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Citations de Robert Marteau (48)


Le figuier, comme un serpent aztèque, s'emplume
  
  
  
  
Le figuier, comme un serpent aztèque, s'emplume
De vert, chaque jour plus, et plus dense brandit
Sous le ciel sa viridité. Contre la pierre,
Immobile, turgescent, il s'accroît, cloisonne

L'air qui flotte bleu comme un papillon de soie.
Et sa peau tendre ici et là incisée offre
Au toucher son grain teint de gris éteint qui
Pourtant varie au moindre écart de la lumière.

Enflés, déjà les fruits se nourrissent du lait
Que le soleil suce au sein de la terre noire.
Sous son écorce clos entièrement il porte

La nuit et pousse avec ses branches les étoiles ;
Se lave avant l'aube à la rosée, attentif
Au silence de la fructification.


            Vendredi 12 mai 2000
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Les lactaires qui font aux gouttes des fontaines



Les lactaires qui font aux gouttes des fontaines
Ne prêtent dans l'herbe l'oreille
À rien qui ressemble à de faux bruits.

Les ivrognes ne voient pas si c'est le jour ou la nuit. Ils titubent de planète en planète, sans aucun soleil ni vin, avec l'alcool seul qui les givre et leur fait convoiter la flamme qu'entretiennent au fond de l'antre des vestales flétries, vêtues d'un tablier de cuisine et de jarretelles.

Je suis entré dans le plat pays des rouches. Au bord du chenal le vent chavire une volée de chardonnerets. Les voici maintenant sur les cardères qu'ils enflamment un instant de leurs plumes. À Champagné-les-Marais j'ai demandé si on connaissait la montagne des Coquilles. Oui, ça se situe à gauche avant d'entrer dans Saint-Michel-en-l'Herm, au lieu-dit La Dune. J'aperçois en effet un tertre, derrière une ferme, au bout d'une usine désaffectée. J'enfile un chemin autrefois empierré, lequel, selon mon estimation, me conduira au but. Je franchis la clôture. Le vent me pousse dans les narines une odeur de fermentation. Le vent remue des tôles, agite et tourmente un long tuyau rouillé qui pend. Le monticule est fait d'une sorte de sable ocre rosé, gars, humide, légèrement boueux. Je m'en retourne. Un vol de mouettes s'enlève au ras du labour, puis se pose en un mouvement si pur qu'on le dirait dessiné par un chorégraphe.


Vendredi 6 novembre
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Le grand ciel que je voyais



Le grand ciel que je voyais en éventail gris de Goya s'éployer hier au soir au-dessus de la plaine du Poitou, il est fait aujourd'hui de festons et de bourrelets. Deux hommes armés de fusil écoutent leurs chiens de chasse brailler loin et par intermittence dans l'épais des bois. Comme je prends par le travers, le lièvre qu'ils poursuivent coupe le layon, et dans le houx j'aperçois le retroussis blanc de sa queue alors que les roitelets tout autour égrènent de frêles épis dans l'ultime clarté.

Des fenêtres trouent l'ouest.
Mer et forêt se mélangent.
Des arpents de nuit
S'affaissent sur nous.


Forêt de Chizé, mercredi 28 octobre 1981
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Clignant de ses vertes paupières



Clignant de ses vertes paupières
l'étoile porteuse de clefs
défait les toitures entières
par nos fronts tant de fois foulés

À la fenêtre de l'eau claire
où nos mains se sont acharnées
le printemps refleurit le lierre
ou la corde à nos cous coupés

Quel est le rêve des rivières
le souci frêle de l'été
Trop de secrets nous marièrent
nos bouquets là se sont fanés
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BARQUES SUR LA BOUE



Barques sur la boue. Un vol de foulques s'enlève et froisse l'air. Les bouchots font des encres noires. Il y a des trous d'eau, et les tamaris un peu partout s'y reflètent. Une rampe de calcaire s'élance seule au-dessus de l'herm où le vent racle. L'anse de la mer cligne de pelletées de paillettes. L'île dérive au loin bien qu'accrochée à des grues et à des palans.
Les grues cendrées vont sur le vert. Les émouchets s'enlèvent et plongent. Le monde est lisse comme une pomme.
Les flocons de laine frissonnent aux barbelés. Jusqu'à l'horizon les canaux rectilignes captent tout ce qui tremble.
Vaches et vanneaux. Entre les brindilles, le village. Il y a l'ocre des tuiles, le clocher en prisme droit, et à gauche les cyprès sur le coteau de calcaire.                                                          

Marsais, mardi 10
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Gagne l’ombre…



Gagne l’ombre, amasse les brins.
Où on a poussé la tuile et le plâtras,
où l’ortie vient et l’ombellifère
avec la saccade des deux-temps,
avec la tonte des pelouses,
attendez. Le chien rôde
et la piscine frissonne. C’est la fin
et c’est la fenaison.

p.16
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Comme bouvine …



Comme bouvine qu’on abat,
les trains beuglent aux limites,
et silencieux ceux-là vont
au gré des morts sous la neige.


p.16
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Là-bas



extrait 2

O pays de tristesse où la tourbe mûrit,
Tu saignes lentement comme un faisceau d’entrailles,
Ou bien comme un oiseau que le vent a cassé.


La lune des marées se lève sur nos cœurs,
Lèche les peupliers. C’est l’ouest, là-bas, dans l’herbe
Que le vent couche ; et voilà que l’osier en gerbe
Rougit, et le frelon s’enfonce dans la fleur
Du tournesol. On a mis à l’abri les herses.
Le roulage du fumier change la couleur
Des chaumes. Les corbeaux s’emparent des hauteurs.
La dernière alouette encore se renverse
En haut du ciel – (en vain). Les blés deviennent bleus
Dans la pelle du vitrioleur. On voit des feux
De bergères. Flocons, qui ne sont de neige,
Mais bourre le gibier, tortils que désagrège
L’eau, pendent aux buissons. Les feuilles de maïs
Se courbent vers le sol, s’enroulent et pourrissent.
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Là-bas



extrait 1

L’horloge sur des tas de coquilles décalque
Le temps. Le foin bleuit. Nous allons vers la mer
Et soudain il n’y a plus d’arbres mais des bœufs
Qui tirent des chariots de varech sur le sable.

Une bande d’étourneaux s’égrène dans les vignes.
Un cri comme une noix ! Des touffes de méduses
(Leur ventre violet éclate sous le fer)
À la crête du flux font d’énormes rosées

De pleurs et de poisons. La carcasse d’un chien
(Les crabes ont mangé la viande), cage d’os
Ensablée, oscille au rythme de la marée.
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Yves est mort. Il fut l'enfant, je m'en souviens,
Que poursuivait le jars de grand-mère Eugénie.
C'était le temps de la vendange et du raisin
Foulé, après celui de la machine à battre
Et des pêches de vigne en tas dans le baquet ;
Après le temps aussi des prunes violettes
Qui allaient servir à faire la confiture.
11 était devenu maître d'école à ChefBoulonne en même temps qu'il était secrétaire
De mairie. Et il allait avec son beau-père
Pêcher le brochet à Ville des Eaux, à Saint
Pierre de l'Isle sans trop se préoccuper
De son église romane. Il était un fils
Unique, seul enfant, de Georges et de Marie.

(Samedi 11 août 2001)
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Chaque toile que l'araignée a tendue entre
Deux brins d'herbe est un univers en même temps
Qu'une cosmologie. Y peut lire aussi bien
L'analphabète son destin que le lettré,
Car les signes écrits dès le commencement
N'ont pas été réservés aux maîtres d'école.
Tout ce qu'on voit du monde est là résumé, plus
Ce que l'invisible en cache aux yeux trop humains
Pour qu'ils puissent porter au-delà du regard.
D'un seul fil tout y est fait ; et le ciel, et l'eau,
Comme l'air transparent, comme les galaxies,
Comme la terre d'un peu loin imperceptible.
L'octopode où est-il ? Ariane où est-elle ?
En perdant le secret se seraient-ils perdus ?

(Vendredi 10 août 2001)
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On scie en bas les épicéas qui répandent
Leur parfum de résine et parfument ainsi
La brume en lambeaux qui se meuvent sur les pentes,
S'y accrochent et s'y déchirent ; mais persistent
Pourtant, par la métamorphose emplumant l'eau
Qui court et les sommets que les arbres debout
Verdissent. Hommes et moteurs cachés au fond
De la forêt où les bêtes se cachent font
Tout ce bruit que vous entendez : un arbre craque
Et se fracasse en tombant. Les oiseaux se taisent ;
Le chevreuil se garde éveillé ; le sanglier
Retient son souffle. Seul peut-être le pic noir
Se tient à l'ouvrage auscultant de bec l'écorce,
Encore au vacarme accordant son staccato.

(Vendredi 10 août 2001)
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Pourquoi la bruyère a-t-elle été si longtemps
Fleur de prédilection pour tant de poètes ?
La question me vient à l'esprit la voyant
Sous la fougère et les ajoncs orner la lande
Et l'éclaircir de ses perles que multiplie
La pluie ou la rosée. Elle dit par le mauve
Qui la teint le déclin du soleil et sa course
Raccourcie un peu plus chaque jour. Elle n'a
Donc pas la même mission que l'ancolie
Dont le tintinnabulement bleu glorifie
L'ascension. Mais à l'heure dite elle est là
Par ses couleurs transmettent le message à la
Terre qu'ont épuisée encore une fois fruits,
Fourrage, moissons et autres extorsions

(Jeudi 9 août 2001)
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Toutes les forêts sont des cathédrales faites
De fûts, d'ogives, multipliant les verrières
Que le soleil prend pour piège où le ciel s'éprend
De la viridité partout érigée où
Les chants volatils même au solstice d'en bas
Célèbrent ce qui est en haut perpétuelle
Lumière, intelligence inséminatrice, ordre
Spirituel où la matière délivrée
Se constitue en hiérarchie indivise
Que figurerait assez bien l'arborescence ;
Où, comme on dit, charbonnier est maître chez lui,
Préposé qu'il est aux coctions, aux fumées
Qui ne s'échappent pas sans qu'un feu les suscite,
Mais volutes déjà qui signent nos destins.

(Mercredi 8 août 2001)
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Monts et châteaux : l'âme aujourd'hui atrophiée
Encore toutefois les choisit pour le bond
Car l'exercice fait défaut, et la jachère,
Et l'usine et la déchetterie, à l'esprit
N'offrent de l'éternité qu'une image aride,
Souvent repeinte par les démons mal cachés
Dans les replis de la raison arraisonnée.
On l'a dit : Levez-vous ; élevez votre cœur
Au-dessus du combat sans merci quasiment
Que les hommes de colère et courage sont
Venus livrer sous Ilion, car c'est sans armes,
Les saints martyrs qu'ils ont combattus sur le sable,
Et c'est par leur mort qu'ils ont conquis la cité
Sainte, vainqueur sans qu'aucune offense fût faite.

(Mardi 1 août 2001)
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La forêt ogivale est debout entre terre
Et ciel. Les chantres, les chœurs et l'es coryphées
Exaltent par la voix solitude et silence.
Par les verrières la lumière alterne avec
L'ombre et les couleurs. Rien de la Création
Qui soit mis de côté à l'écart, oublié
Dans la chaîne d'or qu'est l'évolution. L'ange
Du commencement veille au retour de ceux-là
Que la chute a précipités quasiment hors
De l'échelle. La vocation sur les cimes
Tire le mendiant qui n'a d'autre exercice
Que le chant et la prière accordés en toute
Saison aux éléments impollués : le feu
Des étoiles, l'air et les eaux supérieures.

(Mardi 7 août 2001)
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Ce fracas que font dans l'air les oiseaux : pics, pies,
Geais et autres tracasseries : c'est aussi musique ;
Et ce sont des accords ; des rimes concassées
Des assonances ; des discordances ; un chant,
Une vocalise et. une vocation ;
Une bacchanale et l'écho que répercute
Le domaine forestier où l'ombre assoupit
La faune, cache la flore, dérobe l'eau
À l'agriculture et la laisse s'enfuir vers
La mer. Rien sans eux et sans cela ne serait
Venu à l'esprit ni sur le papier en notes
Qui sont écrites noir sur blanc et par le souffle
Et la main à travers les instruments jouées
Comme si chacune allait rejoindre la source.

(Lundi 6 août 2001)
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Les rainettes que Bêla Bartok aimait tant,
Ce sont elles en chœur que tu entends chanter,
Batraciens mais avant tout musiciennes
Dont chaque note est. une étoile de rosée
Qui entre l'herbe et la lune éclôt en lumière
Sonore. Mais oui, la musique se résume
À quelque bruit qu'émet sur terre la nature.
Et les meilleurs parmi ceux qui ont composé
Ne sont pas allés chercher ailleurs la magie,
Rainettes qui ourlez l'ombre de vos accords
Vous avez fixé mon pas et je vous écoute,
Distillatrices sans alambic goutte à goutte
Du peu de jour que vous mélangez à la nuit
Là au bord de l'abîme où chaque son résonne.

(Samedi 4 août 2001)
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Je me suis depuis longtemps interroge, et toujours m' interroge, sur la
fortune du sonnet, me demandant encore aujourd'hui s'il ne concrétisait
pas l'espace maximum et la quantité maximale où pouvait sans absence
se concentrer l'attention. Je me surprends, écrivant cela, à penser que
les brefs poèmes d'Emily Dickinson tiendraient leur origine du même
constat, eux-mêmes étant des sonnets particulièrement concentrés. C'est
peut-être en obéissant à cette observation que peu à peu, soumis à la
flexion de la phrase, je me suis mis à recueillir au cours de mes marches,
écrivant ainsi avec les pieds, comptant ce qui m'était conté, l'impromptu
événement ; indifférent à toute hiérarchie, vérifiant de la sorte qu'il n'était
rien qui fût insignifiant, l'infinité des signes jamais n'épuisant, ou ne
comblant, ou n'expliquant le possible. Je constatais en même temps que
le sonnet était d'abord une grille vide de 68 (12X4) cases qu'il s'agissait de
remplir, mais de telle manière que l'artifice menât au naturel, employant ce
vocable dans le sens tauromachique, art dans lequel le pose natural, c'està-dire la naturelle, est la passe la plus belle, mais la plus difficile à réaliser
et à tenir à cause de sa simplicité même, passe que le torero droitier réalise
avec le poignet et la main gauches, passe qui est tout sauf spectaculaire,
mais d'où émane, quand elle est réussie, soit insensiblement reconduite en
sa lenteur, cette musique inaccessible que faute de mieux nous nommons
le silence silence habité s'il est, comme sont habitées les deux Solitudes
de Gongora. Me vient à l'esprit que les dizains de \a Délie sont eux aussi des
sonnets réduits à dessein pour que la mémoire s'exerce mieux, l'attention
ayant pu être mieux soutenue. Me vient encore à l'esprit qu'un danger qui
se présente réside en ce que le sonnet sonne trop. Ce serait, le cas chez José
Maria de Hérédia ; mais non pas dans celui, fameux, que Jodelle a consacré
à Diane chasseresse et qui pourtant est éminemment sonore : quelque
chose comme une fanfare de cors de chasse dans les baliveaux par un
soir de février. Je n'en dirais pas plus, parce que je boucle ainsi la boucle,
retrouvant par ce détour le petit écolier qui suivait à pied, avec son frère
et un camarade, dans la forêt nue et mauve, la chasse à courre, si jamais le
sort avait voulu qu'elle déroulât ses fastes en ce jour de congé qu'était alors
le jeudi.
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Depuis le temps où les pâtres d'Italie, enfants analphabètes, jouaient
à s'échanger des jeux de mots et d'amour, objets d'inanité sonore, le sonnet
saisi en sa vive improvisation allait passer entre les mains savantes des lettrés
et connaître en Occident le succès que dut avoir ailleurs le haïkaï. 11 était à
l'origine beaucoup plus bref qu'il ne l'est en sa forme littéraire, car il n'était
d'abord jamais écrit, mais soudainement composé, écho répondant à celui
qui l'avait provoqué. Rimes, assonances, chocs, contre-chocs de consonnes,
musiques de voyelles, tout était mis en œuvre pour que ça sonne, comme
on l'entend aussi bien dans la poésie scaldique du INord, constatant par
la même occasion que les langues primitives non écrites, ou tardivement,
s'enjouaient à se jouer des sonorités, des effets, claquements, heurts, éclats,
le sens chez les plus doués — pâtres ou scaldes — prenant source dans le
son, s'y vivifiaient par maints tours de passe-passe, inventions, trouvailles et
trouveries, métamorphoses, ruptures, artifices pour déjouer l'attendu, tenir
en éveil, alerter l'esprit, saler l'amour, ou bientôt le laurer comme Pétrarque
au mont Ventoux, et en faire par un jeu savant un bijou précieux, même un
complexe coffret à musique, belle ouvrage en laquelle s'illustreront Luis de
Gongoray Argote, William Shakespeare, une multitude de poètes baroques,
édifice sans fin qu'ornera encore Gérard de Nerval avec le « Desdichado »,
puis son héritier en hermétisme, Arthur Rimbaud, compositeur des
« Voyelles », bien entendu sans oublier l'orfèvre en abîme que voulut être
Stéphane Mallarmé.
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