Je lui demande pourquoi il ne m’embrasse pas, on ne s’est pas vu depuis une semaine quand même. Il me dit si si et je lui dépose un petit bisou sur la bouche. Je pourrais jurer que je l’ai senti se raidir, ses lèvres sont sèches, j’embrasse de la pierre. On ne sait jamais dans une histoire d’amour quel baiser sera le dernier. Si on pouvait choisir le dernier baiser, on s’appliquerait, on essaierait de lui donner toutes les couleurs de l’amour qu’on a partagé, on y mettrait de la passion, de la chaleur, de la tendresse en mémoire de tous les moments merveilleux qu’on a vécus. Si on avait su, on aurait pu faire mieux et on ne serait pas resté sur un baiser minable, triste et sans saveur comme celui-là.
« Ma tête est lourde, je ne sais comment exister dans ce monde abominable, comment vit-on chaque jour, comment respire-t-on, comment mange-t-on, comment rit-on, comment fait-on l’amour, comment fait-on des enfants quand on étouffe sous toute cette horreur? Quand on est écrasé sous les génocides et sous la haine? (…) Je cherche constamment, la réponse s’échappe, insaisissable, impossible, je chercherai toujours. »
« Je je je. J’écris ce qu’Awa raconte à la première personne. J’écris ce que tous racontent à la première personne. Je je je. À force d’écrire je, ces histoires deviennent les miennes. Je suis eux, tour à tour, puis tous en même temps. J’ai vécu des centaines de vies, toutes plus tragiques les unes que les autres, j’ai vécu dans des dizaines de pays, je connais le nom des avenues, je peux dessiner les quartiers. j’ai tout vu, tout entendu, tout ressenti. Je sais tout des hommes et de l’horreur qu’ils cachent en eux. Ces vies, je les transporte partout, elles se rappellent à moi la nuit et mes rêves se font cauchemars. »
Elle a été torturée et je me plains d'un cœur brisé ? Est-ce que j'ai le droit moi de souffrir de ces choses banales avec tout ce que j'entends, tout ce qu'on me raconte, des sanglots dans la vie et dans la voix. Ces souffrances sont-elles différentes de la mienne ? Comment savoir ? Tout ce que je sais c'est que la douleur a envahi ma personne toute entière, a pris pleine possession de moi. Elle a tout raflé sur son passage, n'a rien laissé derrière.
« Je lui demande pourquoi il ne m’embrasse pas, on ne s’est pas vu depuis une semaine quand même. Il me dit si si et je lui dépose un petit bisou sur la bouche. Je pourrais jurer que je l’ai senti se raidir, ses lèvres sont sèches, j’embrasse de la pierre. On ne sait jamais dans une histoire d’amour quel baiser sera le dernier. Si on pouvait choisir le dernier baiser, on s’appliquerait, on essaierait de lui donner toutes les couleurs de l’amour qu’on a partagé, on y mettrait de la passion, de la chaleur, de la tendresse en mémoire de tous les moments merveilleux qu’on a vécus. Si on avait su, on aurait pu faire mieux et on ne serait pas resté sur un baiser minable, triste et sans saveur comme celui-là. »
Sohrab nous dit qu’il reviendra dès qu’il pourra. En le regardant partir, je me demande si je le reverrai un jour. Certain disparaissent alors qu’ils juraient nous être liés pour toujours. On ne saura jamais ce qu’ils sont devenus, on devinera, ils nous ont oubliés parce qu’ils ont reconstruit une vie nouvelle dans laquelle il n’y a plus de place pour les souvenirs de cette vie d’avant, celle qu’ils aperçoivent encore dans nos yeux. On préfère cette version-là, on les imagine heureux, on ne veut pas envisager les autres possibles, les charters les ramenant vers leur enfer, les vies clandestines à espérer des papiers.
Les hommes, ils vont, ils viennent, ce qui compte c'est toi, tu dois être la femme de ta vie.