Les « marches » connaissent un stade intermédiaire de pouvoir entre le roi et le comte. Installées aux périphéries de la terre des Francs, elles constituent des môles de surveillance des confins, des frontières, surtout lorsque les peuples les plus proches sont jugés dangereux. Marche de Frioul, de Bretagne, d’Espagne, regroupent ainsi plusieurs comtés gouvernés par plusieurs comtes dont l'un seulement a le titre de « praefectus limitis ». Le titulaire de la « praefectura » est appelé préfet, comte ou marquis (marchio), voire duc comme en Frioul lorsque la marche (marca) dont il a la charge est particulièrement organisée pour la guerre. Il a en effet des pouvoirs militaires, judiciaires qui font de lui un vice-roi dans une région donnée. Cependant la différence avec les rois mineurs ... est grande ; ce ne sont pas des fils du roi, et même lorsqu'ils sont de souche carolingienne comme Guillaume de Toulouse, ils sont assez loin du trône. De plus, et cela est essentiel, leur charge est temporaire.
2790 – [Que sais-je ? n° 471, p. 44]
Les chefs d'armée étaient les ducs, choisis parmi les comtes, qui (...) étaient réputés parfois aptes au commandement armé. La charge ducale ne durait que le temps d'une guerre, elle était temporaire, le comte reprenant, la paix revenue, l'ensemble de ses activités régionales au sein de son comté. Les fils du roi, Charles en Saxe, Pépin en Italie, et plus tard, Louis en Espagne, assurèrent le commandement général de certains corps d'armée ; le comte Thierry, parent du roi, également. Quant à Charlemagne, il conduisit lui-même son armée à l'assaut des Pyrénées en 778, de la Bavière en 785, de la Saxe en 784, 794, et 796.
2788 – [Que sais-je ? n° 471, p. 23]
La royauté léguée par Pépin (le Bref) à Charlemagne en 768 était non seulement franque et chrétienne comme celle des Mérovingiens, mais elle était aussi d'origine divine et romaine. Le pas essentiel a été franchi en 754 : le pape Étienne II, selon les enseignements de la pseudo-donation de Constantin, était muni de tous les pouvoirs impériaux et il en délégua une partie à la lignée Pippinides, ses « fils adoptifs » leur créant de ce fait des devoirs mais aussi des droits.
2786 – [Que sais-je ? n° 471, p. 14/15]
Charles a hérité, seul après la mort de Carloman, de la fabuleuse richesse des Pippinides. Les trésors en bijoux, pièces d'orfèvrerie et de monnaie, accumulés au cours des guerres comme butin puisque telle était la coutume, par la prise des dépouilles et l'exigence de rançons, faisaient l'admiration de tous et s'étaient trouvés accrus par la générosité des rois : l'on connaît la bataille que se livrèrent les héritiers de Pépin de Herstal autour de son trésor en 714, et il n'était pas encore aussi lourd que celui de Pépin Le Bref.
2787 – [Que sais-je ? n° 471, p.15]
(Charlemagne) a commencé par diviser en trois toutes les sommes et biens meubles qui, sous forme d'or, d'argent, de pierres précieuses ou d'ornements royaux, ont pu être trouvés à ce jour (en 811), comme il a été dit, dans sa chambre. Il en a intégralement réservé un tiers, puis a subdivisé les deux autres tiers en vingt et une parts, correspondant aux vingt et une cités métropolitaines, comprises, comme on le sait, dans son royaume, et il a décidé que remise devra être faite de chacune de ces vingt et une part à chacune des métropoles, par ses héritiers et amis, à titre d’aumône et que chacun des archevêques qui sera préposé au gouvernement des églises métropolitaines en prendra livraison... Les lots attribués aux vingt et une cités métropolitaines.... ont été mis séparément sous scellés et déposés dans son coffre avec l'indication, sur chacun d'eux, du nom de la cité à laquelle il devra être remis... Ce sont : Rome, Ravenne, Milan, Frioul, Grado, Cologne, Mayence Juvanum (Saltzbourg), Trèves, Sens, Besançon, Lyon, Rouen, Reims, Arles, Vienne, Tarentaise, Embrun, Bordeaux, Tours, Bourges (Eginhard, Vita Karoli, éd. L. Halphen (Testament de Charlemagne)).
2797 – [Que sais-je ? n° 471, p. 110/111]
Il y a ... l’entourage (familia), composé d'éléments disparates, tant dans leur attachement au roi (Pépin le Bossu, fils de Charlemagne, s'est révolté en 789) que dans leurs attributions et dans la fréquence de leurs séjours au palais (les comtes Thierry et Guillaume conduisent des armées en pays slave et musulman, l'abbé Angilbert a la responsabilité du monastère de Saint-Riquier). Chacun, par périodes, a été investi d'un pouvoir qui l'éloigne du palais ou bien remplit le rôle de conseiller palatin.
Cet ensemble appelé palais (palatium), a plusieurs résidences : Herstal, Cologne, Thionville, selon les besoins politique, les ressources, les loisirs du roi. En dehors des voyages transalpins qui ont Rome pour destinations, et des campagnes militaires qui attirent le palais aux confins du royaume, les résidences sont de préférence en Austrasie, au cœur de la puissance carolingienne.
2789 – [Que sais-je ? n° 471, p. 40]
L'Italie au VIIIe siècle était une mosaïque de peuples, de cultures, de zones de puissances, d'ambitions. L'Angleterre se présentait comme une nébuleuse de mouvances dans lesquelles trois royaumes plus forts que les autres s'unissaient et se déchiraient tout à tour. Quant à la Gaule mérovingienne, la lente agonie d'un lignage ébranlé par les partages prenait fin en 751 au milieu de remous aristocratiques. La Papauté eut beau tirer argument de la pseudo-donation de Constantin pour réunir dans les mains des papes les lambeaux du pouvoir impérial d'Occident, peine perdue : sa voix s’épuisait à demander de l'aide contre les Lombards, contre les Musulmans et parfois les Byzantins.
2765 – [Que sais-je ? n° 471, p. 5]
Si Byzance ne peut conférer l'Empire chrétien, Charlemagne considère peut-être qu'il faut regarder vers Rome.
En effet, depuis 754, les papes ont coutume de conduire des négociations, faire des traités avec les rois des Francs, en s'appuyant sur un texte que l'on est convenu d'appeler « pseudo-donation de Constantin ». L'authenticité du document importe moins que le poids que lui reconnurent les Carolingiens. L'empereur Constantin aurait remis, selon ce texte, la puissance impériale de l'Occident au pape Silvestre et à ses successeurs et « toutes les provinces, localités, cités d'Italie et des régions occidentales de l'Empire ». En vertu de ce document, Pépin le Bref et ses fils avaient reçu du pape le titre de patrices des Romains et Pépin avait promis de restaurer la puissance temporelle du pape. A la demande du peuple, le pape dépositaire des titres impériaux était donc en mesure de confier ces tires.
2793 – [Que sais-je ? n° 471, p. 72]
Du baptême au denier sacrement, de la messe solennelle au moindre office, tout fut revu, codifié, unifié par la volonté (de Charlemagne). Qualité, fréquence, destinataires des prières furent indiqués. Il contrôla le culte des reliques, des tombeaux de saint honorés dans des cryptes. Il favorisa le culte du Sauveur et demanda la prière permanente (laus perenis), ce qui entraîna la multiplication des autels. Les églises se modifièrent, s'agrandirent, se dotèrent de multiples chapelles, et parfois, à l'imitation de Saint-Pierre de Rome, tournèrent vers l'ouest leurs autels. Trois églises indiquent différents degrés de cette évolution ; Saint-Denis s'élargit d'un augmentum, Agaune présente deux chœurs de grandeur égale, Fulda se retourne vers l'ouest. La nouvelle liturgie a imprimé sa marque à l'architecture des édifices religieux.
2799 – [Que sais-je ? n° 471, p. 120]
(Charlemagne) arriva en Italie au mois de novembre 800, et, le 23 de ce même mois, le pape (Léon III) le rencontra, avec « les plus grands honneurs » à douze milles de Rome : c'était beaucoup plus que pour l'empereur byzantin lui-même. Il se passa un mois avant que ne se tienne l'assemblée du clergé destinée à écouter la défense que le pape fit sous forme de serment. L'assemblée s'étant réunie le 23 décembre, c'est deux jours plus tard que le pape, rétabli dans sa dignité, couronnait Charlemagne. Faut-il penser que le couronnement est lié aux malheurs pontificaux ? Certes, l’émeute (romaine) de 799 (contre la papauté) a atteint le prestige du pape qui tient désormais son siège des efforts de Charlemagne. Mais les Annales franques, de façon unanime, ne mettent pas cette circonstance en avant. En revanche, les Grecs semblent lui accorder une grande importance. Quelles que soient les circonstances, il est assuré que le pape a eu un rôle essentiel dans le couronnement de Charlemagne.
2796 – [Que sais-je ? n° 471, p. 76]