Interview de Stéphan Sanchez qui revient sur son parcours, son prix littéraire et son dernier livre, "La Nouvelle Amie".
Le 24 décembre 2022
Cher inconnu,
J'ai quitté mon travail de libraire après sept années de bons et loyaux services. Je profite de ce temps pour lire, écrire et voir des amis. Je me familiarise avec ce rythme, je m'habitue doucement à cette vie nouvelle.
Contrairement à mes habitudes, je parle volontiers du texte que je suis en train de produire. J'ai laissé ma superstition au vestiaire, je prends des risques.
Mes proches sont curieux : « Un livre consacré à l'amour ? Comment t'est venue cette idée ?» Je cite quelques prénoms : « Franck, Waël, Andrew, Aurélien, Patrick. Une belle suite d'échecs. »
Ma relation la plus longue était avec un homme plus âgé. Dario avait 12 ans de plus. Dario et mon père se ressemblaient. Ils possédaient cette même dureté, ces mêmes accès de violence et de fureur, cette même virilité sauvage.
J'ai quitté Dario parce que je ne supportais plus son agressivité. Une rage l'habitait. Un démon.
Avec les années, mon géniteur s'est adouci. Le travail qu'il a fait sur lui a porté ses fruits. Je n'éprouve plus de rancœur. J'ai pardonné. La page est tournée, nous sommes deux adultes maintenant.
On ne peut pas faire de généralités sur les origines de l'homosexualité. Aucune grille de lecture n' est valable pour tout le monde.
J'espère avoir surmonté le modèle grâce à Dario.
J'espère avoir commencé à guérir.
Je t'embrasse,
Stéphan
La poésie est inexplicable. Elle est cette langue cachée, cette société occulte.
Vos textes, Marie-Noëlle, sont une quête du secret.
Votre hommage me touche et je suis heureuse de ce qu'à pu vous apporter mon écriture et mon histoire de vie. Nos enfances appartiennent désormais au passé, mais il nous en reste toujours quelque chose. Puissent les épreuves se transformer en forces, qui parfois nous invitent à voir les autres différemment et ouvrent sur une meilleure compréhension de l'âme humaine et de la nature qui nous entoure. C'est ce que vous avez su faire dans votre livre, en reliant votre vécu et le mien.
"Je n'aurais rien été vraiment / qu'un petit oiseau égaré / parmi les hommes sur la terre, / sur la terre je n'aurai volé/ que pour follement y chanter/ ce que le soir, le vent, la vague,/à mon cœur auront chuchoté."
À ceux qui s'étonnent que l'envie d'écrire vous soit passée, vous répondez: "Quand un oiseau ne ressent plus le désir de chanter, il se tait."
Qui ai-je offensé ? Qui ai-je blessé ? Je n'ai pas de rancœur, pas d'amertume. Tout s'est passé comme cela devait se passer... Aujourd'hui, je suis heureux d'être l'homme que je suis. Je me sens à ma place, en accord avec moi-même. Aligné.
Avec tout mon respect,
Votre ami, Stephan
Dans les actualités de l'époque, on murmure que "l'affaire Minou Drouet" est la plus grande querelle littéraire des dernières années. Les statistiques estiment qu'elle fait couler plus d'encre que l'affaire Dreyfus.
Puisque Dieu n'avait pas redressé les torts, c'était à moi d'enfiler le costume du super-héros.
Il y a chez la femme une force de vie qui m'émeut. Un souffle chaud, un éclat de lumière. Comme beaucoup d'entre elles, je suis assez intuitif et à l'écoute de mon enfant intérieur. Mon arme la plus redoutable est la délicatesse. Je suis aussi soucieux du bonheur des autres que du mien. Je sais que mon entourage est un miroir ; les gens que j'aime font partie de moi, ils me constituent. Nous sommes tous connectés. Nous sommes tous un peu sorciers, un peu magiciens.
Votre histoire me remue ; il n'y a rien à faire.
Je n'ai pas d'autre choix que d'écrire sur vous.
Parce qu'écrire sur vous revient à écrire sur moi.
Parce qu'écrire sur soi est la seule chose qu'on puisse accomplir.