Je ne veux cependant pas dire que les sciences ne soient utiles, de première nécessité. Mais vivre sans les arts !....Ne sont-ils pas profitables aux mœurs, à la morale, sans parler du degré de gloire où ils peuvent élever une nation ?
(Extrait lettre de Ingres à Debia 28 janvier 1829)
A INGRES.
Du temple qu’on érige à la gloire d’Homère
Ne livre le parvis qu’aux vrais adorateurs
Du Dieu qu’ont révélé ses chants inspirateurs,
Et qui, vieillard, aveugle, erra dans la misère.
Interprète jaloux du mystique mystère,
D’une esthétique étrange éconduis les prôneurs.
L’antique amour du beau, seul, a droit aux honneurs
De l’immortalité que ton pinceau confère.
Ainsi l’école obtint un triomphe éclatant
Hélas ! le fol attrait du caprice inconstant
Bientôt dans la tourmente égare l’art rebelle.
Quand ta main, du salut, reproduit le signal,
Ton pauvre aide inhabile, impuissant mais fidèle,
Conjure par ses vœux un naufrage fatal.
Ier janvier 1837.
Ingres perdit la compagne assidue qui partagea et soutint avec courage, pendant de longues années, les pénibles épreuves de sa vie. Cette femme excellente, si digne de ses regrets, s’était, par un dévouement sans bornes, rendue, pour ainsi parler, inhérente à l’existence de son mari.
Habitué qu’il était à ce qu’on s’occupât, sans qu’il s’ en doutât, de mille soins journaliers dont il était l’objet, Ingres s’aperçut avec effroi que la moitié de sa vie était véritablement au tombeau
Certes, dit-il, il y peu de vrais connaisseurs en fait d’art, mais les curieux les plus à redouter sont les gens blasés. C’est pour eux qu’en peinture on exagère les mouvements, l’expression et la couleur ; que dans les lettres, les passions sont poussées jusqu’à la démence ou présentées avec de raffinements qui masquent ce qu’elles ont de vicieux ; qu’en musique, au chant on a substitué les cris.
Plusieurs voyages que je lis à Paris et les visites de mon frère et de mes enfants, si bien accueillis par leur affectueux compatriote, m’avaient instruit de ces particularités et suppléaient aux lettres d’Ingres qui lurent rares. II n’aimait guère à écrire; mais l’exposition de peinture, qui s’ouvrit à Montauban lors du concours régional en 1862, l’obligea à mettre plusieurs fois la main à la plume. Quant à moi, je lui adressai, à cette époque, la lettre suivante, provoquée par la nouvelle de sa promotion au Sénat.
J’ai lu avec un bien vif intérêt les articles des journaux sur votre dernier tableau, que j’avais vu commencé dès longtemps et qui se montrait furtivement comme pour vous faire un reproche de le laisser inachevé. M. Delécluze, dans les Débats, semble l’avoir le mieux apprécié, parce qu’il a, je crois, le sentiment du vrai beau, alors que la plupart des écrivains, dispensateurs de réputations éphémères, sectaires de systèmes préconçus adoptés sans discernement , travaillent à leur insu à la décadence de l’art.