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Critiques de Rose-Marie Lagrave (10)
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Se ressaisir

Le titre parle de lui-même : désormais âgée de 76 ans, à la retraite, Rose-Marie Lagrave, sociologue et directrice d’études à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), raconte son existence selon plusieurs points de vue sociologiques, d’abord celui de transfuge de classe, finalement assez courant, de Pierre Bourdieu en passant par Didier Eribon ou Edouard Louis plus récemment, mais aussi, et ce qui est beaucoup moins commun, celui de transfuge de classe féministe – les femmes étant d’ailleurs bien moins nombreuses à avoir raconté leur expérience de transfuge, mais l’on peut tout de même citer Annie Ernaux -. Elle va ainsi, de son enfance jusqu’aux derniers temps d’avant publication, se raconter, et finalement raconter, comme le font bien souvent les sociologues, la société qui l’entoure en s’appuyant notamment sur son expérience, ici pour mieux déconstruire les stéréotypes existant sur les transfuges de classe, et plus généralement sur le concept de méritocratie devenu un peu trop prégnant dans notre société. Pour ce faire, elle va remonter dans les archives familiales disponibles, dans les souvenirs des membres de sa famille toujours en vie, dans ses propres souvenirs, dans ses connaissances diverses et variées également, pour faire de son autobiographie un véritable travail d’enquête et de recherches sociologiques.



Issue d’une famille nombreuse, imprégnée de religion catholique, elle va, au même titre que la majorité de ses frères et sœurs, pouvoir se rendre au lycée, ce qui n’est pas donné à tous à l’époque, surtout pas lorsque l’on fait partie d’une famille sans le sou qui vit dans la Normandie rurale. La raison principale de cette réussite est l’accès aux bourses, qui va leur permettre de s’épanouir dans le milieu scolaire, et pour Rose-Marie de pouvoir étudier à la Sorbonne, jusqu’à ensuite, bien plus tard, en suivant un cheminement professionnel tortueux, devenir directrice d’études à l’EHESS. Selon ses analyses – que je schématise ici, difficile de résumer une enquête aussi riche -, qui essaiment la narration des évènements fondateurs de sa vie, c’est parce que l’Etat a finalement servi de levier à la majorité des enfants de la famille pour qu’ils puissent faire des études longues qu’ils ont réussi, plus qu’en rapport avec un quelconque mérite, ce qu’elle démontrera au fur et à mesure, dénonçant et démontant ainsi l’image que l’on se fait habituellement des transfuges de classe. De même, elle dénoncera les conditions faites aux femmes, notamment dans le milieu universitaire, mais aussi plus généralement dans la société française, qui font qu’elle s’est toujours sentie sous la coupe d’une domination de genre, qui ne fera qu’accentuer son sentiment d’imposture causé par le fait d’appartenir au départ à une classe sociale inattendue dans ce milieu.



Autobiographie en somme, mais autobiographie critique, qui va plus loin qu’une simple introspection sur soi et sur son évolution, Se ressaisir est une passionnante enquête, à la lecture fluide et aisée, qui m’a fait découvrir avec beaucoup de plaisir la vie de Rose-Marie Lagrave, et plus encore l’acuité du regard qu’elle porte sur le monde qui l’entoure, encore actuellement.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Une conversation

Petit livre lumineux d’intelligence , de sororité, de Pensée en marche, celle qui naît du doute, de l’expérience traversée, qui oriente et engage. La résonance des trajectoires de vie de ces deux femmes, leur échange sans apprêt, questionnement et réflexion se stimulant de l’une à l’autre, nous emmène à leurs côtés sur le chemin de la liberté gagnée et assumée. Jusque dans l’approche de cette ultime aventure qu’est la vieillesse leur détermination à embrasser pleinement l’expérience est un modèle tonifiant.

A noter que le texte de leur conversation est fermement encadré et alourdit par une préface qui apporte peu au texte lui-même, et d’une postface totalement redondante et édulcorante, comme si tant de liberté d’être et de penser ne pouvait se suffire, comme si une reprise en main de l’institutionnel, avec ses rituels et préséances s’imposait ( le livre est édité par l’EHESS ).
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Une conversation

Chère Annie,

Chère Rose-Marie,



Me demander de lire Une conversation, c'était presque trop facile. Trop évident.

J'ai redouté peut-être que l'on me veuille trop conciliante.

A torts.

J'ai croqué vos mots comme d'autres des portraits, et j'y ai reconnu mes traits, parfois tranchants, parfois déformés, femme aux prises avec toutes les conformités.



Vos propos sont venus cueillir la féministe que je suis. Plus encore. La femme que j'espère encore devenir.

Dans quelques années, si peu, trop peu, j'aurai 40 ans.

Pourtant, ma génération se reconnaît dans vos pudeurs et vos vaillances. Et je crains qu'il en soit de même pour celles à venir.



Aux empêcheurs de tourner en rond, que l'on nous laisse tourner en rond ! Même sans le son. Pieds nus, les cheveux lâchés. Sans pudeur ni retenue, de celles qui tachent l'addition à l'heure des comptes.

Plus d'angles arrondis, plus de compromissions avec soi !



Puisque la condition sociale conditionne la femme à venir, puisqu'il faut lutter ou subir, notre sexe et nos racines confondus, quelles voix plus justes pour s'élever que les vôtres !

Complices.

Tendres.

En écho.
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Une conversation

Dans ce très court ouvrage,Annie Ernaux (écrivaine) et Rose Marie Lagrave (sociologue), évoquent leurs points communs, leurs différences, leurs ouvrages et les lectures qui les ont inspirées, leur place de femme dans la société patriarcale...



L'écriture devient comme un moyen de s'émanciper, de s'affirmer en tant que femme et les différentes figures féminines littéraires qu'elles évoquent, ont largement remplies leur rôle d'incubatrices.



Pour les fans de A.Ernaux, vous y découvrirez ou redécouvrirez une Autrice profonde, qui s'interroge sans cesse.



Un petit bouquin qui s'adresse quand même aux connaisseurs car ici, les deux femmes parlent beaucoup de leurs ouvrages, donc si tu n'as pas lu les livres, ça peut peut-être être un frein, sans être problématique.



J'ai trouvé ça intéressant mais pas passionnant.
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Se ressaisir

Dans cette enquête autobiographique qui met en œuvre les outils de la recherche en sciences sociales, Rose-Marie Lagrave revient sur son parcours entre la campagne normande de l'immédiat après seconde guerre mondiale et l'EHESS, institution parisienne des sciences sociales, qui réunit les sommités sur ces champs d'étude. Elle met en lumière les leviers sur lesquels elle s'est appuyée pour grimper les échelons, devenir directrice d'études et ainsi transfuge de classe... avec toutes les ambiguïtés et sentiments de malaise que cette situation peut engendrer.



L'ambition sociale de ses parents, le fait qu'ils aient un temps côtoyé les classes supérieures, comme gouvernante pour la mère et au séminaire pour le père, le cadre rigoureux du catholicisme dans lequel la famille de onze enfants a évolué, la culture du travail, le goût de l'effort et la culture littéraire transmis par un père austère... tout ce cadre a offert à Rose-Marie Lagrave et à l'ensemble de sa fratrie un environnement propice aux apprentissages scolaires. Car c'est ce qui fait la particularité de cette famille, ce qui a permis à chaque enfant de bénéficié de l'ascenseur social et d'avoir un parcours professionnel qualifié. Et cette dynamique collective est assez rare pour mériter un ouvrage. Imaginez, au sortir de la seconde guerre mondiale, une famille rurale et très précaire, une famille assistée par l'Etat, composée presque uniquement de filles, et qui chacune deviendront autonome, indépendante et dépassant sa condition... enseignante, infirmière, aide-soignante, bibliothécaire, directrice d'école d'anglais, éducatrice, secrétaire de direction... et directrice d'études à l'EHESS. Un transfuge par famille c'est déjà exceptionnel, mais plusieurs...



On perçoit bien dans ce livre combien la dynamique de la fratrie, ou plus particulièrement la sororité, a pu porter toutes ces filles dans leur parcours scolaire, par l'accès aux études supérieures à Paris particulièrement. J'ai beaucoup aimé cette première partie du récit, qui voit toutes ces filles quitter la misère familiale pour voler de leurs propres ailes, les plus grandes venant en soutien des plus jeunes, qui bénéficient pleinement à la fois de l'ascenseur social et de la main tendue.



Rose-Marie Lagrave nous présente ensuite son parcours à l'université, son énergie pour porter des sujets de recherche d'actualité, même s'ils bousculent la hiérarchie établie par tous ces hommes bien installés. Parce qu'en plus de devoir faire sa place et trouver sa légitimité dans un milieu d'intellectuels, d'héritiers, qu'elle découvre, Rose-Marie Lagrave doit aussi s'affirmer comme femme dans un monde d'hommes. L'auteure décrit avec beaucoup de justesse ces incessants aller-retours entre un milieu d'origine et celui dans lequel elle vit désormais. Ce cheminement passe par beaucoup de frustration et de malaises, dans toutes ces circonstances où l'on ressent ne pas appartenir au même monde.



A la lecture de ces lignes, il me revient que je me suis souvent posé la question de savoir si ce que Rose-Marie Lagrave interprétait comme une discrimination entre classes sociales n'était pas aussi, et surtout en fait, un mépris pour les femmes. Moi je l'ai plutôt ressenti comme une discrimination sexuelle car je pense que c'est ce que vivent les femmes aujourd'hui encore, et ce quel que soit leur milieu social. Son statut de transfuge n'a certainement fait qu'accentuer ce ressenti.



Outre le récit biographie de l'auteure, j'ai également beaucoup aimé l'analyse sociologique qu'elle en tire, s'appuyant sur des références académiques rigoureuses. L'école par exemple, la notion de mérite et d'effort... prennent une place très importante dans ce récit, comme sans doute dans celui de nombreux transfuges, chez Didier Eribon ou Edouard Louis par exemple.



Comme souvent avec ce type de récit, voici un témoignage édifiant qui devrait être lu par celles et ceux qui ne le liront pas et ne remettront jamais en question le monde tel qu'il va. Pour ma part, je vous invite à découvrir ce récit.
Lien : https://itzamna-librairie.bl..
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Se ressaisir

Dans cette autobiographie sociologique, Rose-Marie Lagrave retrace son parcours de transfuge féministe, de son enfance dans une famille nombreuse pauvre et catholique à sa retraite de directrice d’études à l’EHESS.



Elle parle avec intelligence et simplicité de soumission de classe, de genre, de maternité et de vieillesse.



Un très beau parcours et une réflexion enrichissante.



A lire pour se ressaisir.


Lien : https://lucioleetfeufollet.c..
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Se ressaisir

Retracer sa vie avec les outils et la rigueur du sociologue, voilà ce que propose l'autrice dans cet essai.



Il y ait souvent fait référence à Annie Ernaux (comment faire autrement... ) mais le style est beaucoup plus académique, rien de romancé dans cette oeuvre qui s'adresse à des universitaires ou des amateurs avertis.

Les deux grands thèmes abordés sont les transfuges de classes et le féminisme.

La vie de Rose-Marie Lagrave est étudiée et décortiquée avec méthode, par exemple elle va fouiller les archives du rectorat pour retracer le parcours de ses instituteurs.

D'une école de village de l'après guerre, jusqu'à la direction de thèses de nos jours, cet essai regorge de références et de clés pour mieux comprendre ce qu'implique la migration sociale mais aussi l'état de l'art dans la recherche dans les domaines de la sociologie et du féminisme.



Je le recommande chaudement pour ceux et celles que ces thèmes passionnent et qui ont un peu de temps et de courage à consacrer à ces 400 pages.
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Une conversation

“Les conventions finissent par former les êtres.” “Le "moi" est une commodité grammaticale, philosophique, psychologique.” Deux citations de la sublime Yourcenar qui s’appliquent à merveille à Arnie Ernaux, triste Nobel canular 2023.

Un autre exemple se LITTERATURE:

Je ne donnerai pas un mot de ce texte de Zola, pour tous les livres d'Ernaux:



"Rien n'est plus douloureusement calme qu'un crépuscule d'automne. Les rayons pâlissent dans l'air frissonnant, les arbres vieillis jettent leurs feuilles. La campagne, brûlée par les rayons ardents de l'été, sent la mort venir avec les premiers vents froids. Et il y a, dans les cieux, des souffles plaintifs de désespérance. La nuit descend de haut, apportant des linceuls dans son ombre."
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Se ressaisir

Rose-Marie Lagrave, sociologue, féministe, livre le récit de son parcours de transfuge de classe. Avec le regard de la sociologue, elle se prend elle-même pour objet d'étude, mobilisant tous les outils et les méthodes de la sociologie. Si elle met ses pas dans ceux d'autres transfuges de classe qui, comme Didier Eribon, Edouard Louis, Pierre Bourdieu ou Annie Ernaux se sont adonnés à cet exercice avant elle, Rose-Marie Lagrave met en exergue l'originalité de son parcours : une famille nombreuse "pauvre mais jamais misérable" et empreinte d'un catholicisme rigoureux, un père cultivé qui transmettra à ses enfants une rigueur morale et la volonté de "s'en sortir", ou la présence de la maladie. La sociologue retisse donc les fils de sa vie à l'aune de cette idée de transfuge. Je ne reprendrai pas les différentes idées avancées par l'auteure, le but n'est pas de résumer le livre. J'ai été très intéressé par ce qu'elle dit de l'école, comment elle montre notamment que l'école n'est en aucun cas l'outil de progrès social si vanté, mais au contraire une terrible machine à reproduire les inégalités. Rose-Marie Lagrave explique son ascension sociale par d'autres facteurs, internes et extérieurs (les alliés d'ascension). La partie sur les rivalités et les coups bas entre universitaires à l'EHESS m'a en revanche un peu moins intéressé. Mais le chapitre sur le vieillissement et la mort est passionnant. Avec un regard lucide et rigoureux, Rose-Marie Lagrave nous offre un livre entre enquête sociologique et autobiographie, qui se lit assez facilement même sans connaissances poussées en sociologie.
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Une conversation

Dans l’un comme dans l’autre de ces deux exercices, ce livre montre très subtilement que l’on n’avance pas sans contracter de dettes à l’égard de celles et ceux sur lesquels on s’appuie, et que la conversation est peut-être le meilleur moyen de les honorer.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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