En exergue
" Les librairies sont des îlots de vie dans un monde inhumain" - Christian Bobin
Son arbre lui est devenu ce que la mer est au marin : une passion, un refuge, une nécessité absolue et une manière d'être au monde sans y être vraiment...
- Exactement ! Les livres sont les symboles de la liberté et doivent pouvoir aller et venir comme ils le souhaitent ! Passer de main en main, transmettre le savoir, la culture, l'espoir ! En tout cas, pas être saisis pour être revendus comme des esclaves au bénéfice de barbares incultes ! (p. 212)
Une fois par semaine environ, le Professeur descendait faire provision de livres chez son vieil ami Ernest.
Ils passaient ensemble de longs et bons moments à discuter et échanger dans la petite librairie de l'Impasse Gaston Couté. Ils y parlaient de la vie qui passe, des vieilles connaissances qui trépassent, de l'actualité qui trépide et de la société qui trépigne. Ils y confrontaient leurs pensées profondes ou légères, y accolaient leur optimisme commun, y souriaient de tout et de rien afin de rendre l'existence plus lumineuse et l'atmosphère plus légère. (p. 73)
La voix est un peu cassée, enrouée, fatiguée. Sans trace d'agressivité mais sans tendresse non plus.Une voix utile.Qui pèse ses mots.Parce qu'elle en a peu.Et ne les emploie qu'avec parcimonie. Les mots, c'est comme les idées, c'est vite du temps perdu.
Bizarre ! Vous avez dit bizarre !
(...) Elle déambulait furtivement avec son cabas noir à la main en regardant la jeunesse attablée aux terrasses des cafés. Même si elle en mourrait d'envie, jamais elle n'aurait osé s'installer à une table. Ce n'était pas pour elle ! elle n'en avait ni l'âge, ni les moyens, ni l'habillement ! Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Les barrières les plus infranchissables se construisent d'abord dans la tête. (p. 242)
A vrai dire, Hé [ le chien du vieux libraire] était même plus sûr de la réussite de son maître que son maître lui-même !
Mais c'est aussi cela l'amour ! Croire si fort en l'autre qu'il en devient encore plus fort ! (p. 91)
Ah, les vignes de Montmartre ! Ce si symbolique îlot de résistance champêtre contre l'incessante marée montante du béton ! Le professeur ne pouvait passer devant elles sans s'y arrêtrer un instant pour leur sourire et les admirer.
Jadis, elles furent, selon la légende, les toutes premières de Paris. Aujourd'hui, elles sont les toutes dernières ! Plantées, dit-on, au XIIe siècle par les bénédictines de l'abbaye de Montmartre, fondée par Adélaïde de Savoie, elles faillirent être dévastées dans les années 1930 par la Ville de Paris qui, après les avoir rachetées envisageait de les arracher purement et simplement pour y faire construire à leur place des immeubles, qui auraient défiguré la Butte et spolier les gamins pauvres de Montmartre de leur seul terrain d'aventure.
Heureusement, un certain Francis Poulbot, peintre et affichiste de son état, passé depuis à la postérité, se battit comme un beau diable- ou plutôt comme un bel ange- pour empêcher ce funeste projet d'aboutir.
Rameutant les foules et usant de tous les stratagèmes, il finit par faire capoter l'opération et rendit aux gosses de Montmartre- qui ne l'oublièrent jamais et en firent leur héros- leur bien modeste, mais si important pour eux, îlot de jeu et de liberté.
En 1933, la ville de Paris, répondant à ses voeux et à ceux de la "République de Montmartre", y replanta deux mille pieds de vignes dont le vin est, chaque année, vendu aux enchères au profit des enfants déshérités et des oeuvres sociales de la Butte.
(p. 74-75)
Rosa sourit.Elle aimait bien son petit appartement, son " chez- elle", son nid, son antre.
Partie de rien, elle avait dû travailler dur et batailler ferme dans le milieu de la nuit, pas particulièrement tendre envers les femmes, pour l'acquérir.
Elle n'en était pas peu fière !
Au fil des ans, elle l'avait décoré et meublé selon sa façon de penser et de rêver le monde, excentrique et chaleureuse, hétéroclite et harmonieuse, ésotérique et exubérante, tendre et rebelle tout à la fois...
( p.148)
Bonjour là-haut
Si, au tout début de son amitié avec les arbres, Charlie les avait d'abord considérés comme des compagnons aptes à le soustraire aux bassesses de ce monde, il avait ensuite découvert qu' ils possédaient un autre précieux pouvoir: celui de le rapprocher...du ciel !
C'est Mémé qui lui avait révélé le secret alors qu'il était encore tout petit.
Face à l'avalanche de questions qu'il lui posait si souvent sur ses parents et l'infinie douleur de leur absence, elle lui avait révélé qu'en réalité, ils étaient toujours " là ", et qu'ils continuaient à le protéger et à l'aimer. (...)
Certaines absences sont trop infinies et dévastatrices pour qu'on puisse les accepter.
(pp.22-23)