Croire, c'est la pente de toute âme. Douter n'est-ce point croire à trop de choses ?
L'homme est un animal déificateur. — La terreur de l'orang-outang au sifflement du serpent est à l'origine de ces cultes ophiolâtres qui paraissent les aînés de tous et qui se retrouvent sous tant de latitudes. Depuis, polythéisme, panthéisme ont tour à tour enfermé la divinité dans la nature et la nature dans la divinité. L'émotion humaine à la plus haute tension devient, automatiquement pour ainsi dire, religieuse. Dieu est un mode nécessaire et ultime du sentiment (Renan a dit qu'il n'était pas, mais qu'il serait) « L'évolution créatrice, dit Bergson, implique la même espérance. »
SOLITUDE.
Fuis l'envieuse paix des foyers et les seuils
Par dessus quels l'amour lève les fiancées,
Et, suivant le chemin de tes propres pensées.
Va-t'en de solitude enivrer tes orgueils.
Le couchant te suivra de ses ombres versées
Du haut des noirs clochers où sonnèrent tes deuils ;
Plonge à la douce nuit et ris aux bons accueils
Qui t'attendent au bord de tes douleurs passées.
Soit que l'exil te plaise au sein des foules sombres.
Ou qu'au désert prodigue en augustes décombres,
Un sein comme le tien libre à jamais du Vœu ,
A ses marbres blessés endorme ta sagesse.
Va ! Toute force est là loin de toute tendresse
Et le doigt levé du Silence montre Dieu.
Belle reine des temps nouveaux, ô fleur logique
En qui s'épanouit le féminin fiévreux,
Tu saignes, en beauté dans le pampre bachique
Qui ceint selon tes vœux le front de l'amoureux.
Sous la fatalité de la laideur tragique,
Du jour, de l'acte et l'homme, en un dégoût affreux,
Exécute avec toi d'une balle anarchique
L'avenir ployé dans ton ventre douloureux.
Quel destin s'immola dans le germe homicide,
Qui pesait à ce flanc de palpiter avide ?
Quel vouloir effrayant à toi-même inconnu
Renia dans ta mort la lumière prochaine ?
Ou le sein de la femme est-il donc devenu
Un gîte si peu sûr pour l'Espérance humaine
A la fin du IIe acte de la Marie-Madeleine de M. Maeterlinck, Lazare ressuscité, mais plus qu'à demi cadavre encore, blême et titubant dans l'entrave des bandelettes, comme le condamné qui polke vers le couteau, vient chercher Madeleine de la part du Maître. Et la courtisane le suit, tête basse, sans prendre le temps de nouer ses cheveux ni de défaire ses colliers.
L'image est belle. L'amour et la beauté, parés de leur harnois, sur les pas de la mort, font une juste allégorie du christianisme.
A quoi tout cela revient-il ? A nous conformer à la folie qu'est la vie. Mais cette folie n'est que raison secrète, elle n'a que les apparences de la folie. L'histoire de l'humanité, c'est l'effort de l'homme à démêler la raison obscure de cette déraison, à comprendre ce dessein supérieur et caché de l'espèce, dessein dont l'ignorance est le principe de toutes les inadaptations et de tous les maux de l'individu.
L'avenir est aux mobiles ! Dût une vague de laideur et de barbarie noyer notre société (le socialisme ouvrier), quelques cellules privilégiées sauveront son rêve et le message qu'elle porte à l'avenir. Un tel prodige se peut dans l'humanité d'aujourd'hui, où quelques idées de droit, de conscience, de noblesse communes forment une patrie au-dessus des patries et par delà les frontières.
La Science a failli à nous renseigner sur l'essence des êtres et des lois — au moins elle n'y prétendit point et reconnaît l'Inconnaissable. Elle reconnaît aussi les droits de l'inconsciente et universelle prière qui s'élève de tous les coeurs et de toutes les lèvres vers une ardeur, une plénitude, un quidquid divinum. C'est en la Beauté qu'il se manifeste.
La pensée humaine s'éveille du long sommeil et des songes troubles de l'ascétisme. Depuis cent ans, les dogmes ont subi l'assaut des idées; à présent, c'est la citadelle de l'antique morale qui cède devant celles qu'accompagnent les instincts fraternels et délivrés.
Notre amour fou d'orgueil et de rébellions
Luttait par nos bras nus, criait par notre bouche,
Murant nos désespoirs dans l'étreinte farouche
De plaisirs échangés comme des talions