Soleano Rodrigues

Le monde s’arrête de tourner, tout comme mon cœur cesse de battre. J’ai l’impression d’avoir été envoyé dans un univers parallèle, tant cette situation est des plus improbables. Il croise mon regard et je sens mon souffle se couper sous la puissance des sentiments que ses yeux vert émeraude ravivent en moi. Son visage exprime la même surprise que le mien. Nous restons là, yeux dans les yeux, nous dévisageant, nous interrogeant du regard.

Ses lèvres se posent sur les miennes, mes mains trouvent immédiatement le chemin jusqu'à sa nuque. Le temps s'arrête et plus rien ne semble avoir d'importance. Notre baiser, son corps chaud et ferme contre le mien et notre étreinte qui me fait oublier la sentence qui m’attend.

Cette tornade blonde est entrée dans ma vie il y a sept ans, en fait, elle a été ma première rencontre après le déménagement. Avec son physique parfait et son infatigable joie de vivre, elle est tout l’opposé de moi et sa présence me fait toujours un bien fou.

Des milliers de personnes décident chaque jour de refaire leur vie, de déménager, de tout quitter ou de partir à l'aventure... Pour ma part, cette décision a été prise contre mon gré, je n'ai pas eu mon mot à dire. J'ai simplement bouclé mes valises en fermant très gentiment ma bouche et en laissant mes larmes couler silencieusement.
 

En une fraction de seconde, mon monde tout entier s’est écroulé, tel un château de sable avalé par l’océan, j’ai tout perdu et je ne pouvais rien y changer. Je me suis retrouvée seule face au désastre que j'avais causé. Seule à avoir la solution pour réparer les dommages que mon secret venait de déclencher.

Leurs regards hantent mes pensées. Je ne vois plus que ça à chaque fois que je ferme les yeux.
Ceux de ma mère, rougis par les larmes qu'elle a versées en découvrant cet horrible secret que je cache depuis bien trop longtemps et que j'aurais voulu enterrer indéfiniment. Mais ce qui me marquera à tout jamais, c'est la façon dont mon père m’a regardé lorsque j'ai franchi le seuil du salon ce soir-là. Les yeux emplis de dégoût, de tristesse et de colère. Il n'a pas prononcé un seul mot, il me fixait simplement comme si je n'étais plus sa petite fille chérie, mais une criminelle.

Détestant plus que tout la foule et les rassemblements de personnes dans un même endroit, le choix de me retrancher sur cette petite plage rocailleuse était ce qu’il me fallait, un endroit parfait pour admirer ce feu d’artifice du 1er janvier. Cette dernière, faiblement éclairée, remonte jusqu'à l'allée de la maison que j'habite depuis maintenant trois ans.