvoirs concurrents, aurait pu le réduire, comme Frédéric, à l'impuissance.
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Telle est la singularité de Flaubert, si l'on en croit Sainte-Beuve : il produit des écrits tenus pour "réalistes" (sans doute du fait de leur objet) qui contredisent la définition tacite du "réalisme" en ce qu'ils sont écrits, qu'ils ont "le style". Ce qui, on le voit sans doute mieux maintenant, est loin d'aller de soi. Le programme qui s'annonçait dans la formule "bien écrire le médiocre" se déploie ici dans sa vérité : il ne s'agit de rien moins que d'écrire le réel (et non le décrire, de l'imiter, de la laisser en quelque sorte se produire lui-même, représentation naturelle de la nature) ; c'est-à-dire de faire ce qui définit en propre la littérature, mais à propos du réel le plus platement réel, le plus ordinaire, le plus quelconque qui, par opposition à l'idéal, n'est pas fait pour être écrit*.

*[note] Les romans industriels que l'on appelle aujourd'hui best-sellers semblent obéir (il faudrait vérifier l'hypothèse) à une logique strictement inverse de l'intention flaubertienne : peintre médiocrement l'extraordinaire (dans la définition la plus ordinaire), évoquer des situations et des personnages hors du commun, mais selon la logique du sens commun, et dans le langage le plus quotidien, propre à en donner une vision familière.
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Pierre Bourdieu
Le sondage d'opinion est un instrument d'action politique dont la fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l'illusion qu'il existe une opinion publique comme sommation purement additive d'opinions individuelles, à imposer l'idée qu'il existe quelque chose qui serait comme la moyenne des opinions ou l'opinion moyenne.
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Sous peine de s’exclure du jeu politique et de l’ambition de participer sinon au pouvoir, du moins au pouvoir d’influer sur la distribution du pouvoir, l’homme politique et à plus forte raison le chef de parti et le parti lui-même ne peuvent sacrifier à des vertus aussi exclusives : de même que l’Église se donne pour mission de répandre sa grâce d'institution sur tous les fidèles, justes ou injustes, et de soumettre les pécheurs sans distinction à la discipline du commandement divin, le parti se donne pour fin de gagner à sa cause le plus grand nombre possible de réfractaires (c’est le cas lorsque le parti communiste s’adresse, en période électorale, à « tous les républicains de progrès »).
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Le capital culturel est devenu le principe fondamental de la domination.
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Il y a deux grands principes de domination dans la société moderne : le capital économique d'un côté, et ce que J'appelle le "capital culturel".
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Le pouvoir est insaisissable, il est partout et nulle part, ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas plutôt en certains endroits qu'en d'autres.
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On a à ce point intégré des contraintes sociales qu'on les prend pour des éléments de liberté.
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Le sociologue est quelqu'un qui, au prix d'un travail d'enquête, d'interrogation, en utilisant des moyens, des techniques modernes, accouche les autres de quelque chose qu'ils savent sans le savoir.
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Ce qui existe dans le monde social, ce ne sont pas des groupes constitués comme on le croit, mais cette réalité invisible (...) que j'appelle espace social.
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(..) cet espèce de narcissisme à deux que sont la plupart des commentaires littéraires.
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Une classe est définie par son "être-perçu" autant que par son "être", par sa consommation - qui n'a pas besoin d'être "ostentatoire" pour être symbolique - autant que par sa position dans les rapports de production (même s'il est vrai que celle-ci commande celle-là).
Les sujets sociaux comprennent le monde social qui les comprend.
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Le goût, fonctionnant comme une sorte de sens de l'orientation sociale (sense of one's place), oriente les occupants d'une place donnée dans l'espace social vers les positions sociales ajustées à leurs propriétés, vers les pratiques ou les biens qui conviennent aux occupants de cette position, qui "leur vont" ; il implique une anticipation pratique de ce que le sens et la valeur sociale de la pratique ou du bien choisi seront probablement étant donné leur distribution dans l'espace social et la connaissance pratique que les autres agents ont de la correspondance entre les biens et les groupes.
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Les détenteurs de titres de noblesse culturelle - semblables en cela aux détenteurs de titres nobiliaires, dont l'être, défini par la fidélité à un sang, à un sol, à une race, à un passé, à une patrie, à une tradition, est irréductible à un faire, à un savoir-faire, à une fonction - n'ont qu'à être ce qu'ils sont parce que toutes leurs pratiques valent ce que vaut leur auteur, étant l'affirmation et la perpétuation de "l'essence" en vertu de laquelle elles sont accomplies.
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Implantés avec des densités très fortes (267 habitants au kilomètre carré dans l'arrondissement de Fort-National), en des régions de relief difficile, les Kabyles sont avant tout arboriculteurs. Leurs habitations se groupent en villages ; tournant le dos à l'extérieur, elles forment une sorte d'enceinte sans ouverture, aisée à défendre, et ouvrent sur des ruelles étroites et raboteuses. À l'entrée de l'agglomération où se trouvent les aires à battre, le grenier à fourrage, les meules et les presses rustiques destinées à la fabrication de l'huile, les sentiers se dédoublent afin que l'étranger qui n'y a pas affaire puisse passer son chemin sans entrer. Ainsi, dès l'abord, le village affirme son intimité close et secrète, en même temps que son unité résolue à l'égard du dehors. Pressé au-dessus de son terroir, qui couvre les versants jusqu'au fond des vallées étroites, avec, à l'entour des maisons, les potagers, domaine des femmes, au-dessous, les champs exigus, et enfin, en contrebas, les oliveraies, le village est lieu de guet et de protection d'où le Kabyle peut surveiller sans peine ses champs et ses vergers.
L'économie repose essentiellement sur deux arbres, l'olivier et le figuier, avec des cultures complémentaires (blé dur et orge) et un petit élevage familial. La terre était possédée en indivis par la grande famille, mais, depuis une vingtaine d'années, les ruptures d'indivision se sont multipliées.
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