Simon Martin

I. DANS L'ATELIER


26

J'étale des bruns des gris
de la terre de Sienne

Mes gestes sont brusques
sans finesse

Une patate
sort de ma feuille

silencieuse
renfrognée

p.42

I. DANS L'ATELIER


21

Je m'attaque
au pissenlit

mais de lui
tout m'échappe

ses feuilles dentelées
son moelleux
sa souplesse de fleur

Aujourd'hui
c'est lui qui gagne

p.37

I. DANS L'ATELIER


15

Mon pinceau
interroge la terre

Puis il s'élance à la recherche
d'un brin d'herbe

retombe
et s'élance à nouveau


16
Ne pas brûler les étapes
et passer en une nuit

du brin d'herbe
au Ginkgo biloba

Marcher lentement
le nez collé à la terre

p.31-32

I. DANS L'ATELIER


14

Avec mon doigt
je dessine des formes
sur la feuille

Ces traits-là
n'apparaîtront jamais

Et pourtant
qui pourrait dire
qu'ils n'ont jamais existé

p.30

I. DANS L'ATELIER


12

Ne pas savoir
pourquoi je fais ceci
ou cela

Faire
recommencer
et encore recommencer


13

Devant la feuille
j'hésite

Y aurait-il
moyen de peindre

sans toucher au blanc

sans en troubler
la surface

p.28-29

I. DANS L'ATELIER


11

Mon crayon me refuse
ce que mon œil voit

Je dis droite
il dit courbe

Je dis courbe
il dit tordu

Je dis cheval
il dit chien

p.27

I. DANS L'ATELIER


10

Comme les premiers hommes
j'apprivoise le cheval
par le dessin

Je lance
des lassos de graphite
pour le capturer

La prairie ricane

p.26

I. DANS L'ATELIER


9

Aujourd'hui j'ai décidé
de dessiner un cheval

Avant de commencer
j'apprends à la connaître

la forme de ses pattes arrière
le S de son encolure

l'odeur de son crottin

p.25

I. DANS L'ATELIER


7
POUR dessiner un nu
je commence aussi
par dessiner une pomme.


8
Proportion
composition
perspective

Au milieu de tout ce savoir-faire
se ménager un point de fuite
au fond du dessin

a quelque chose de rassurant

p.23-24

I. DANS L'ATELIER


1
Chaque matin
je repars de rien

quelques éclats de graphite
sur une page blanche

le contour d'une main
appliquée sur la paroi
d'une feuille


2
Je dessine un cercle
sur ma feuille

C'est du Caravage
du Nicolas Poussin
et du Picasso à la fois

p.17-18

 
 
La paume tournée vers le haut
tu plies le majeur et l’annulaire

Aujourd’hui tes mains
lancent des toiles d’araignée

Hier c’était des boules de feu
des couteaux des éclairs

Quand vient mon tour
mes lèvres effleurent ta paume
Je souffle

AU COMMENCEMENT…


Au commencement
Dieu créa le monde
avec des traits

Il fit l'herbe les arbres
la silhouette des oiseaux

l'ovale du sein
l'horizon sur la mer

Le monde était blanc
ou noir

Dieu vit que cela était bon

Puis il se mit à pleuvoir
et tout se mélangea sur la Terre

p.13

On peut voir
Avec les mains

Et c'est
Bien mieux

Alors, quand Budy Slim est reparti en Amérique avec son régiment, il a laissé uin grand vide dans le coeur de ma grand-mère et un grand plein dans son ventre.
Le vide, le plein, ça encore c'est toujours le blues.

Avec la guerre, tout était sens dessus dessous. On pouvait être vraiment désespéré et la seconde d'après tomber amoureux, et même être triste et joyeux à la fois...comme avec le blues !

Malgré les apparences
ma maison est un moulin

on y entre comme ça
et on en ressort moulu

par les cris des enfants
et le poids des années