La nature me fascine. Je peux rester des heures à scruter les trajectoires aériennes ou terrestres des insectes. J'ai envie de partager leur existence.
A l'aide d'une pelle je soulève des fourmilières. Je jette le mélange de terre sur un autre camp de fourmis et la guerre peut alors commencer. J'observe le champ de bataille. Les cadavres des petits soldats s'entassent à mes orteils, je jubile, je m'invente des histoires.
J'aurais aimé lui (le père) dire combien je souffre encore de ses abandons et combien je l'aime malgré tout. On ne dit jamais assez de choses aux vivants, il faut attendre la mort pour que les mots surgissent. (p.112)
Mon beau-père monte à Paris et dort chez moi.
Vers 2 heures du matin je me lève. Je vais sur la pointe de mes pieds nus dans la cuisine boire un verre d'eau. En passant devant la chambre où il dort, je l'entends m'appeler. J'entre dans la chambre et m'agenouille près de lui, dans la pénombre. Il sue et tremble. Sa main a des gestes compulsifs sous les draps. Il baisse les yeux et dit: "J'ai envie de toi... surtout ne dit rien à personne." Comment ose-t-il me dire une chose aussi monstrueuse? Le lendemain matin j'évite son regard. Il fait comme s'il ne s'était rien passé.
Régulièrement je pars en fugue, juste pour le plaisir d'être recherchée, pour avoir l'impression de compter pour quelqu'un. (p.46)
Le juge me dit qu'il me place sous la responsabilité de la justice. Que mon père, ma mère, mes grands-parents ne veulent plus de moi. Je me répète en boucle "ma mère, mon père, mes grands-parents". Je n'ai plus personne. Comment marcher avec confiance sous le ciel ? (p.39)
Il faut accepter les déceptions passagères, mais conserver l'espoir pour l'éternité