Positif
Alors c’est ça.
C’est ça, être enceinte.
C’est avoir tellement de nausées la journée que même le missionnaire vous donne le mal de mer.
C’est avoir envie de buter le premier fumier qui allume sa cigarette juste devant vous dans l’escalator à la sortie du métro.
C’est sentir puissance 1000 les odeurs nauséabondes nichées dans Paris.
C’est avoir envie de balancer une droite à votre moitié quand il serre un peu trop fort votre poitrine de ses viriles mains.
C’est avoir envie de rendre ses repas du matin, de la veille et de 1992, dans les bus, les Uber et son casque de scooter.
C’est déprimer au japonais en regardant du coin de l’œil le plateau de sushis de votre voisin.
C’est manger le pain en laissant à vos potes le soin d’éclater cette magnifique planche de charcuterie-fromage-vous-êtes-sûrs-qu’il-n’est-pas-pasteurisé ?
C’est voir son mec avoir les paupières qui se ferment d’un trop-plein d’alcool pendant que vous finissez en bâillant votre troisième Virgin Mojito.
C’est rire un peu moins aux blagues qui vous faisaient tellement marrer à 2,6 grammes dans le sang.
C’est se faire un peu chier quand tous vos potes parlent ce langage où les consonnes se sont perdues dans la septième bouteille de pomerol.
Et c’est le cacher à la terre entière parce-qu’on-ne-le-dit-pas-avant-l’échographie-du-troisième-mois.
Je vais tenter l’excuse détox. Celle qui implique une pause bien-être à votre corps imbibé d’ivresse.
Oui. Mais voilà.
J’ai 35 ans et une réputation d’alcoolique notoire. Quand on m’appelle, ce n’est jamais pour un déjeuner ou un dîner. C’est pour l’apéro. Avec moi, les apéros, ça dure jusqu’à 23 heures. Et sans manger. Manger, c’est tricher.
J’ai 35 ans et j’aime le bon vin. Si je commence à boire de l’eau pétillante en soirée, c’est sûr, mes potes vont trouver ça louche.
Demain, c’est l’anniversaire de Lola.
On verra.
Plus que 8 mois et 2 semaines.
Raté
Ça n’a pas loupé.
– Tu fais quoi avec ce verre de Salvetat ?!?
– Je suis en mode détox…
– Mon cul. Eh, Paul, sers-lui une coupe !
– Nooooon, mais vraiment, je suis en mode détox !!!
– T’es enceinte ? Elle est enceinte !!!
– Mais non ! Putaaaaain. J’arrête de boire pendant un mois pour… euh… pour purifier mon corps…
Sur la table basse du salon se côtoient charcuteries, fromages, tarama, et un chat qui laisse, sur cette abondance de nourriture, poils sur poils à chacun de ses passages.
La toxoplasmose me rend parano. Je suis assise sur un canapé où ce félin vient probablement frotter son anus à longueur de journée. JE NE SUIS PAS IMMUNISÉE, BORDEL.
Un petit tour sur Doctissimo.
« T’inkiète pa, tu peu chopé la toxo ke si tu touche le caca de ton chat. »
Me voilà rassurée.
J’ai trouvé une copine pour la soirée.
Laura, enceinte de 7 mois. Elle a pris seulement 7 kilos (cette pute).
Elle a une grossesse idyllique, sans nausées, et elle est immunisée. Elle porte des vêtements moulants et ses cuisses, on dirait mes bras.
On l’a toutes eue, cette copine, à qui on a envie de mettre des claques parce que sa grossesse se passe bien. Parce qu’elle sourit aux oiseaux, parce qu’une musique de comédie musicale accompagne le moindre de ses mouvements. On l’a toutes eue cette copine qui a-pris-à-peine-11-kilos au terme de sa grossesse et en a déjà perdu 14, deux mois après l’accouchement.
Moi, en tout cas, je l’ai cette copine qui paraît plus mince que moi, qui ne suis enceinte que de 2 semaines et 3 jours.
Ma libido
Je suis dans le métro. Il fait chaud et le balancement incessant de la rame donne envie à mon petit déjeuner de retrouver sa liberté. Quand j’étais petite, j’avais le mal des transports. À chaque trajet un peu trop long, mon père devait s’arrêter sur le bas-côté de la route pour me laisser vomir mes Chocapic. Aujourd’hui, j’ai 35 ans et j’ai l’impression d’en avoir 7.
Absolument tout me donne la nausée. Une personne qui fait non avec la tête. Ou qui fait oui. Un gamin sur une balançoire. Les feuilles qui dansent au passage du vent d’automne. Tourner les pages d’un livre. Me faire un brushing. Parler. Marcher. Même quand je vois un chien qui hoche la tête sur la banquette arrière d’une voiture, j’ai envie de vomir.
Ma libido s’est perdue dans une de ces remontées gastriques, en pleine levrette, un dimanche après-midi. Ce va-et-vient entre mes reins est devenu un supplice. Comment cela a-t-il pu arriver ? À moi ? Nymphomane de premier ordre ? Je préférerais encore être enfermée avec Francis Huster déclamant sa vie, son œuvre dans une cave infestée de mygales plutôt que d’avoir à refaire l’amour. Oh. Mon. Dieu. Délivrez-moi de cet enfer. Faites revenir à moi les frissons de sa main se posant sur ma blanche peau. La chaleur qui envahit mon corps au contact de ses lèvres. La décharge électrique qui me secoue lorsque sa queue se dresse au-dessus de mon sexe.
Il paraît que ce désagrément accompagne la femme enceinte les trois premiers mois.
Plus que 2 mois et 1 semaine.