L'homme est un animal déificateur. — La terreur de l'orang-outang au sifflement du serpent est à l'origine de ces cultes ophiolâtres qui paraissent les aînés de tous et qui se retrouvent sous tant de latitudes. Depuis, polythéisme, panthéisme ont tour à tour enfermé la divinité dans la nature et la nature dans la divinité. L'émotion humaine à la plus haute tension devient, automatiquement pour ainsi dire, religieuse. Dieu est un mode nécessaire et ultime du sentiment (Renan a dit qu'il n'était pas, mais qu'il serait) « L'évolution créatrice, dit Bergson, implique la même espérance. »
Croire, c'est la pente de toute âme. Douter n'est-ce point croire à trop de choses ?
A la fin du IIe acte de la Marie-Madeleine de M. Maeterlinck, Lazare ressuscité, mais plus qu'à demi cadavre encore, blême et titubant dans l'entrave des bandelettes, comme le condamné qui polke vers le couteau, vient chercher Madeleine de la part du Maître. Et la courtisane le suit, tête basse, sans prendre le temps de nouer ses cheveux ni de défaire ses colliers.
L'image est belle. L'amour et la beauté, parés de leur harnois, sur les pas de la mort, font une juste allégorie du christianisme.
A quoi tout cela revient-il ? A nous conformer à la folie qu'est la vie. Mais cette folie n'est que raison secrète, elle n'a que les apparences de la folie. L'histoire de l'humanité, c'est l'effort de l'homme à démêler la raison obscure de cette déraison, à comprendre ce dessein supérieur et caché de l'espèce, dessein dont l'ignorance est le principe de toutes les inadaptations et de tous les maux de l'individu.
L'avenir est aux mobiles ! Dût une vague de laideur et de barbarie noyer notre société (le socialisme ouvrier), quelques cellules privilégiées sauveront son rêve et le message qu'elle porte à l'avenir. Un tel prodige se peut dans l'humanité d'aujourd'hui, où quelques idées de droit, de conscience, de noblesse communes forment une patrie au-dessus des patries et par delà les frontières.