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Citations de Robert Marteau (48)


Le pays paisible écoute, attentif à chaque
Instant de silence: un papillon une feuille
Qui bat à chaque souffle en sont la signature.
L’envol des geais dans les hauteurs ne laisse
Aucune trace. Ni plus ni moins bleu le ciel
Apparaît par les puits de lumière. Un troupeau
De taures et de taurillons aux robes rousses
Se meut dans la combe. À l’intérieur du bois
D’épicéas la vocifération d’une
Tronçonneuse ne suffit pas à détourner
L’aile qui palpe l’air en fuyant. Le fracas
D’un arbre qu’il abat rappelle au bûcheron
Que Socrate est mortel, que seul est immuable
Inamovible l’aspiration des âmes.
(Lundi 25 août 2003.)
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L’amour des choses, je crois qu’il n’est en personne présent comme en Chardin. Mais c'est à les dire en peinture, ces choses, qu’a porté tout l’effort. Leur sonorité silencieuse, il l’accueille et la transmet. Je me suis pris de passion pour une pomme. Comment le peintre a drossé d’un vert cru la brune matité du fruit, cela m’arrête d’abord, et si je m’éloigne il faut que je revienne tant cet accent insolite en moi s’insinue pour me persuader que l’illusoire édifice tient tout à une marque d’apparence si désinvolte. Il ne faut pas s’y tromper : l’approche patiente, la caresse ne contraignent Chardin à aucune mièvrerie, ni ne le mènent à des fadeurs qui le feraient paraître faible face à des expressions plus voyantes. Plutôt qu’à l’expansion il donne l’avantage à l’énergie contenue. Au lieu d’épandre, il condense ; au lieu de rayonner, il irradie. (…) Il abolit l’idée au profit du secret qu’il choisit de faire voir dans les choses usuelles. p 54
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[A propos de Madame Eugène Félix Lecourtois, première femme de l'artiste- de Jean-François Millet- Musée d'Orsay]

On est devant l'ouvrage entre hébétement et béatitude. Ce que l'oeil ausculte, regarde et voit; ce que l'esprit interprète ne rend pas compte. Ne pas s'énerver. S'abandonner. Consentir à l'éviction de la volonté. Il suffit d'admirer selon notre faculté d'admiration; selon le don d'admiration qu'il nous fut offert de développer par patient recours à la longue mémoire charnelle, génésique, oblitérée par les agaceries de la vie sociale, de l'inquiétude pour le pain quotidien, le maintien de la santé, le toit sur la tête. (p. 146)
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Les Glaneuses ne sont pas non plus au Louvre : elles sont là devant moi, au musée d'Orsay. Un verre les protège qui empêche de les voir telles qu'elles sont. Le verre atténue la tactilité de l'oeil. (...)Ce qui est beau, c'est qu'il n'y a aucun effet, aucun discours, aucune revendication, aucune colère non plus qu'aucune résignation. (...)
Millet, c'est l'élévation de l'âme; les pleurs retenus; l'héroïque grandeur vêtue de pauvreté. (p. 148-149)
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Vanité que vouloir changer le monde. Le monde change à son heure, malgré ceux qui veulent le changer.
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Cela dit, hommage à Hondius (Abraham), 1638-1691, qui d'un beau pinceau inspiré autant que volatil a peint son -Marchand de pigeons- : c'est brun, c'est vert; le blanc s'envole ou se coagule; le noir de la nuit sans étoiles laisse traîner ici et là des lambeaux: et c'est un jabot, et c'est un amas de plis, une aisselle, un chapeau. Et l'homme: un seigneur, un initié, au visage noble pétri dans la plus forte argile. (p. 35)
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Louis Tocqué naquit à Paris en 1696 où il décéda en 1772. La toile qui m'arrête a été peinte en 1711. C'est le portrait d'un autre peintre, Louis Galloche. (...)
Un couple d'amoureux a pris naissance sur ladite toile, laquelle un moment le peintre a délaissée pour la pose que lui demandait son ami. (...)
Bien entendu les mots ne peuvent qu'admettre leur impuissance à rendre compte de ce que les yeux voient, de même que ce qui est peint est impuissant à énoncer, dire, philosopher, Dieu merci ! et que la musique ne peut être traduite en aucune langue, en même temps, comme je le dis et le répète, qu'aucun art ne serait vu ni entendu sans le don primordial, premerain, de la parole: Logos, Verbe, d'abord, avant tout, au commencement de l'infini. (p. 49-50)
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Là-bas perdre sa graisse moite...
Lozère tu n'as pas de fleurs :
Abattre le dernier oiseau

Et t'en faire un bouquet!

Lozère
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Un émerveillement de lumière compose en couleurs Les Mendiants (1568) de Brueghel l’Ancien. S’il y eut cour des miracles c’est bien là qu’elle se tient. Tant de misère, d’abomination d’un coup transfigurées par le pinceau en une pièce musicale verte et blanche, et brun et rouge, et le ciel est très loin dans la trouée de quelques branches, au fond d’une enfilade de mures en briques là-bas, derrière une muraille percée d’une ouverture voûtée.
Abominable contradiction : avoir fait de ce coin d’enfer un paradis pour l’oeil.
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Comme bouvine …



Comme bouvine qu’on abat,
les trains beuglent aux limites,
et silencieux ceux-là vont
au gré des morts sous la neige.


p.16
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Voilà les crocus, et voilà que les jonquilles
S’accordent au soleil comme à la plume noire.
Il y a des soulèvement d’ailes, aux branches
Des folioles. Jardinier au jardin, rouge-
Gorge sur l’arbre tous deux obéissent à
La saison, comptent sur l’écliptique les pas.
Le cheval frémit, ouvre au vent ses naseaux: la
Mythologie à nouveau s’empare des sens
Et l’homme veut à lui-même mourir en vue
De renaître purifié par l’eau lustrale.
Ainsi va le monde tel qu’il nous est offert
Où chacun est pour l’autre et lui-même un mystère
Où chacun marche pour obéir à la Voie
Et derrière la courbure accéder aux sources.
(Mardi 11 mars 2003.)
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Là-bas



extrait 2

O pays de tristesse où la tourbe mûrit,
Tu saignes lentement comme un faisceau d’entrailles,
Ou bien comme un oiseau que le vent a cassé.


La lune des marées se lève sur nos cœurs,
Lèche les peupliers. C’est l’ouest, là-bas, dans l’herbe
Que le vent couche ; et voilà que l’osier en gerbe
Rougit, et le frelon s’enfonce dans la fleur
Du tournesol. On a mis à l’abri les herses.
Le roulage du fumier change la couleur
Des chaumes. Les corbeaux s’emparent des hauteurs.
La dernière alouette encore se renverse
En haut du ciel – (en vain). Les blés deviennent bleus
Dans la pelle du vitrioleur. On voit des feux
De bergères. Flocons, qui ne sont de neige,
Mais bourre le gibier, tortils que désagrège
L’eau, pendent aux buissons. Les feuilles de maïs
Se courbent vers le sol, s’enroulent et pourrissent.
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Dieu merci ! Je ne me souvenais pas de ce -Rosny, Vue du village au printemps, 1839- Il y a du Bonnard avant la lettre, celui de l'amandier en fleur, celui des carnets de dessin. C'est extrêmement simple. (...)
L'ouvrage de l'homme encore s'inscrit de soi-même dans la nature elle-même accompagnée par la main et l'outil. Et l'ouvrage de Corot à son tour s'accorde au rythme et le restitue. On voit, on écoute, on touche. Tout va de soi, sans dénoter le moindre effort; la moindre recherche,; car tout est donné, apparemment. C'est une prière sans parole émanée de l'âme, que le pinceau met en couleur. (p. 128)
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Et je m’arrête encore happé, face au Herengracht d’Amsterdam de Jan van der Heyden; toile petite, mais pleine comme un oeuf où la brique et le bois, le fret, la frondaison se mêlent à l’eau , s’en éclairant, empanachés de nuages voyageurs qui ont scrupule à s’emparer de tout le bleu.
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BARQUES SUR LA BOUE



Barques sur la boue. Un vol de foulques s'enlève et froisse l'air. Les bouchots font des encres noires. Il y a des trous d'eau, et les tamaris un peu partout s'y reflètent. Une rampe de calcaire s'élance seule au-dessus de l'herm où le vent racle. L'anse de la mer cligne de pelletées de paillettes. L'île dérive au loin bien qu'accrochée à des grues et à des palans.
Les grues cendrées vont sur le vert. Les émouchets s'enlèvent et plongent. Le monde est lisse comme une pomme.
Les flocons de laine frissonnent aux barbelés. Jusqu'à l'horizon les canaux rectilignes captent tout ce qui tremble.
Vaches et vanneaux. Entre les brindilles, le village. Il y a l'ocre des tuiles, le clocher en prisme droit, et à gauche les cyprès sur le coteau de calcaire.                                                          

Marsais, mardi 10
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Ne fais pas de ta vie un désert…


Ne fais pas de ta vie un désert. N’en expulse
Ni Dieu ni les divins qui t’ont permis de vivre
Un peu plus qu’un instant ici même où tu es
Sans que tu saches la raison. Entre les herbes,
Le ruisseau brille et nous murmure quelque chose
Que nous ne comprenons pas, bien que le chant, comme
L’eau, en soit clair. Pas plus, tu ne déchiffres l’A
B C que la buse épelle en miaulant sur
Son erre, ni le jaune intense des crépides
Face au soleil tout-puissant que les oiseaux noirs,
Haut perchés sur le coteau, acclament. Le vent,
Le perpétuel, quant à lui, propage à notre
Insu, se mêlant aux peupliers, les parties
Du discours qui nous font amèrement défaut .

Auchy, mercredi 18 Août 1993
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Brindilles au ciel…


Brindilles au ciel, je m’imagine qu’un homme
Pourrait, chaque jour, attentif à cela seul,
L’arbre, consacrer à sa croissance sa vie,
Acquiesçant, acquérant par ce soin assidu
Connaissance autre contre quelconque désir
De savoir ; qu’il comprendrait, livré à la joie,
Par superstition l’envers vide où plus rien
Ne résiste à être identifié par qui
Ne prononce pas en vain le nom ; connaîtrait,
Voué en pure perte au temps, l’accès, non qu’il
Voulût, s’étant défait de tout gain, gagner Dieu
Sait quoi ; grain à grain, conduirait sa route nulle,
Sans marques, à la source au moins de la mémoire ;
Y ferait de bois neuf la flûte, non la croix.
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Ce qui fait un tableau, ce qui fait un poème, ce qu'on est convenu d'appeler une -oeuvre d'art-, tient à moins que rien : à seulement ce petit instant, ce petit coup de magie impondérable, insaisissable, trop subtil pour qu'il tombe sous aucun sens; mais qui se signale subrepticement, à l'improviste, à côté duquel on pouvait passer, dont ignorent la présence- mieux , le présent-d'innombrables promeneurs, flâneurs, spectateurs, contemplateurs même. (p. 7)
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J'aime les jardins quand ils sont silencieux,
Éventuellement décorés d'une rose
Ou d'un merle en dessous du laurier ; quand les hêtres
Deviennent roux et les bouleaux dorés. Ne dites

Pas ce qu'à vos yeux sont la nature et l'esprit ;
Écoutez le silence où se fait la musique
Sans prétendre y figurer vos impressions.
Entre nous et le ciel il y a les nuages,

La plume de ceux qui volent sous les étoiles
Se nourrissant des saisons du soleil. Nos pas
Ne laissent pas d'empreinte où nous posons le pied,

Tel est le propos des muses qui ont laissé
Derrière elles un vide inoccupé que rien
Plus ne convoite à l'heure où la lumière tombe.

                 Samedi 18 novembre 2006.
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Le figuier, comme un serpent aztèque, s'emplume
  
  
  
  
Le figuier, comme un serpent aztèque, s'emplume
De vert, chaque jour plus, et plus dense brandit
Sous le ciel sa viridité. Contre la pierre,
Immobile, turgescent, il s'accroît, cloisonne

L'air qui flotte bleu comme un papillon de soie.
Et sa peau tendre ici et là incisée offre
Au toucher son grain teint de gris éteint qui
Pourtant varie au moindre écart de la lumière.

Enflés, déjà les fruits se nourrissent du lait
Que le soleil suce au sein de la terre noire.
Sous son écorce clos entièrement il porte

La nuit et pousse avec ses branches les étoiles ;
Se lave avant l'aube à la rosée, attentif
Au silence de la fructification.


            Vendredi 12 mai 2000
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