"La mémoire de nos rêves", le premier roman de Quentin Charrier, est enfin en librairie !
Le livre :
https://www.grasset.fr/livres/la-memoire-de-nos-reves-9782246832041
Elle évoluait dans un monde nouveau dont elle ne tarda pas à maitriser les codes, conservant cette ombre de mystère passablement scandaleux qui la suivait partout. Une fille qui n’avait de comptes à rendre à personne, qui pouvait rentrer chez elle au milieu de la nuit, chez qui on pouvait squatter pour boire, fumer des joints et coucher . A l’âge de quinze, chacun souhaitait avoir sa vie; Elle se sentait parfois obligée d’expliquer à des maies que vivre avec un père qui cuvait jusque’à midi et qu’elles devaient trainer dans sa chambre les vendredis et samedis soir, n’avait rien de romanesque.
Ce qu’ils avaient vécu ensemble ne suffisait plus. Ils évoluaient chacun dans des mondes séparés, étanches et clos sur eux-mêmes. On croit pouvoir traverser de l’un à l’autre, ou revenir en arrière, mais ce n’est qu’une illusion. La vie punit ceux qui croient trop fort en elle, sans avoir les moyens de s’en sortir.
p 199
Ce n'était pas parce qu'il l'aimait qu'elle était faite pour lui, se répétait-il pour justifier son choix.
Il avait gaspillé toutes ses chances, ou n'avait pas réussi à les saisir, ce qui revenait au même.
Il avait la gaieté immature de ceux qui croient que la vie tourne autour d'eux-mêmes, ou qu'en mettant suffisamment de distance entre soi et l'âge adulte celui-ci ne vous rattrape jamais.
Sinon n’avait, jusqu’alors, jamais remis en question son amitié pour Franck, les limites impossibles à tracer de son caractère, de ses emportement, l’ambiguïté et la violence endormi qu’il n’aurait jamais admises chez un autre. Il n’avait pas le recul suffisant. Le respect mais les deux craintes que Franck et Anthony inspiraient, donnait de la structure à sa personnalité un peu fade. Il côtoyait une violence dont il n’était jamais là cible, jusqu’à l’accident. De même il n’aurait pas été en mesure d’expliquer ce qui chez lui était précieux pour Franck. Simon était un miroir’ une feuille blanche. Un sentiment intense réagissait en lui avec une égale intensité. Il reportait sur Clarisse son désarroi. Il avait construit autour de son souvenir une roman qui faisait écho à sa frustration
La vie punit ceux qui croient trop fort en elle, sans avoir les moyens de s'en sortir.
La vie punit ceux qui croient trop fort en elle, sans avoir les moyens de s'en sortir.
Entamant pour lui le récit de ces dernières années, recouvertes d'une brume étrange, il acheta des bières dans une épicerie et les but méthodiquement dans un square à côté des Buttes-Chaumont. Il pensait à Clarisse tous les jours, depuis des mois, des années, depuis le début en fait. Il y pensait en embrassant d'autres filles. Et même avant cela, avec Justine, qui avait fini par le quitter après quatre ans de vie commune, le laissant fomenter dans une torpeur d'ivrogne des rêves de grandeur, de célébrité et de plénitude sexuelle, dont elle empêchait l'accomplissement.
Clarisse était là. Rien ne l'effaçait, alors que leur liaison se résumait à quelques jours que l'on aurait pu compter sans effort : dix semaines de printemps, la cour du collège Guy de Maupassant dilatée par la lumière et le bruit, les longs après-midi à s'embrasser, à faire du skate et à fumer des joints dans les rues pavillonnaires. Puis leur première rupture. Et des années plus tard, à l'université, cette amitié ambiguë que ni l'un ni l'autre n'avaient vraiment choisie, prolongée par des années d'un silence hanté par son souvenir, pendant lesquelles il n'avait jamais trouvé le courage de l'appeler pour lui donner les vraies raisons de son incapacité à être avec elle. En y réfléchissant, il avait agi avec Franck de manière similaire, réussissant dans un mélange inquiet d'amour-propre, de préjugés et d'indécision à repousser loin de lui son meilleur ami et son amour de jeunesse. En un sens, il les avait abandonnés tous les deux. À présent, il n'avait plus d'endroit où se cacher
Il pensait à Clarisse tous les jours, depuis des mois, des années, depuis le début en fait. Il y pensait en embrassant d'autres filles. Et même avant cela, avec Justine, qui avait fini par le quitter après quatre ans de vie commune, le laissant fomenter dans une torpeur d'ivrogne des rêves de grandeur, de célébrité et de plénitude sexuelle, dont elle empêchait l'accomplissement.