Ces efforts répétés pour atteindre la montagne la plus élevée de l'univers ont déjà coûté des vies humaines. Ils ont également coûté bien des douleurs physiques, bien des fatigues et des désagréments aux grimpeurs. Ils ont été très onéreux. Et il n'y a pas la moindre apparence qu'on puisse en retirer aucun gain matériel - pas une once d'or, de cuivre, ou de charbon, ni une seule pierre précieuse, ni aucun terrain pouvant produire nourriture ou matière. [...] Et alors, quelle en sera l'utilité ? C'est qu'une nouvelle jouissance s'ouvrira dans la vie. Et la jouissance de la vie n'en est-elle pas un peu le but ? Nous ne vivons pas pour manger et gagner de l'argent. Nous mangeons et gagnons de l'argent afin de pouvoir jouir de la vie. Et nombre d'entre nous savent que l'ascension d'une montagne est la plus belle jouissance qu'on puisse se donner.
(Introduction du livre de Charles G. Bruce "L'assaut du Mont Everest", 1922.)
L'Everest incarnait les forces physiques du monde. C'est contre cela que s'élevait l'esprit de l'homme. S'il réussissait, il pourrait voir la joie illuminer le visage de ses camarades. Il imaginait le plaisir que sa réussite donnerait à tous les alpinistes, le prestige qu'en retirerait l'Angleterre, l'intérêt que cela susciterait dans le monde entier, le renom que cela lui vaudrait, la satisfaction durable qu'il ressentirait d'avoir donné un sens à sa vie...
Peut-être ne formula-t-il jamais ces pensées, mais dans son esprit il y avait l'idée du "tout ou rien". De ces deux possibilités : faire demi-tour pour la troisième fois ou mourir, la seconde étant probablement la plus facile à envisager pour Mallory. Les souffrances de la première dépassaient ce qu'il pouvait endurer en tant qu'homme, en tant qu'alpiniste et en tant qu'artiste.
Panorama depuis le camp d'altitude de la vallée de Kharta:
"Et à quelques kilomètres seulement à l'Ouest, l'Everest lui-même, se détachant très net et clair, d'un blanc parfait à cause de la neige fraîche tombée le mois dernier, non plus rapetissé par les hautes arêtes qui en rayonnent mais érigé comme un pic solitaire dans tout son éclat.
Le paysage entier était baigné d'une clarté resplendissante. On aurait dit un monde neuf, bien au-dessus de la terre sordide. Tout était lumière et pureté."